Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Baudin Châteauneuf Dervaux a demandé à titre principal au tribunal administratif de Marseille de condamner le port autonome de Marseille à lui verser la somme de 83 651,80 euros TTC assortie des intérêts moratoires depuis le 9 mars 2007 au titre de son droit au paiement direct ainsi que la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par un jugement n° 0801521 du 27 décembre 2011, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 12MA01073 du 26 mai 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce jugement.
Par une décision n° 382826 du 23 mars 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 12MA01073 en tant qu'il a statué sur les conclusions de la société Baudin Châteauneuf Dervaux tendant au paiement direct des sommes réclamées au titre du marché de travaux de construction d'un atelier confié à la société Gardiol et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 mars 2012, le 13 octobre 2015 et le 20 octobre 2015, la société Baudin Châteauneuf Dervaux, représentée par la SCPA..., Pinczon du Sel, Orléans, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 décembre 2011 ;
2°) de condamner le grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 74 299,08 euros, cette somme étant assortie des intérêts moratoires au taux de 9,02 % à compter du 5 mars 2004 et les intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
3°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge du grand port maritime de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est en droit de bénéficier du paiement direct correspondant au solde du marché dont elle a assuré l'exécution ;
- le grand port maritime de Marseille ne peut lui opposer l'acte spécial modificatif, lequel a été conclu après la réception des travaux, sans son accord et sans qu'ait été modifié le contrat de sous-traitance conclu avec la société Gardiol ;
- la défaillance dans l'exécution du marché qui lui est reprochée ne représente qu'une somme de 3 869 euros hors taxe.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 août 2012 et le 19 juin 2015, le grand port maritime de Marseille conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Baudin Châteauneuf Dervaux à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société Baudin Châteauneuf Dervaux, et de MeB..., représentant le Grand port maritime de Marseille.
Une note en délibéré présentée pour la société Baudin Châteauneuf Dervaux a été enregistrée le 9 décembre 2015.
Une note en délibéré présentée pour le grand port maritime de Marseille a été enregistrée le 10 décembre 2015.
1. Considérant que le port autonome de Marseille a conclu le 17 janvier 2003 avec la société Gardiol un marché portant sur la construction d'un atelier de lamaneurs dans l'avant-port nord ; que cette société a sous-traité les lots n° 2 " charpente métallique - bacs acier - bardage " et n° 3 " menuiserie métallique et serrurerie " à la société Dervaux ; que par un acte spécial de sous-traitance du 28 février 2003, le port autonome de Marseille a accepté le sous-traitant et agréé les conditions de paiement à hauteur de la somme de 116 375 euros hors taxe, soit 139 184,50 euros toutes taxes comprises ; qu'en application de cet acte, le port autonome de Marseille a versé le 30 septembre 2003 un acompte de 72 210,92 euros toutes taxes comprises à la société Dervaux ; que, sur proposition de la société Gardiol, le port autonome de Marseille a signé le 18 janvier 2005 un acte spécial modificatif ramenant le montant du paiement direct à la somme de 59 796,25 euros hors taxe ; que le port autonome de Marseille a rejeté le 20 mars 2007 la demande de paiement du solde du marché présentée par la société Dervaux, en lui opposant l'acte spécial modificatif du 18 janvier 2005 ; que, par jugement du 27 décembre 2011, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société Baudin Châteauneuf Dervaux, venant aux droits de la société Dervaux, tendant à la condamnation du grand port maritime de Marseille à lui verser la somme de 83 561,80 euros au titre du paiement direct et la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que, dans le dernier état de ses écritures, la société Baudin Châteauneuf Dervaux limite ses conclusions en appel à l'annulation du jugement susvisé en tant qu'il a rejeté sa demande de paiement direct et en ramenant ses conclusions indemnitaires à la somme de 74 299,08 euros, correspondant au solde du marché qu'elle estime lui être dû ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 112 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable : " Le titulaire d'un marché public de travaux (...) peut sous-traiter l'exécution de certaines parties de son marché à condition d'avoir obtenu de la personne publique contractante l'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement (...) " ; que l'article 114 du même code dispose : " L'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement doivent être demandés dans les conditions suivantes:/ 1. Dans le cas où la demande de sous-traitance intervient au moment de l'offre ou de la proposition, le candidat doit fournir à la personne publique contractante une déclaration mentionnant:/ a) la nature des prestations dont la sous-traitance est prévue ; (...) c) Le montant prévisionnel des sommes à payer directement au sous-traitant (...)