La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2016 | FRANCE | N°15MA01404

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 12 février 2016, 15MA01404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2013 par lequel le maire de Perpignan a pris à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation, et d'enjoindre audit maire, sous astreinte, de le réintégrer dans sa carrière et son régime indemnitaire.

Par un jugement n° 1305276 du 20 février 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avr

il 2015, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2013 par lequel le maire de Perpignan a pris à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation, et d'enjoindre audit maire, sous astreinte, de le réintégrer dans sa carrière et son régime indemnitaire.

Par un jugement n° 1305276 du 20 février 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2015, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 février 2015 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2013 ;

3°) d'enjoindre au maire de Perpignan, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de retirer de son dossier la sanction et de rétablir sa carrière et son régime indemnitaire ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 500 euros à verser à son conseil, lequel s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il fait valoir que :

- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé, au regard de la sanction qu'avait proposée le conseil de discipline ;

- la sanction est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et est disproportionnée ;

- il reconnaît uniquement avoir minoré le quotient familial d'une dizaine de familles sans l'habilitation de sa hiérarchie lors du 1er trimestre 2013, afin que les enfants ne soient pas privés de repas ; il n'a pas été formé à sa fonction de régisseur et a été submergé par un travail qui n'était pas organisé clairement ;

- le tribunal a repris la position de la commune de Perpignan, qui ne correspond pas à la réalité ;

- la sanction est entachée de détournement de pouvoir et de procédure, car il fait l'objet d'un harcèlement moral depuis son arrivée dans le service qui explique qu'il demandait son changement de service depuis 2009.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2015, la commune de Perpignan, représentée par la société civile professionnelle d'avocats Becque, Dahan, Pons-Serradeil, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelant des dépens et de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures de première instance sans présenter de moyens contre le jugement attaqué ;

- aucune erreur manifeste d'appréciation n'entache la révocation ; l'appelant a reconnu les faits et la commune a vérifié les dossiers traités par l'intéressé et a comptabilisé plus de cent familles ayant bénéficié de ses agissements ; le manque de formation ne peut expliquer les erreurs commises alors qu'elles concernent toutes des minorations du quotient familial et pas une seule majoration ; les attestations selon lesquelles il aurait subi une surcharge de travail ne peuvent démontrer le caractère disproportionné de la sanction ; l'attestation du directeur des prestations de la caisse d'allocations familiales (CAF) n'explique en rien les minorations reprochées ; les contrôles réalisés sur les saisies effectuées par d'autres agents communaux n'ont révélé aucune fraude, ce qui, en tout état de cause, serait sans influence sur le caractère disproportionné de la sanction retenue à son encontre ; de nombreuses dispositions existent pour les familles en difficulté et l'argumentaire selon lequel il aurait agi ainsi pour permettre aux enfants de bénéficier d'un repas par jour ne tient pas ;

- le requérant n'établit pas le détournement de pouvoir ; le choix de sa candidature sur le poste s'est fait sans aucune autre considération que la valeur des candidats ; sa notation reflète son attitude lors des premiers mois de sa prise de fonction, et n'a pas été contestée par l'intéressé, qui a d'ailleurs obtenu des notes excellentes ensuite ; si sa demande de changement de service était motivée par un différend avec un agent en mairie de quartier, il était bien intégré dans son équipe.

Par ordonnance du 16 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2016.

Par une décision du 12 mai 2015, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Busidan,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A... représentant la commune de Perpignan.

