Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner M. C... B...au paiement de la somme de 79 047,47 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, correspondant à des arriérés de redevance dus en application de l'article 9 de la convention du 1er janvier 2002, conclue pour l'occupation d'une dépendance du domaine public portuaire sur le port de commerce de L'Ile Rousse.
Par un jugement n° 1200508 du 28 mars 2014, le tribunal administratif de Bastia a condamné M. B... à payer une somme de 72 240,56 euros à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse, les sommes impayées à chaque date à laquelle la redevance était mensuellement exigible devant porter intérêt au taux légal à compter de cette même date, et les intérêts dus pour un an entier à partir de cette échéance étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêt ainsi qu'à chaque échéance annuelle. Le tribunal a également mis à la charge de M. B... une somme de 1 535 euros à verser à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mai 2014 et 4 août 2015, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 28 mars 2014 ;
2°) de rejeter la demande de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse ;
3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable, seul le département propriétaire justifiant d'un intérêt pour agir ;
- elle était également irrecevable en l'absence de la délibération autorisant le président de la chambre de commerce à agir ;
- la créance était partiellement prescrite et c'est à tort que les premiers juges ont décidé que le délai de prescription commençait à courir le 1er septembre 2007 ;
- la débitrice de la chambre de commerce est la SARL Brasserie du Port, pour le compte de laquelle il a signé la convention ;
- le calcul de la redevance, complexe, est contraire aux prescriptions de l'article L. 2125-3 du code de la propriété des personnes publiques ;
- les éléments retenus par les premiers juges pour le calcul de la redevance sont erronés et imprécis ;
- un avenant à la convention du 1er janvier 2002 a été signé le 18 avril 2007 et précise que la convention est passée avec la SARL Brasserie du Port et non avec lui-même en qualité de personne physique.
Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique, enregistrés le 10 juillet 2015 et le 14 septembre 2015, la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.
1. Considérant que le département de la Haute-Corse, la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse et M. B... ont conclu, le 1er janvier 2002, une convention en vue de l'occupation d'une dépendance du domaine public portuaire sur le port de commerce de L'Ile-Rousse, sur laquelle est implanté un établissement de restauration à l'enseigne " Le chalet du port " ; que la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse a saisi le tribunal administratif de Bastia en vue de voir M. B... condamner au paiement d'arriérés de redevance dus en application de l'article 9 de cette convention au titre de la période du 31 août 2007 au 5 avril 2012 ; que M. B... relève appel du jugement du 28 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Bastia l'a condamné à payer une somme de 72 240,56 euros à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'à supposer même qu'en indiquant que le calcul de la redevance n'avait pas été clairement établi ni justifié, M. B... ait entendu critiquer la motivation du jugement, sa contestation doit être écartée sur ce point ; que les bases de calcul retenues par le tribunal, qui s'est fondé sur les éléments qui avaient été versées au débat contradictoire, figurent en effet de façon précise et claire aux points 9, 10 et 11 du jugement critiqué ; que si M. B... indique, de façon lapidaire, que " les fins de non recevoir liées à la prescription de la redevance n'ont pas été correctement examinées par les premiers juges ", ces derniers n'ont nullement manqué à leur office sur ce point ; que la critique du bien-fondé de la réponse qu'ils ont apportée à l'exception de prescription relève par ailleurs de l'examen du bien-fondé du jugement ;
Sur la recevabilité des conclusions de première instance :
3. Considérant, en premier lieu, que M. B... persiste à soutenir que la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse ne pouvait saisir le tribunal en vue d'obtenir un titre exécutoire faute d'être propriétaire de la parcelle en litige ; que toute occupation privative du domaine public est subordonnée à la délivrance d'une autorisation et au paiement d'une redevance ; qu'il appartient à l'autorité chargée de la gestion du domaine public, qu'elle en soit ou non le propriétaire, en l'absence de dispositions contraires, de fixer les conditions de délivrance des permissions d'occupation et, à ce titre, de déterminer le tarif des redevances en tenant compte des avantages de toute nature que le permissionnaire est susceptible de retirer de l'occupation du domaine public ; qu'ainsi que l'a déjà indiqué le tribunal, il résulte de l'instruction que par une convention signée le 21 décembre 2001, le département de la Haute-Corse a concédé à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse l'exploitation du port de commerce de L'Ile-Rousse, pour une durée de vingt-six ans à compter du 