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21/12/2015 | FRANCE | N°13MA03884

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2015, 13MA03884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 9 juillet 2012 par lequel le maire de Freissinières a désigné le parc de la maison de la Vallée comme lieu de dépôt pour l'hébergement des bovins, ovins, caprins ou équins trouvés en divagation sur le territoire de la commune, l'arrêté en date du 9 juillet 2012 par lequel cette même autorité a placé ses ovins situés sur l'alpage de Val Haute dans un lieu de dépôt adapté, mis à sa charge les frais affére

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 9 juillet 2012 par lequel le maire de Freissinières a désigné le parc de la maison de la Vallée comme lieu de dépôt pour l'hébergement des bovins, ovins, caprins ou équins trouvés en divagation sur le territoire de la commune, l'arrêté en date du 9 juillet 2012 par lequel cette même autorité a placé ses ovins situés sur l'alpage de Val Haute dans un lieu de dépôt adapté, mis à sa charge les frais afférents aux opérations de garde et éventuellement d'euthanasie des animaux et autorisé la cession à titre gratuit des animaux à une fondation ou une association de protection des animaux, d'annuler la facture d'un montant de 5 865 euros qui lui a été notifiée pour le paiement des frais de tri, de descente et de garde des bêtes de son troupeau, et de mettre à la charge de la commune de Freissinières la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1208061 du 24 juin 2013, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté en date du 9 juillet 2012 plaçant les ovins de Mme A...situés sur l'alpage de Val Haute dans un lieu de dépôt adapté et mis à sa charge les frais afférents aux opérations de garde et éventuellement d'euthanasie de ses bêtes, a déchargé Mme A...de l'obligation de payer la somme de 5 865 euros résultant du titre de paiement n° 56 du 24 juillet 2012, et a mis à la charge de la commune de Freissinières la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2013, la commune de Freissinières, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 24 juin 2013 en tant qu'il annulé l'arrêté susvisé du 9 juillet 2012, déchargé Mme A...de son obligation de payer et mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme A...n'étant titulaire d'aucun titre lui conférant des droits sur l'alpage de Val Haute et ne faisant pas partie de l'association des éleveurs de Val Haute, son troupeau pacageant sur le terrain d'autrui devait être considéré comme étant en état de divagation ;

- le troupeau en cause n'était pas gardé ;

- le titulaire de l'alpage s'étant organisé pour faire garder son propre troupeau n'était pas le gardien du troupeau de MmeA... ;

- selon l'article 213-1 du code rural, l'animal est en état de divagation dès lors qu'il se trouve hors de contrôle de son propriétaire effectif ;

- l'apport de 345 brebis non prévu et non autorisé était à l'origine d'une surcharge sur l'alpage en cause de plus de 250 bêtes, ce qui était inacceptable d'un point de vue environnemental et sanitaire en pleine zone centrale du parc des Ecrins.

Un courrier du 23 juillet 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 13 octobre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pocheron,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que la commune de Freissinières relève appel du jugement en date du 24 juin 2013 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé l'arrêté en date du 9 juillet 2012 par lequel son maire, en application des articles L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime et L. 2212-1 et 2 du code général des collectivités territoriales, a placé les ovins du troupeau de MmeA..., situés sur l'alpage de Val Haute, dans un lieu de dépôt adapté, et mis à sa charge les frais afférents aux opérations de garde et éventuellement d'euthanasie des bêtes de l'intéressée, déchargé Mme A...de l'obligation de payer la somme de 5 865 euros résultant du titre de paiement n° 56 du 24 juillet 2012, et mis à la charge de la commune la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1385 du code civil : " Le propriétaire d'un animal ou celui qui s'en sert pendant qu'il est à son usage est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé " et qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code rural et de la pêche maritime, qui figure sous le titre " animaux de rente " : " I.-Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou, à défaut, le préfet peut prescrire à son propriétaire ou à son détenteur de prendre des mesures de nature à prévenir le danger.(...). /En cas d'inexécution, par le propriétaire ou le détenteur de l'animal, des mesures prescrites, le maire peut, par arrêté, placer l'animal dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci. /Si, à l'issue d'un délai franc de garde de huit jours ouvrés, le propriétaire ou le détenteur ne présente pas toutes les garanties quant à l'application des mesures prescrites, le maire autorise le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d'un vétérinaire désigné par le préfet, soit à faire procéder à l'euthanasie de l'animal, soit à en disposer dans les conditions prévues au II de l'article L. 211-25. /Le propriétaire ou le détenteur de l'animal est invité à présenter ses observations avant la mise en oeuvre des dispositions du deuxième alinéa du présent I. (...). III.-Les frais afférents aux opérations de capture, de transport de garde et d'euthanasie de l'animal sont intégralement et directement mis à la charge de son propriétaire ou de son détenteur. " ; que ces dernières dispositions ne constituent pas un fondement légal de pouvoirs de police du maire mais ont pour seul objet de faciliter la mise en oeuvre de la responsabilité du gardien de l'animal à l'égard des tiers, instituée par l'article 1385 du code civil dans le cas où l'animal a causé un dommage ;

