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11/01/2016 | FRANCE | N°14MA05041

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 11 janvier 2016, 14MA05041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Bastia :

- d'annuler l'arrêté en date du 1er juillet 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai ;

- d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de huit jours ;

-

de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Bastia :

- d'annuler l'arrêté en date du 1er juillet 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai ;

- d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de huit jours ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1400643 du 20 novembre 2014, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2014 sous le n° 14MA05041, Mme C..., représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 20 novembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Haute-Corse ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en écartant le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal administratif de Bastia s'est livré à une inexacte appréciation tant en droit qu'en fait des éléments de la cause :

. le certificat médical du 11 février 2013 sur lequel le tribunal s'est fondé pour légitimer les prétentions adverses a été communiqué par la préfecture et non par elle-même ;

. elle s'est rendue dans son pays, du 11 au 28 février 2014, pour assister à l'enterrement de son père ; on ne saurait en tirer argument ;

. il est erroné de prétendre que les pièces qu'elle produit ne démontrent pas le bien-fondé de ses prétentions ;

. l'absence de suivi médical l'exposerait à une dégradation de son état de santé et à des complications certaines ; elle subirait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; toujours instable, son état de santé nécessite notamment une nouvelle intervention chirurgicale consistant en l'installation d'une prothèse totale au genou ;

. un tel suivi médical n'aura pas d'équivalent au Maroc ; la prise en charge financière que nécessite son état de santé ne peut être mise en oeuvre qu'en France, compte tenu du fait qu'elle se fait aux frais avancés de l'assureur du responsable de son accident ; elle ne peut exercer d'activités professionnelles ; aucun droit ne pourra lui être ouvert au Maroc ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, plusieurs pièces du dossier viennent confirmer que son éloignement l'empêcherait de faire valoir ses droits à réparation des préjudices qu'elle a subis à raison de son accident ; les opérations d'expertise ne sauraient être poursuivies sans sa présence.

Un courrier du 24 septembre 2015, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 de ce même code.

Le préfet de la Haute-Corse a présenté un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2015 après clôture de l'instruction, et qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 4 novembre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- et les observations de MeB..., représentant MmeC....

1. Considérant que Mme A...C..., de nationalité marocaine, est entrée irrégulièrement sur le territoire français en 2009 ; qu'elle a été victime, le 17 février 2010, d'un accident sur la voie publique qui lui a occasionné plusieurs fractures ainsi qu'une lésion ligamentaire complexe du genou gauche ; que, le 15 décembre 2010, elle a, pour la première fois et pour ce motif, déposé auprès des services de la préfecture de la Haute-Corse une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 8 décembre 2011, le préfet de la Haute-Corse a refusé de faire droit à cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que Mme C...a présenté une nouvelle demande sur le même fondement, le 3 février 2014, qui a été rejetée par un arrêté en date du 1er juillet 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ; que Mme C... relève appel du jugement du 20 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que Mme C...soutient que les premiers juges se sont livrés à une inexacte appréciation des éléments du dossier dès lors qu'ils ont regardé le certificat médical daté du 11 février 2013 comme communiqué par elle alors qu'il a été produit par le préfet de la Haute-Corse à l'appui de ses écritures en défense ; que, toutefois, cette erreur n'a eu aucune influence sur le sens du jugement contesté et n'est pas de nature à entacher ce dernier d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que Mme C...ne saurait utilement se prévaloir de l'instruction ministérielle DGS/MC1/DGEF/2014/64 des ministres de l'intérieur et des affaires sociales et de la santé en date du 10 mars 2014 sur les conditions d'examen des demandes de titre de séjour pour raisons de santé, laquelle est dépourvue de valeur réglementaire ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

5. Considérant que Mme C...soutient que son état de santé est toujours instable et qu'il nécessite notamment une nouvelle intervention chirurgicale consistant en l'installation d'une prothèse totale au genou ; qu'elle ajoute qu'alors que l'absence de suivi médical l'exposerait à une dégradation de son état de santé, à des complications et à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle ne pourrait pas être prise en charge au Maroc tant sur le plan médical que sur le plan financier dès lors qu'elle est sans emploi et que ses frais médicaux sont avancés, en France, par l'assureur du responsable de l'accident dont elle a été victime ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du préfet de la Haute-Corse du 1er juillet 2014 a été pris au vu d'un avis d'un médecin de l'agence régionale de santé de Corse en date du 22 avril 2014 qui indique que si l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale de longue durée, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque ; que le rapport d'expertise des 23 novembre et 5 décembre 2013 demandé par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bastia dont se prévaut la requérante afin de démontrer le bien-fondé de ses allégations, s'il conclut que la date de consolidation de l'intéressée n'est pas encore acquise et précise que la mise en place d'une prothèse du genou gauche est prévue le 20 décembre 2013, ne fait en revanche état d'aucune conséquence d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de soins, et ne traite pas de la possibilité ou non pour l'appelante d'avoir accès à ces soins dans son pays d'origine ; qu'ainsi, il n'est pas de nature à contredire l'avis précité rendu par le médecin de l'agence régionale de santé ; qu'aucune autre des pièces versées aux débats, et notamment pas le certificat dressé le 11 juillet 2013 qui est peu circonstancié, ne démontre davantage que l'état de santé de la requérante nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, en tout état de cause, qu'elle ne pourrait pas suivre un traitement approprié à son état dans son pays d'origine ; qu'enfin, si Mme C...soutient qu'elle n'est rentrée au Maroc, en février 2014, que pour assister aux obsèques de son père, il n'en demeure pas moins qu'elle a ainsi pu voyager vers son pays d'origine sans que son état de santé ne soit altéré, comme d'ailleurs elle l'avait déjà fait en 2012 ; qu'au surplus, il résulte des " conclusions sur incident " adressées par le conseil de la requérante au juge de la mise en état le 26 septembre 2014 que " le docteur Garcin qui suit la concluante depuis fort longtemps et à tout le moins depuis son sinistre estime aujourd'hui que son état est consolidé " ; que, dans ces conditions, Mme C...ne démontre pas qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Haute-Corse aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation ;

6. Considérant, en troisième et dernier lieu, que Mme C...soutient que l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté préfectoral contesté l'empêcherait, d'une part, de faire valoir ses droits alors qu'elle a engagé une procédure devant le tribunal de grande instance de Bastia afin de se faire indemniser des conséquences de son accident et, d'autre part, de participer aux opérations d'expertise diligentées pour déterminer son préjudice ; qu'à ce titre, elle fait valoir que le rapport d'expertise susmentionné des 23 novembre et 5 décembre 2013 indique expressément qu'un nouvel examen dans quinze mois sera nécessaire pour fixer la date de consolidation ; que, toutefois, cette mesure d'éloignement ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que l'appelante soit présente aux éventuelles opérations d'expertise ou audiences auxquelles elle pourrait être convoquée alors que même en cas d'exécution de cette mesure, il lui serait loisible d'une part de se faire représenter en justice par un mandataire et d'autre part, de solliciter un visa temporaire d'entrée sur le territoire français afin de comparaître personnellement ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 1er juillet 2014 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeC..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution par l'administration ; que, par suite, les conclusions présentées par la requérante aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2016.

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No 14MA05041

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA05041
Date de la décision : 11/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : GAERTNER DE ROCCA SERRA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-01-11;14ma05041 ?
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