1. Considérant que M. D..., adjoint administratif territorial de 2ème classe titulaire, en fonction dans les services de la commune de Perpignan, relève appel du jugement rendu le 20 février 2015 par le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 octobre 2013 par laquelle le maire de ladite commune a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation à compter du 1er novembre 2013 ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté par les motifs retenus à bon droit par les premiers juges qu'il convient d'adopter ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes :// Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ;// Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ;// Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ;// Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. " ;

4. Considérant que l'unique grief reproché à l'appelant par la sanction en litige consiste à avoir indûment modifié, à plus de cent reprises sur une période allant de septembre 2011 à juin 2013, les données relatives aux revenus de certaines familles et enregistrées dans le logiciel communal servant à la tarification de la restauration scolaire et des activités périscolaires, de manière que ces familles bénéficient du tarif le plus avantageux, et ce, au détriment des finances communales, pour un montant évalué, dans le rapport établi par l'autorité communale au conseil de discipline à plus de 13 400 euros pour le seul service de restauration scolaire ; que, dans une lettre datée du 17 juillet 2013, adressée au maire de Perpignan qui l'avait suspendu des fonctions de régisseur suppléant chargé de l'encaissement des frais de cantine et d'activités périscolaires, l'intéressé, qui exerçait ces fonctions depuis le 1er décembre 2006, a reconnu avoir appliqué une minoration à des familles dans une situation économique précaire, et a déclaré avoir agi ainsi afin que " les enfants puissent avoir au moins un repas par jour comme tous les autres enfants et que les familles puissent payer leurs factures de cantine " ;

5. Considérant que le requérant prétend que les minorations n'atteindraient pas le nombre avancé par la commune et n'auraient concerné qu'une dizaine de familles durant le premier trimestre 2013 ; que cependant, ces affirmations sont sujettes à caution, dès lors notamment qu'elles reviennent pour l'intéressé à soutenir, contre toute vraisemblance, qu'il n'aurait commencé à modifier les revenus des familles inscrites dans le logiciel communal qu'à partir du moment où il n'était plus habilité pour intervenir sur ce logiciel, puisqu'il est constant que ses attributions avaient ainsi été modifiées à compter du 1er janvier 2013; que si la pratique du supérieur hiérarchique de l'intéressé, consistant à distribuer les identifiants personnels d'accès au logiciel communal aux personnes qui n'en sont pas les titulaires, attestée par un stagiaire et non contestée par la commune, laisse planer un doute sur le nombre exact de minorations pouvant incontestablement être imputé à M. D..., cette seule circonstance ne peut empêcher de regarder M. D... comme responsable de plusieurs dizaines de minorations injustifiées, commises sur une période de temps de plus de trois mois ;

6. Considérant, par ailleurs, que les circonstances que M. D... n'a jamais bénéficié des formations qu'il demandait depuis 2006 sur ses fonctions de régisseur de recettes adjoint, qu'il était submergé par le travail pendant ses permanences devant les usagers, ou qu'il n'aurait agi que dans le but d'aider des familles en situation précaire, ne sont pas de nature à atténuer la gravité de la faute qu'il a commise en modifiant, volontairement et de manière répétée, les données sur lesquelles étaient établis les tarifs applicables aux familles usant des services publics communaux ; que cette faute ne peut qu'altérer définitivement la confiance que la commune de Perpignan, en tant qu'employeur public, a pu placer dans son agent, et ce, quelles que soient les fonctions que son grade lui donne vocation à exercer ; que, dans ses conditions, en faisant le choix de la révocation, qui met définitivement fin au lien entre l'agent et l'employeur public, l'autorité disciplinaire n'a pas, contrairement à ce que prétend M. D..., prononcé une sanction disproportionnée au regard de la gravité de la faute reprochée, quand bien même le conseil de discipline avait préconisé la sanction du 3ème groupe immédiatement inférieure, à savoir l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la révocation de M. D... étant justifiée par la gravité de la faute commise, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée de détournement de pouvoir ou de procédure ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. D... ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que la somme que le conseil de M. D... demande sur leur fondement au titre des frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de l'intimée qui n'est, dans la présente instance, ni tenue aux dépens, ni partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu faire droit aux conclusions de la commune de Perpignan présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Perpignan sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et à la commune de Perpignan.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2016, où siégeaient :

Mme Buccafurri, présidente,

M. Portail, président-assesseur,

Mme Busidan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 février 2016.

''

''

''

''

3

N° 15MA01404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01404
Date de la décision : 12/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : AMADEI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-02-12;15ma01404 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award