La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2015 | FRANCE | N°13MA00229

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 08 décembre 2015, 13MA00229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B..., gérant de la société par actions simplifiées (SAS) Le Clos Cerdan, a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 2004 à 2006, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Par un jugement n° 0903681, 1000535 du 20 novembre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant l

a Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 janvier 2013 et 26 février 2014, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B..., gérant de la société par actions simplifiées (SAS) Le Clos Cerdan, a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 2004 à 2006, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Par un jugement n° 0903681, 1000535 du 20 novembre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 janvier 2013 et 26 février 2014, M. B..., représenté par Me A...et MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 novembre 2012 ;

2°) de prononcer le décharge des rappels d'impositions en cause et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- la procédure de vérification de la SAS Le Clos Cerdan n'a pas été régulière ; il existe un faisceau d'indices suffisants prouvant l'absence d'information quant au choix ouvert à la société d'une des options de vérification prévues par les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; M.B..., en sa qualité de gérant, n'a pas eu le choix entre les trois options offertes par ce même article ; le paragraphe 142 de l'instruction administrative du 24 janvier 2006 rappelle que le choix est laissé à l'initiative de l'entreprise et que ce choix doit être fait par écrit, dans les délais fixés par l'administration ;

- la procédure de rectification a été irrégulière ; les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 57 du livre de procédures fiscales ont été méconnues en ce que la proposition de rectification ne comporte aucune explication relative aux traitements informatiques effectués ni aucune constatation écrite des manquements relevés ; à la suite du traitement des fichiers, le vérificateur s'est limité à informer le gérant qu'il existait des ruptures de séquentialité qui justifiaient le rejet de la comptabilité ; toutefois, s'agissant de ce dernier point, l'expert missionné par le tribunal a constaté que les ruptures de séquentialité portaient sur la partie hôtelière de l'établissement et non sur la partie du restaurant alors que seule l'activité de restauration a fait l'objet d'une reconstitution ; pourtant le service a imputé ces ruptures sur le restaurant de l'établissement et l'a indiqué comme tel dans la proposition de rectification ;

- l'administration a conservé dans ses archives les documents comptables de l'entreprise ; elle ne les a restitués que le 13 avril 2011 ; il s'agit d'un vice de procédure substantiel ayant privé la contribuable de la possibilité de discuter en temps utile des résultats de la vérification avant la clôture des opérations sur place ;

- la comptabilité de la SAS Le Clos Cerdan est régulière, sincère et probante ; les quatre indices soulevés par l'administration n'ont pas lieu d'entraîner le rejet de comptabilité dès lors que l'arrêt unique des terminaux de paiement est normal - ce que reconnaît le service - que les ruptures de séquentialité informatique ne concernent que la partie hôtelière de l'établissement, que la facturation distincte entre les groupes et la clientèle de passage est indifférente et relève d'un choix de l'exploitant, enfin que l'absence de prise en compte ou la minoration excessive de la réalité de la consommation de vin cacheté par la clientèle de groupe conduit nécessairement à une incohérence de reconstitution ;

- la méthode utilisée pour la reconstitution du chiffre d'affaires n'est pas valide dès lors que la restauration de groupe représente 70 à 80 % du chiffre d'affaires alors que la restauration individuelle ne représente que 20 à 30 % du chiffre d'affaires ; or, les bouteilles de vin cachetées sont consommées dans le cadre de séjours tout compris (groupes séjournant et groupes de passage), ce que le tribunal n'a pas admis ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires effectuée par la SAS Le Clos Cerdan est plus probante que celle réalisée par l'administration ;

- les pénalités imposées ne sont pas fondées.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 2 août 2013 et 13 novembre 2015, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin, rapporteur,

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public,

- et les observations de Me D...pour M.B..., requérant.

1. Considérant que M. B...est le dirigeant et principal associé de la SAS Le Clos Cerdan, société exploitant un fonds de commerce d'hôtel, bar, restaurant et balnéothérapie sur le territoire de la commune de La Cabanasse (Pyrénées-Orientales) ; que cette société a fait l'objet en 2007 d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er décembre 2003 au 30 novembre 2006 ; qu'à cette occasion, le vérificateur a écarté la comptabilité informatisée présentée comme non probante et a reconstitué le chiffre d'affaires de la seule activité de restaurant ; que par proposition de rectification du 9 octobre 2007, il a été notifié à la SAS Le Clos Cerdan des redressements d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés ainsi que des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que les observations exposées par la société contribuable le 10 novembre 2007 ont été rejetées et les rectifications maintenues ; que, par voie de conséquence, des redressements d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été notifiées le 3 décembre 2007 à M.B..., le service ayant estimé que les recettes éludées avaient constitué pour l'intéressé des revenus distribués au sens de l'article 109-1 du code général des impôts ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ayant été saisie sur demande de la société Le Clos Cerdan, ladite commission, par un avis du 16 mai 2008, a estimé qu'un certain nombre de bouteilles de vin cachetées devait être pris en compte dans la reconstitution opérée par le service et a renvoyé les parties à se revoir en ce qui concerne ce point ; qu'à la suite de l'intervention du vérificateur, le service a modifié le résultat de la reconstitution du chiffre d'affaires de la société par lettre du 4 septembre 2008, les recettes non comptabilisées et les insuffisances de déclaration étant alors réduites ; que par courrier du même jour, M. B...a été avisé de ces modifications et de leur incidence sur les rectifications qui lui avaient été notifiées ; que par avis des 28 février et 30 juin 2009, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mises en recouvrement au titre des années 2004 à 2006 ; que les réclamations du contribuable ont été rejetées ; que M. B...relève appel du jugement du 20 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration d'établir que la comptabilité de la SAS Le Clos Cerdan comportait de graves irrégularités de nature à l'autoriser à l'écarter comme étant dénuée de valeur probante ;

