La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2016 | FRANCE | N°14MA03969

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 16 février 2016, 14MA03969


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Asphodèles services a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 14 mars 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle a retiré la décision du 12 février 2013 par laquelle il avait implicitement rejeté le recours hiérarchique formé par Mme B... contre la décision de l'inspecteur du travail du 23 août 2012 l'autorisant à procéder à son licenciement, a annulé cette dernière décision et a refusé de lui accorder l'autorisa

tion de licencier l'intéressée.

Par un jugement n° 1301860 du 15 juillet 2014, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Asphodèles services a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 14 mars 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle a retiré la décision du 12 février 2013 par laquelle il avait implicitement rejeté le recours hiérarchique formé par Mme B... contre la décision de l'inspecteur du travail du 23 août 2012 l'autorisant à procéder à son licenciement, a annulé cette dernière décision et a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier l'intéressée.

Par un jugement n° 1301860 du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 14 mars 2013 en tant qu'elle refuse d'accorder à la SARL Asphodèles services l'autorisation de licencier Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 15 septembre 2014 et le 3 août 2015, Mme E... B..., représentée par la SCP Marce Andrieu Maquenne Caramel demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 juillet 2014 ;

2°) de rejeter la demande de la société Asphodèles services dirigée contre la décision du ministre ;

3°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 23 août 2012 et de confirmer le refus d'autorisation de procéder à son licenciement ;

4°) de mettre à la charge de la SARL Asphodèles services la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- en prenant acte dans son jugement de ce que la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement était entachée d'une contradiction de motif sans en tirer pour conséquence l'annulation de cette décision, le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision ;

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur tous les éléments dont il était saisi ;

- il appartenait à la SARL Asphodèles services d'apporter la preuve de la recherche de reclassement effectuée et de l'impossibilité de création d'un poste devant permettre le reclassement, le tribunal s'étant, sur ce point, mépris sur la dévolution de la charge de la preuve ;

- le tribunal n'a pas répondu à sa contestation relative à la défaillance de la SARL dans la démonstration des recherches de reclassement effectuées ;

- les offres proposées ne permettaient pas d'apprécier le caractère suffisant de la proposition de reclassement faute, pour la seconde, de préciser le statut de cadre ;

- il existait d'autres postes vacants qui n'ont pas été portés à la connaissance du ministre ;

- la SARL Asphodèles services ne peut être regardée comme ayant satisfait à son obligation de recherche de reclassement, dès lors que cette dernière n'a pas été étendue à l'ensemble du réseau de franchise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2015, la SARL Asphodèles services conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de la décision du 14 mars 2013 du ministre du travail intervenue sur recours hiérarchique, en tant qu'elle réforme la décision d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail du 23 août 2012 et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en décidant de procéder au retrait de sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, née le 13 février 2013, et d'annuler la décision de l'inspecteur du travail dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision, le ministre du travail a commis une erreur de droit car il ne pouvait retirer sa décision implicite qui était créatrice de droit ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me C... de la SCP Marce Andrieu Maquenne Caramel, pour Mme B... et de Me A... pour la SARL Asphodèles services.

1. Considérant que, saisie par la SARL Asphodèles services d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude de Mme B..., conseillère prud'homale dans la section encadrement, l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation sollicitée par une décision du 23 août 2012 ; que, sur recours hiérarchique formé par la salariée, le ministre du travail qui, dans un premier temps avait gardé le silence, a, par une décision explicite du 14 mars 2013, retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 12 février 2013, annulé la décision de l'inspectrice du travail et a rejeté la demande d'autorisation de licenciement sollicitée ; que Mme B... relève appel de l'article 1er du jugement du 15 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, saisi par la SARL Asphodèles services, a annulé la décision du 14 mars 2013 en tant qu'elle refusait à la société l'autorisation de licenciement sollicitée ; que, par la voie de l'appel incident, la SARL Asphodèles services relève appel de l'article 3 du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, qui tendaient à l'annulation de la décision du ministre en tant qu'elle a retiré le rejet implicite du recours hiérarchique de Mme B... et a annulé la décision de l'inspectrice du travail ;

Sur l'appel principal de Mme B... :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail " ;

3. Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; que la circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter le groupe auquel, le cas échéant, celle-ci appartient, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