/ 2. Dans le cas où la demande est présentée après la conclusion du marché, le titulaire de celui-ci remet contre récépissé à la personne publique contractante (...) une déclaration spéciale (...) contenant les renseignements mentionnés au 1 du présent article (...)/ 3. Toute modification dans la répartition des prestations entre le titulaire et les sous-traitants payés directement ou entre les sous-traitants eux-mêmes exige également la modification de l'exemplaire unique (...)/ 4. Le silence de la personne publique contractante gardé pendant vingt et un jours à compter de la réception des documents mentionnés aux 2 et 3 vaut acceptation du sous-traitant et agrément des conditions de paiement./ 5. L'acceptation du sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement sont constatés par le marché ou par un acte spécial signé entre les deux parties./ Y sont précisés :/ - la nature des prestations sous-traitées ; (...) le montant prévisionnel des sommes à payer directement au sous-traitant (...) " ; qu'aux termes de l'article 115 de ce code : " Les dispositions prévues aux articles 86 à 98 s'appliquent aux sous-traitants mentionnés à l'article 114 en tenant compte des dispositions particulières ci-après :/ 1. Lorsque le montant du contrat de sous-traitance est égal ou supérieur à 600 euros, le sous-traitant, qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par la personne responsable du marché, est payé directement, pour la partie du marché dont il assure l'exécution (...) " ;
3. Considérant que la circonstance que la société Dervaux n'a pas donné son accord à la conclusion de l'acte spécial modificatif est sans incidence sur la validité de celui-ci, aucune disposition du code des marchés publics ou de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ne posant une telle condition ;
4. Considérant que la société Baudin Châteauneuf Dervaux fait valoir que, dès lors que les conditions du contrat de sous-traitance liant la société Dervaux et la société Gardiol, titulaire du marché, n'ont pas été modifiées, l'acte spécial permettant le paiement direct ne pouvait être modifié ; que, toutefois, dès lors que le maître d'ouvrage n'est pas partie à ce contrat de sous-traitance, seule la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur les conditions d'exécution dudit contrat ; que, par suite, les stipulations de ce contrat ne sauraient être opposées au grand port maritime de Marseille au regard de ses obligations dans le cadre du paiement direct ;
5. Considérant que si la réception des travaux a été prononcée avec réserves le 15 avril 2004, ces réserves n'étaient pas levées au moment de la signature de l'acte spécial modificatif ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette signature est intervenue postérieurement à la réception des travaux ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 modifiée relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance (...) " et qu'aux termes de l'article 13 de la même loi : " L'action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance et dont le maître de l'ouvrage est effectivement bénéficiaire (...) " ; que ces dispositions sont insérées dans le titre III de la loi du 31 décembre 1975, lequel porte sur l'action directe ; qu'en application de l'article 11 de cette même loi, le titre III " s'applique à tous les contrats de sous-traitance qui n'entrent pas dans le champ d'application du titre II ", relatif au paiement direct ; qu'il en résulte que la société Baudin Châteauneuf Dervaux, qui revendique le paiement direct des prestations exécutées en vertu du contrat de sous-traitance, ne peut prétendre à l'application de ces dispositions ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Baudin Châteauneuf Dervaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Baudin Châteauneuf Dervaux, partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Baudin Châteauneuf Dervaux une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le grand port maritime de Marseille et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Baudin Châteauneuf Dervaux est rejetée.
Article 2 : La société Baudin Châteauneuf Dervaux versera la somme de 2 000 (deux mille) euros au grand port maritime de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Baudin Châteauneuf Dervaux et au grand port maritime de Marseille.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2015, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 décembre 2015.
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N° 15MA01485