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14/01/2016 | FRANCE | N°14MA04577

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 14 janvier 2016, 14MA04577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2014 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1402991 du 17 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2014, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°)

d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 17 octobre 2014 ;

2°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2014 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1402991 du 17 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2014, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 17 octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de procéder à un nouvel examen de sa demande et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois sous astreinte, passé ce délai, de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a écarté les pièces produites sans les analyser et sans s'expliquer sur l'application de la circulaire du 28 novembre 2012 qu'il est fondé à invoquer ;

- il a présenté sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir tant des éléments liés à son activité professionnelle que des considérations plus larges tenant à son intégration et à ses liens personnels en France ; le tribunal n'a pas répondu à son moyen ; il justifie de sa présence en France depuis 2004 ; la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision litigieuse porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée.

Par un mémoire, enregistré le 17 novembre 2015, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.

Il soutient :

- qu'il se réfère à ses écritures de première instance ;

- que la décision litigieuse et suffisamment motivée.

Par une ordonnance du 17 novembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 8 décembre 2015.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Sur sa proposition, le rapporteur public, désigné par le président de la cour en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du même code par le président de la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Markarian.

1. Considérant que M. B..., de nationalité marocaine, a présenté, le 4 février 2014, une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette demande a été rejetée, le 16 juillet 2014, par le préfet du Var ; que M. B... relève appel du jugement du 17 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, que le tribunal administratif de Toulon n'était pas tenu de répondre au moyen, inopérant, tiré de la méconnaissance des termes de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est dépourvue de valeur réglementaire ;

3. Considérant, d'autre part, que le requérant, qui se prévalait devant le tribunal de sa présence en France depuis dix ans, invoquait l'irrégularité de la procédure au motif que le préfet n'avait pas consulté la commission du titre de séjour ainsi que le prescrit l'article L. 313-14 du code précité ; que le tribunal a répondu à ce moyen ;

4. Considérant, dès lors, que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence de réponse à deux de ses moyens, le jugement attaqué serait irrégulier ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige mentionne les textes applicables ainsi que les éléments de fait propres à la situation du requérant, notamment ses conditions d'entrée et de séjour en France et l'absence de contrat de travail visé favorablement par les services de la main d'oeuvre étrangère lui permettant de satisfaire aux conditions fixées par l'article 3 de l'accord franco-marocain ; que l'arrêté fait état de ce que l'intéressé, célibataire et sans enfant à charge, ne justifie pas de l'ancienneté de séjour alléguée et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, ni de circonstances exceptionnelles ou humanitaires justifiant son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté indique également que la décision n'est pas de nature à porter une atteinte disproportionnée à la vie familiale et privée de l'intéressé, qui n'établit pas en outre être exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet du Var a, par suite, suffisamment motivé sa décision ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière constituent des orientations générales dont l'intéressé ne saurait utilement se prévaloir ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus de séjour contesté aurait été pris en méconnaissance des énonciations de cette circulaire ne peut qu'être écarté comme inopérant ainsi qu'il a été dit au point 2 ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (... ) " ;

8. Considérant que portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; qu'il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée ; que dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet du Var n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si le requérant fait valoir, au titre de motifs exceptionnels et considérations humanitaires le rendant éligible au bénéfice de ces dispositions, la circonstance qu'il résiderait en France depuis 2004, les pièces produites n'établissent pas cette résidence habituelle depuis cette date ; qu'il est par ailleurs célibataire et sans enfant et ne démontre pas une insertion particulière en France ; que le préfet du Var, qui a bien procédé à l'examen de sa demande sur ce point, a pu ainsi estimer, à bon droit, que le requérant ne satisfaisait pas aux conditions posées par ces dispositions ;

10. Considérant que le bénéfice de l'article 3 de l'accord franco-marocain demeure par ailleurs conditionné à la présentation d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; que M. B... ne justifie pas avoir adressé un tel contrat au préfet du Var ; qu'à cet égard, le contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'ouvrier agricole et le courrier de demande d'embauche du requérant adressé au préfet qu'il produit à l'appui de sa requête ne peuvent être assimilés à une demande d'autorisation de recrutement d'un travailleur étranger qui doit être établie sur l'imprimé réglementaire Cerfa ; que le préfet du Var était dès lors en droit de rejeter la demande de titre de séjour présentée en qualité de salarié par M. B... ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est né le 31 juillet 1972, soutient s'être maintenu en France depuis 2004, date à laquelle il était entré en France sous couvert d'un visa de longue durée " saisonnier OMI " ; que, toutefois, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, les pièces produites, notamment des courriers de la Poste, des relevés de compte, des feuilles de soins, des ordonnances, quelques factures, les pièces relatives à un précédent arrêté de refus de séjour, ne permettent pas de justifier ainsi qu'il a été dit précédemment de l'insertion stable du requérant en France ; que si l'intéressé, qui est célibataire est sans enfant, allègue la présence en France d'un frère, il n'est pas pour autant dépourvu d'attaches familiales au Maroc ; que, par suite, le refus de titre de séjour qui a été opposé à sa demande ne peut être regardé comme ayant porté, eu égard aux buts qu'il poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré à l'issue de l'audience du 17 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bédier, président de chambre,

- Mme Paix, président assesseur,

- Mme Markarian, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2016.

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N° 14MA04577 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04577
Date de la décision : 14/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : TURPAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-01-14;14ma04577 ?
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