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17/12/2015 | FRANCE | N°14MA04473

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 17 décembre 2015, 14MA04473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler d'une part, la décision implicite par laquelle le préfet du Var a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour du 1er juin 2011 et d'autre part, l'arrêté du 14 mai 2014 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1400789, 1402365 du 3 octobre 2014, le tribunal ad

ministratif de Toulon a rejeté les demandes de M. A....

Procédure devant la Cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler d'une part, la décision implicite par laquelle le préfet du Var a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour du 1er juin 2011 et d'autre part, l'arrêté du 14 mai 2014 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1400789, 1402365 du 3 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté les demandes de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2014, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler la décision implicite susmentionnée et l'arrêté du préfet du Var du 14 mai 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision implicite de rejet est entachée d'un défaut de motivation, dès lors que le préfet du Var n'a pas répondu à sa demande de communication des motifs de cette décision ;

- l'arrêté du 14 mai 2014 est entaché de détournement de procédure, dès lors qu'il vise à vider de toute teneur le recours dirigé contre la décision implicite ;

- les décisions attaquées méconnaissent l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 371-1 et 372 du code civil, dès lors qu'il est père d'un enfant français, né le 12 août 2011, qu'il a reconnu et aux besoins et à l'entretien duquel il contribue ;

- elles méconnaissent, en outre, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la convention internationale des droits de l'enfant notamment ses articles 3-1 et 3-2, l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que la déclaration des droits de l'enfant et la résolution n°4185 adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 3 décembre 1986.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2015, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 septembre 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 19 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur.

1. Considérant que M. A..., ressortissant turc né le 20 septembre 1986, a sollicité le 1er juin 2011 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", en se prévalant de sa future qualité de parent d'enfant français ; que le préfet du Var a implicitement rejeté cette demande ; que le 20 février 2014, M. A... a adressé au préfet une demande de communication des motifs de cette décision implicite ; que cette demande est restée sans suite ; que par arrêté du 14 mai 2014, le préfet du Var a expressément rejeté la demande de titre de séjour déposée par M. A..., a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. A... a saisi le tribunal administratif de Toulon de deux recours tendant à l'annulation d'une part de la décision implicite de rejet susmentionnée et d'autre part de l'arrêté du 14 mai 2014 ; que par le jugement attaqué du 3 octobre 2014, le tribunal administratif a rejeté ces recours ;

Sur la décision implicite de refus de titre de séjour :

2. Considérant que si le silence gardé par l'administration sur une demande de titre de séjour fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, se substitue à la première décision ; qu'il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Var a rejeté sa demande de titre de séjour doivent être regardées comme dirigées contre la décision explicite du 14 mai 2014 par laquelle le préfet du Var a rejeté cette demande et, d'autre part, que, cette décision dûment motivée s'étant substituée à la décision implicite initialement intervenue, le moyen tiré du défaut de motivation de cette dernière décision, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, ne peut qu'être écarté ; que pour les mêmes motifs, doit également être écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté du 14 mai 2014 serait entaché de détournement de procédure en ce qu'il viserait à vider de sa substance le recours contentieux dirigé contre la décision implicite ;

Sur l'arrêté du 14 mai 2014 :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père du jeune B..., né le 12 août 2011, de nationalité française, qu'il a reconnu dès le 26 mai 2011 ; que l'intéressé ne justifie pas résider avec la mère de l'enfant ni mener une vie commune avec elle ; que si le requérant soutient contribuer à l'éducation et l'entretien du jeune B...en se prévalant notamment d'attestations de la mère de l'enfant, datées du 22 juillet 2013 et du 8 septembre 2014, mentionnant qu'il s'occupe de celui-ci, il n'établit pas, par la production de quelques récépissés d'opérations financières, d'une demande de souscription de livret A au nom de l'enfant en date du 27 septembre 2012 et d'un relevé de situation de ce même livret A, daté du 12 décembre 2013, faisant état d'un solde de 430 euros sans toutefois apporter la preuve de ce qu'il est l'auteur du ou des versements, qu'il participerait effectivement à l'entretien de cet enfant ni qu'il aurait entretenu des relations régulières avec lui ; que les attestations qu'il produit ne sont pas assez précises et circonstanciées pour pallier cette absence de justification ; que, par suite, et quand bien même il exercerait l'autorité parentale conjointe sur le jeuneB..., il ne remplit pas les conditions posées par les dispositions susmentionnées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... n'établit pas la date de son entrée en France ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, il ne rapporte pas la preuve d'une vie commune avec la mère de son enfant, ni qu'il contribuerait à l'entretien et l'éducation de celui-ci ; qu'il n'établit pas l'intensité des liens familiaux qu'il allègue avoir développés avec son fils ; que par ailleurs, il ne démontre pas avoir des attaches privées en France, notamment professionnelles, ni être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie ; qu'ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Var aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. / 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision de refus de séjour et d'éloignement, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants, dans toutes les décisions les concernant ;

9. Considérant, comme il a été dit au point 5, que M. A... ne rapporte pas la preuve d'une contribution à l'entretien et l'éducation du jeune B...et ne justifie pas de liens qu'il aurait développés avec celui-ci ; que, par suite, le préfet du Var n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de son enfant en prenant l'arrêté contesté ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées " ; que, toutefois, le requérant ne peut utilement se prévaloir, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, des stipulations précitées, qui sont dépourvues d'effet direct ; qu'il ne peut davantage, pour la même raison, utilement invoquer la méconnaissance de la déclaration des droits de l'enfant ni la déclaration sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien-être des enfants, adoptées respectivement le 20 novembre 1959 et le 3 décembre 1986 par l'Assemblée générale des Nations unies ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2015, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- M. Martin, président assesseur,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 décembre 2015.

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N° 14MA04473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04473
Date de la décision : 17/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : GUESMI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-17;14ma04473 ?
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