1er janvier 2002 ; que cette convention de concession précise que cette dernière assure la gestion du domaine public à l'intérieur du périmètre concédé ; que la convention signée le 1er janvier 2002 autorisant M. B... à occuper le domaine public prévoit, en son article 9, le paiement par l'intéressé d'une redevance à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse ; qu'ainsi, contrairement à ce que persiste à soutenir l'intéressé, cette dernière était recevable à demander sa condamnation à lui verser une somme correspondant à des arriérés de redevance, et ce alors même que le domaine public concédé continue d'appartenir au département ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que par une délibération en date du 3 octobre 2011, produite aux débats, l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse a autorisé son président, pour la durée de sa mandature, à ester en justice pour la défense et la protection des intérêts de l'établissement et à mandater tout auxiliaire de justice pour l'exercice de cette habilitation ; que, par suite, M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir que le président de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse ne justifierait pas de sa qualité pour représenter celle-ci ;
Sur le débiteur des redevances :
5. Considérant qu'il ressort de la lecture de la convention d'occupation du domaine public signée le 1er janvier 2002 qu'elle a été conclue avec M. B..., désigné sous le terme " le bénéficiaire ", et non avec la SARL " La brasserie du port ", en voie de formation, et ce bien que sa qualité de " président d'une société en formation " soit mentionnée de façon incidente sur la convention ; qu'aucune des mentions de la convention en cause ne fait apparaître que son signataire aurait agi pour le compte de cette future société, ladite convention ayant d'ailleurs également vocation à définir les modalités de règlement de la dette personnellement contractée par M. B... au titre des périodes d'occupation passées ; que si l'intéressé se prévaut également, pour la première fois en appel, d'un document qu'il qualifie d'avenant au contrat initial, conclu selon lui en 2007, le document qu'il produit à cette fin n'est pas daté et a été signé par lui seul ; qu'il ne saurait permettre de considérer que le débiteur de la redevance dont le paiement est poursuivi par l'organisme consulaire aurait évolué, alors qu'une convention d'occupation du domaine public ne peut être tacite, doit revêtir un caractère écrit et qu'il ne peut y avoir transfert d'une autorisation ou d'une convention d'occupation du domaine public à un nouveau bénéficiaire que si le gestionnaire de ce domaine a donné son accord écrit, formalisé par une signature ; qu'en l'espèce, la chambre de commerce et d'industrie fait valoir, sans être contredite, que le projet d'avenant versé aux débats ne lui a jamais été retourné signé et que M. B... a continué à s'acquitter des factures qu'elle a toujours émises à son nom ; que, dans ce contexte, et même si un projet d'avenant a été conçu, il ne peut être considéré, du fait de l'attitude de M. B... et des apparences qu'il a lui-même entretenues, que la SARL " La brasserie du port " se serait vu transférer avec l'accord écrit du gestionnaire la convention d'occupation du domaine publique signée par M. B... le 1er janvier 2002 ;
Sur l'exception de prescription :
6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2321-4 du code général de la propriété des personnes publiques que l'action en paiement relève d'un délai de prescription de cinq ans qui commence à courir à compter de la date à laquelle les produits et redevances sont devenus exigibles ; que la demande de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse a été enregistrée devant le tribunal le 15 juin 2012 ; que son action portant sur des arriérés de redevances dus au titre de la période du 31 août 2007 au 5 avril 2012, M. B... n'est pas fondé à soutenir que sa créance était prescrite ;
Sur le bien-fondé de la créance :
7. Considérant, en premier lieu, qu'en application des dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, le montant de la redevance d'occupation du domaine public due par les titulaires d'une autorisation d'occupation tient compte des avantages de toute nature procurés au concessionnaire ; que selon le b) de l'article 9 de la convention d'occupation du 1er janvier 2002, qui trouvait à s'appliquer au plus tard à compter du 1er janvier 2007, le montant hors taxe de la redevance annuelle due par M. B... devait être fixé à la somme de trois composantes ; que la première composante était égale au produit de 24 euros par le nombre de mètres carrés d'emprise au sol, la deuxième composante au produit de 34 euros par le nombre de mètres carrés de surface hors oeuvre brute et la troisième composante était égale à 2 % de la différence entre le chiffre d'affaires de l'année d'achèvement des travaux et celui de l'année en cours, cette dernière composante ne pouvant être inférieure à 1 520 euros ; que l'article 9 prévoit également une actualisation annuelle, par application d'un coefficient dépendant des variations du coût de l'indice de la construction ; que ces modalités de fixation de la redevance, qui ne sont pas