Vu la procédure suivante:
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Val Soleil a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et pour la période du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2011 à concurrence de la somme de 87 699 euros pour la première période et de la somme de 20 932 euros pour la seconde.
Par un jugement n° 1201469 du 20 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la SAS Val Soleil.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 mars 2014 et par un mémoire enregistré le 13 novembre 2015, la SAS Val Soleil, représentée par Me B...puis par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2013 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) éventuellement de décider qu'il sera sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'instance C-151/13, SARL Le Rayon d'or.
Elle soutient que :
- les sommes perçues entre 2007 et 2011 constituent non pas des prestations exonérées, mais des subventions, qui ne rentrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; ces sommes ne doivent avoir d'incidence ni sur le pourcentage de déduction ni sur le coefficient de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- la cour administrative d'appel de Versailles, qui a eu à connaître du même litige, a saisi la Cour de justice de l'Union européenne du point de savoir si le forfait de soins versé par les caisses d'assurance maladie aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes constitue une subvention directement liée au prix des prestations de soins rendues ;
- les dépenses engagées exclusivement pour la réalisation d'opérations taxables, notamment celles liées à la restauration, l'hébergement, l'achat de couches et celles liées à l'administration générale doivent pouvoir faire l'objet d'un droit à déduction ;
- la décision de restreindre le droit à déduction est contraire au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.
Par des mémoires en défense enregistrés le 8 août 2014 et le 16 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête de la SAS Val Soleil.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- l'arrêt rendu le 27 mars 2014 par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C-151/13 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Val Soleil, qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, demande à la Cour d'annuler le jugement du 20 décembre 2013 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande de décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et pour la période du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2011 ;
2. Considérant qu'en vertu du 1° ter du 4. de l'article 261 du code général des impôts, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée les soins dispensés par les établissements privés d'hébergement pour personnes âgées mentionnés au 6° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, pris en charge par un forfait annuel global de soins en application de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale ; que le I de l'article 271 du même code prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération et l'article 273 du même code renvoie à des décrets en Conseil d'Etat la détermination des conditions d'application de l'article 271 et, notamment, des modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite ; qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008: " 1. Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités. Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible (...) multiplié par le rapport existant entre : a) Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires (...) afférent aux opérations ouvrant droit à déduction y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; b) Au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires (...) afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction, et de l'ensemble des subventions, y compris celles qui ne sont pas directement liées au prix de ces opérations (...) " ; qu'aux termes de l'article 219 de la même annexe, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008 : " Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces mêmes biens et services dans les limites ci-après : (...) c. Lorsque leur utilisation aboutit concurremment à la réalisation d'opérations dont les unes ouvrent droit à déduction et les autres n'ouvrent pas droit à déduction, une fraction de la taxe qui les a grevés est déductible. Cette fraction est déterminée dans les conditions prévues aux articles 212 à 214 " ; qu'aux termes de l'article 213 de cette annexe : " Lorsqu'un assujetti a des secteurs d'activités qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ces secteurs font l'objet de comptes distincts pour l'application du droit à déduction. " ; qu'aux termes de l'article 205 de la même annexe, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2008 : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction " ; qu'aux termes du I de l'article 206 de la même annexe, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2008 : " Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission (...) " ; qu'aux termes du III de cet article : " (...) 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. (...) 2° Lorsqu'un assujetti a constitué des secteurs distincts d'activité en application de l'article 209, le chiffre d'affaires à retenir pour le calcul du rapport mentionné au 1° est celui du ou des secteurs pour lesquels le bien ou le service est utilisé (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 2 que, pour la détermination de la fraction déductible de la taxe sur la valeur ajoutée par les redevables qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, doivent figurer au dénominateur du coefficient de déduction les subventions directement liées au prix d'opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ont ce caractère de subventions directement liées au prix, les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d'une opération de livraison de biens ou de prestation de services qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale, les dépenses afférentes aux soins médicaux dispensés dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes sont supportées par les régimes d'assurance maladie ou au titre de l'aide sociale, éventuellement suivant des formules forfaitaires ; qu'en vertu de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ayant conclu une convention avec le président du conseil général et l'autorité compétente de l'Etat perçoit un forfait annuel global de soins qui tient compte de la capacité de l'établissement, du degré de dépendance moyen des résidents, ainsi que d'un tarif afférent aux soins recouvrant le coût des prestations de soins effectuées à titre onéreux par les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes au profit de leurs résidents ; qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt rendu le 27 mars 2014 dans l'affaire C-151/13, SARL Le Rayon d'or, le forfait annuel global de soins constitue la contrepartie de prestations de soins effectuées à titre onéreux par les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, au profit de leurs résidents ; qu'il a ainsi le caractère d'une subvention directement liée au prix des prestations de soins exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée rendues par un tel établissement ; que, par suite, ce forfait doit figurer au dénominateur pour le calcul du coefficient de taxation des biens et services utilisés concurremment pour des prestations d'hébergement et de restauration, des prestations liées à la dépendance et des prestations de soins ;
5. Considérant qu'au cours de la période d'imposition en litige, la SAS Val Soleil a fourni aux résidents de son établissement des prestations de soins exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée par application du 1° ter du 4. de l'article 264 du code général des impôts, des prestations d'hébergement et de restauration soumises au taux réduit de 5,5 % par application du a. de l'article 279 du même code et des prestations liées à la dépendance relevant du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration a remis en cause le caractère entièrement déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix de certains biens et services et certaines immobilisations, qu'elle a estimé utilisés pour la réalisation de ces trois types de prestations, et a appliqué, pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, la fraction de déduction prévue à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts et, pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2009, le coefficient de déduction prévu à l'article 206 de la même annexe ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que les sommes perçues par la SAS Val Soleil doivent être considérées comme des subventions directement liées au prix des prestations de soins exonérées de taxe sur la valeur ajoutée et doivent donc être comprises tant dans la fraction de déduction prévue par l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts pour la période antérieure au 1er janvier 2008, que pour la détermination au dénominateur du coefficient de déduction prévu par l'article 206 de l'annexe II pour la période postérieure au 1er janvier 2008 ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que si la société requérante soutient que certaines dépenses, celles liées à la restauration, à l'hébergement, les dépenses liées à l'administration, et celles affectées aux achats de changes seraient exclusivement affectées à la réalisation d'opérations taxables, sans liens avec les prestations de soins, et qu'elles ne devraient faire l'objet d'aucune restriction du droit à déduction, elle n'établit en tout état de cause pas avoir constitué un secteur distinct d'activité au sens des articles, successivement applicables, 213 et 206 de l'annexe II au code général des impôts, pour l'application de ses droits à déduction, pas davantage qu'il ne résulterait de l'instruction que les biens et services dont s'agit ne seraient pas utilisés de manière transversale pour la réalisation de l'ensemble des opérations effectuées de manière complémentaire par l'établissement ;
7. Considérant, en troisième lieu, que, loin de contredire le principe de neutralité fiscale, la déductibilité de la taxe d'amont grevant des biens et services dans la seule mesure où ceux-ci servent à la réalisation d'opérations taxées garantit ce principe ; que ce mode partiel et forfaitaire de déduction, prévu par les textes internes, que ce soit pour la période antérieure ou postérieure au 1er janvier 2008, ne contredit pas, en lui-même, les objectifs de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Val Soleil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Val Soleil est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Val Soleil et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.
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N°14MA01408