3. Considérant toutefois que, même lorsque l'article L. 211-1 du code rural et de la pêche maritime n'est pas applicable, en l'absence de dommage effectivement causé par le bétail, le 7° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, qui permet au maire, autorité de police municipale, de prendre des mesures dans le but " d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces (...) " l'autorise à organiser le dépôt, dans un lieu désigné, du bétail en état de divagation ;

4. Considérant que si le risque environnemental et sanitaire représenté par la présence des 345 brebis et agneaux de Mme A...sur l'alpage de Val Haute en sus des troupeaux qui y étaient déjà installés n'est pas en l'état de l'instruction établi, il ressort des pièces du dossier, et notamment du constat d'huissier en date du 30 juin 2012 produit par Mme A...elle-même, que celle-ci, ce même jour, a monté ses ovins sur l'alpage de Val Haute, pour lequel elle ne disposait d'aucun bail pastoral, puis est repartie en les laissant sur place ; que par courrier du même jour, le président de l'association des éleveurs de Val Haute a informé le maire de Freissinières de cette situation et lui a demandé de prendre les mesures nécessaires ; que la seule circonstance que l'huissier a constaté le 30 juin 2012 qu'un berger employé par l'alpage de Val Haute, dont il est constant qu'il n'avait aucun lien d'aucune sorte avec MmeA..., était présent sur les lieux, et que les ovins de l'intéressée se sont mélangés avec ceux des autres troupeaux, n'est pas de nature par elle-même à démontrer qu'à la date de la décision litigieuse, les animaux de Mme A...auraient été placés sous la garde de fait dudit berger ; qu'une nouvelle attestation du même huissier, également datée du 30 juin 2012, mais produite pour la première fois à l'instance le 27 mai 2013, ne démontre pas davantage la réalité de la garde de fait alléguée à la date de la décision contestée ; qu'ainsi, le bétail en cause devant être regardé comme étant en état de divagation sur le territoire de sa commune, le maire de Freissinières a pu, par ce seul motif, prendre, en application des dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, l'arrêté querellé ; que, dès lors, c'est à tort que, par son jugement en date du 24 juin 2013, le tribunal administratif de Marseille a annulé ledit arrêté au motif qu'il reposait sur des faits matériellement inexacts ; qu'il suit de là que c'est également à tort que, par le même jugement, le même tribunal a déchargé Mme A...de l'obligation de payer les frais de rapatriement et de comptage de ses ovins, le seul fondement de cette décharge étant l'annulation de l'arrêté en cause ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal administratif de Marseille ;

6. Considérant que les litiges qui ont opposé Mme A...à la commune de Freissinières antérieurement à l'arrêté litigieux, qui ne sont pas relatifs aux faits de divagation de l'espèce, sont sans incidence sur sa légalité ;

7. Considérant que, ainsi qu'il a été dit, l'arrêté querellé a pu légalement être pris en application des pouvoirs que le maire tient des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, les moyens tirés de la violation des articles L. 2213-16 et L. 2113-18 du même code, de l'obligation d'une décision de justice préalable, de ce que le refus d'un administré de se conformer aux dispositions d'un arrêté de police ne permettrait pas au maire d'agir d'office, et de ce que la situation en cause relevait du juge pénal, doivent être écartés comme manquant en droit ; que le moyen tiré de ce que le maire de Freissinières aurait confondu la législation française et celle des Etats-Unis d'Amérique n'est aucunement établi ;

8. Considérant que, ainsi qu'il a été dit, le maire a pu prendre l'arrêté litigieux au seul motif de l'état de divagation du troupeau d'ovins de Mme A...sur le territoire de sa commune ; que, par suite, la circonstance que l'alpage de Val Haute n'était pas en situation de surcharge, à la supposer même établie, est sans incidence sur la légalité dudit arrêté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Freissinières est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du maire de Freissinières du 9 juillet 2012 décidant le placement des ovins de Mme A...dans un lieu de dépôt adapté et mettant à sa charge les frais afférents aux opérations de garde, déchargé Mme A...de l'obligation de payer la somme de 5 865 euros résultant du titre de paiement n° 56 du 24 juillet 2012, et mis à la charge de la commune de Freissinières la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme A...le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Freissinières et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 juin 2013 est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du maire de Freissinières du 9 juillet 2012 décidant le placement des ovins de Mme A...dans un lieu de dépôt adapté et mettant à sa charge les frais afférents aux opérations de garde, déchargé Mme A...de l'obligation de payer la somme de 5 865 euros résultant du titre de paiement n° 56 du 24 juillet 2012, et mis à la charge de la commune de Freissinières la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Mme A...versera à la commune de Freissinières une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Freissinières et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2015.

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N° 13MA03884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03884
Date de la décision : 21/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-18 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP GERBAUD - AOUDIANI - CHARMASSON - COTTE - MOINEAU - ROUANET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-21;13ma03884 ?
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