extrêmement complexes contrairement à ce qui est soutenu, et qui font dépendre son évolution tant de la surface occupée que du chiffre d'affaires réalisé et de son évolution tiennent compte des avantages de toute nature procurés au concessionnaire ; qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ; qu'il était loisible aux parties de convenir, dans un premier temps et avant la réalisation de travaux envisagés par M. B... d'un abattement sur le montant de cette redevance pour convenir ensuite de modalités de calcul dépendant de l'évolution du chiffre d'affaires après travaux ; que la circonstance que ce mode de calcul ait conduit à une évolution à la hausse de la redevance, qui est la conséquence directe des modalités arrêtées entre les parties, n'est pas de nature à permettre de considérer que lesdites modalités étaient irrégulières ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que M. B... critique également les modalités de calcul de la redevance en faisant valoir notamment que la convention d'occupation n'est pas dotée d'un plan précis donnant des informations suffisantes sur les surfaces louées ; qu'au regard de cette critique, la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse n'a pas cru devoir verser aux débats des éléments supplémentaires relatifs aux surfaces louées ; que l'article 1er de la convention du 1er janvier 2002 indique que M. B... est autorisé à occuper une parcelle de terrain de 320 mètres carrés et le local édifié sur cette parcelle en vue d'y exercer son activité commerciale ; que le a) de l'article 9 de la même convention précise que la surface d'emprise au sol s'établit à 320 mètres carrés et la surface hors oeuvre brute à 236 mètres carrés ; que dans sa demande introduite le 15 juin 2012, la chambre de commerce et d'industrie a présenté des modalités de calcul des arriérés de redevances assises sur ces surfaces ; que ce n'est que dans un mémoire enregistré en janvier 2014 qu'elle a présenté de nouvelles modalités de calcul, qu'elle persiste à retenir en appel, fondées sur une emprise au sol et une surface hors oeuvre brute de 400 mètres carrés, sans s'en expliquer et sans apporter à l'appui de ce chiffre aucun début de justification alors qu'il lui appartient de justifier du bien-fondé et du montant de la créance qu'elle revendique ; que la partie intimée n'apporte, notamment, aucun début d'explication sur le fait que l'emprise au sol sur lequel elle entend asseoir le calcul de la redevance est supérieure à la surface de la parcelle telle qu'elle apparaît à l'article 1er de la convention dont elle revendique l'application ; qu'elle n'apporte pas davantage d'éclaircissement sur le fait que l'emprise au sol et la surface hors oeuvre brute servant à asseoir le calcul de la redevance seraient désormais identiques ; qu'au vu de ces éléments, M. B... est fondé à soutenir que les éléments de surface retenus pour le calcul des arriérés de redevance réclamés ne peuvent être retenus ; qu'il y a lieu en l'espèce de se fonder sur les éléments qui figurent dans la convention, soit une emprise au sol de 320 mètres carrés et une surface hors oeuvre brute de 236 mètres carrés ;
9. Considérant qu'au vu de ces éléments, la première composante de la redevance doit être arrêtée à la somme de 7 680 euros, la deuxième composante de la redevance à la somme de 8 024 euros et la troisième composante au plancher de 1 520 euros à défaut d'autres éléments, soit une redevance annuelle de 17 224 euros hors taxes et de 20 599,94 euros TTC ; que compte tenu de la période de 56 mois en litige, et en l'absence de tout élément fourni par l'intimée, qui ne revendique pas son application, sur le coefficient d'actualisation à retenir pour la période concernée, les redevances dues s'élèvent à 96 132,88 euros ; que les pièces du dossier font apparaître qu'au cours de cette période, les sommes acquittées par l'appelant s'élèvent à 65 730 euros ; que les arriérés de redevance qu'il devait encore s'établissent donc à la différence entre la somme due et la somme effectivement payée, soit 30 402,88 euros ; qu'il y a lieu de ramener à ce montant le principal de la somme au paiement de laquelle M. B... a été condamné ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a arrêté à la somme de 72 240,56 euros le montant des arriérés de redevances qu'il restait devoir à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse ; qu'il y a lieu de ramener cette somme à 30 402,88 euros et de rejeter le surplus des conclusions de M. B... ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le principal de la somme que M. B... a été condamné à payer à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bastia du 28 mars 2014 est ramené à 30 402,88 euros (trente mille quatre cent deux euros et quatre-vingt-huit centimes) .
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 28 mars 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. C... B...et à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Bastia et de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Chanon, premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 février 2016.
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N° 14MA02370
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