4. Considérant que, pour annuler la décision par laquelle le ministre du travail a refusé à la SARL Asphodèles services l'autorisation sollicitée, le tribunal s'est fondé sur l'existence de deux propositions d'emploi concrètes dont une sur un emploi équivalent à celui jusqu'alors occupé, révélatrices selon lui d'une recherche effective de reclassement et a jugé qu'ayant effectivement recherché des possibilités de reclassement, cette société s'était acquittée avec diligence de ses obligations légales ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le poste de responsable d'agence au sein de la SARL LM Services proposé à Mme B... était situé à Meaux, en Seine-et-Marne, et que le poste de " chargé de développement " au sein de la SARL Franchi Dom était accompagné d'une fiche de poste indiquant une localisation en France et précisant : " prévoir a minima 130 jours par an de déplacement " ; que cette dernière fiche était également silencieuse sur le statut de cadre éventuellement attaché à ces fonctions, ne permettant pas à Mme B... de déterminer si elle conserverait la possibilité d'exercer son mandat représentatif ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'un poste de responsable d'agence à Nîmes s'est libéré le 31 mars 2012, soit douze jours avant que le médecin du travail ne déclare Mme B... inapte à tout emploi, le 12 avril 2012 et que ce départ était connu depuis le mois de décembre 2011 ; que si la SARL Asphodèles services fait valoir que le processus de recrutement avait été engagé bien avant le départ de la directrice et qu'une nouvelle directrice avait été engagée dès le 13 février 2012, il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail n'a été signé que le 24 avril 2012, soit douze jours après qu'ait été portée à la connaissance de l'employeur la nécessité dans laquelle il se trouvait de reclasser sa salariée inapte à tout emploi dans l'entreprise, et alors que la personne dont le recrutement était envisagé bénéficiait d'un simple dispositif de formation, dans le cadre du dispositif de " préparation opérationnelle à l'emploi " ; qu'au vu de ces éléments, et alors que l'obligation de reclassement doit se traduire, le cas échéant, par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail, le tribunal ne pouvait juger, comme il l'a fait, que la vacance du poste de directeur de l'agence de Nîmes avait pris fin à la date de la reconnaissance de l'inaptitude de Mme B... ;

5. Considérant que si la société indique avoir, après le refus de Mme B..., poursuivi ses recherches de reclassement, mais s'être heurtée à l'absence d'autre poste vacant susceptible de lui être proposé, elle ne produit aucun début de justification des recherches effectuées mais se borne à soutenir, sans l'établir par les documents qu'elle produit, que la taille des différentes agences ne permet pas le financement d'un poste de directrice en indiquant que, sur soixante-trois agences, seules cinq (Livry, Montpellier, Nîmes, La Grande Motte et Avignon) disposeraient d'un volume de prestations de services suffisant pour supporter un tel poste alors que cette affirmation est démentie par la proposition d'un poste de responsable d'agence à Meaux ; que la simple production de registres du personnel, qui n'est d'ailleurs assortie d'aucun commentaire susceptible d'en faciliter l'exploitation, n'est de nature à démontrer ni, comme il a été exposé ci-dessus, l'absence de poste disponible ni le sérieux des recherches effectuées ; que la SARL Asphodèles services ne peut ainsi être regardée comme ayant procédé à une recherche sérieuse et loyale des possibilités de reclassement de Mme B... ; qu'il en résulte que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé le contraire et a annulé la décision du ministre du travail, qui, en l'absence de recherche sérieuse des possibilités de reclasser l'intéressé était tenu de refuser l'autorisation sollicitée par la SARL Asphodèles services ;

6. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'écarter comme inopérants l'ensemble des autres moyens invoqués par la SARL Asphodèles services dès lors que le ministre était en situation de compétence liée ;

Sur l'appel incident de la SARL Asphodèles services :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. " ;

8. Considérant que le silence gardé par le ministre du travail saisi par Mme B... le 12 octobre 2012 d'un recours hiérarchique a donné naissance à une décision implicite de rejet née le 12 février 2013 ; que la SARL Asphodèles services conteste par la voie de l'appel incident la décision ministérielle du 14 mars 2013 en tant qu'elle procède au retrait de la décision implicite de refus née de son silence gardé pendant le délai de quatre mois prévu par l'article R. 2422-1 du code du travail, en faisant valoir que la décision implicite du 12 février 2013 était créatrice de droits et ne pouvait être retirée que dans un délai de quatre mois ; que, ce moyen est toutefois inopérant dès lors que le retrait de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique est intervenu le 14 mars 2013, moins de quatre mois après la naissance de cette décision et que le rejet du recours hiérarchique était lui-même illégal, pour les motifs qui ont été exposés aux points précédents ; qu'ainsi la SARL Asphodèles services n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a rejeté sa contestation sur ce point ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 14 mai 2013 du ministre du travail en tant qu'elle rejetait la demande d'autorisation de licenciement présentée par la SARL Asphodèles services ; que cette dernière n'est, pour sa part, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de la même décision en tant qu'elle retirait le rejet implicite du recours hiérarchique de Mme B... et annulait la décision de l'inspectrice du travail du 23 août 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la SARL Asphodèles services la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B... qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Asphodèles services une quelconque somme au même titre ; qu'en l'absence de dépens exposés dans la présente instance, les conclusions de Mme B... tendant à la condamnation de la société aux dépens sont dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 juillet 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SARL Asphodèles services devant le tribunal administratif de Montpellier et tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 14 mars 2013 refusant d'autoriser le licenciement de Mme B... ainsi que l'ensemble de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : La SARL Asphodèles services versera une somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., à la SARL Asphodèles services et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

-M. Chanon, premier conseiller,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 février 2016.

N° 14MA03969

bb


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award