3. Considérant que le vérificateur a estimé que la comptabilité de la SAS Le Clos Cerdan n'était ni probante ni sincère en se fondant sur un faisceau constitué de quatre indices, à savoir l'arrêt unique des terminaux de paiement, des ruptures de séquentialité dans la numérotation des notes et des produits, la facturation spécifique pour les groupes et une incohérence entre les quantités de vin commercialisées et les quantités achetées ; que cependant, d'une part, l'administration a convenu que la clôture centralisée des terminaux en fin de journée reposait sur un fonctionnement normal du logiciel et, d'autre part, selon le rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal, en date du 28 octobre 2011, les ruptures de séquentialité étaient de nature automatique et informatique, le logiciel supprimant les entêtes et les lignes lors du départ des clients relevant d'un groupe ; que s'agissant de la comptabilisation distincte clients de passage / groupes, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise susmentionné que le logiciel utilisé par la société Le Clos Cerdan permet de facturer la clientèle de passage par le terminal de point de vente (TPV) et la clientèle de groupe par le module de facturation, ce module pouvant détailler les composants d'un menu ou les grouper ; qu'en l'espèce, la SAS Le Clos Cerdan a choisi une facturation globale et forfaitaire répondant aux contrats passés avec ses clients tours operators, une facture de groupe réunissant ainsi plusieurs jours et plusieurs personnes ; que ce traitement correspond à une utilisation normale du logiciel, ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise ; qu'il doit être regardé comme un choix de gestion de la société qui n'a d'ailleurs pas fait l'objet de critiques de la part de l'administration ; qu'ainsi, les trois griefs sus-énoncés retenus par le vérificateur à l'encontre de la comptabilité de la société Le Clos Cerdan doivent être écartés comme non probants ;

4. Considérant que le quatrième grief pris en compte par le vérificateur à l'encontre de la même comptabilité est tiré d'incohérences relevées entre les quantités commercialisées de vin cacheté et les quantités achetées ; que le vérificateur a procédé, faute de comptabilité analytique, à une reconstitution matière par saisie manuelle des achats et des stocks en rapprochant, pour chaque année vérifiée et pour chaque référence de vin, le nombre de bouteilles en stock de sortie inscrites en comptabilité et le nombre théorique de bouteilles résultant de la différence entre les achats de vin en bouteilles augmentés du stock d'entrée et les quantités de vin commercialisées ; que le service, estimant que les vins de consommation courante achetés par l'établissement étaient dans leur ensemble affectés aux repas des groupes, a tiré de cette reconstitution de comptabilité matière l'existence d'écarts importants et nombreux sur la quasi-totalité des références de vins cachetés commercialisées par la société requérante ; que, toutefois, selon celle-ci, les écarts constatés correspondent aux vins de pays cachetés consommés par les groupes lors des repas " vin inclus " qui leur sont servis ; qu'à cet égard, elle fait valoir sans être contestée sur ces points que la clientèle de groupe " vin inclus " représente la part prépondérante de son chiffre d'affaires (70 à 80 %) par rapport au chiffre d'affaires tiré de la clientèle de passage et que la différence de prix entre le vin de pays en bouteilles cachetées et le vin en vrac est réduite et non significative ; qu'en outre, elle relève que l'administration a dû admettre après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qu'une partie des bouteilles cachetées - du vin blanc servi lors de " soirées raclette " organisées à l'intention des groupes - étaient consommées par les groupes ; que par ailleurs, la requérante se prévaut de diverses attestations selon lesquelles les repas de groupe sont " tout compris " et qu'on y sert du vin de pays en bouteilles cachetées ; qu'enfin, le caractère forfaitaire des prestations fournies aux groupes a été admis par le vérificateur dans la proposition de rectification ; qu'ainsi, il peut être inféré de ce qui précède que des bouteilles de vin cachetées étaient servies de manière habituelle lors des repas de groupe et pas seulement pour les repas à la carte ; que dans ces conditions et alors que le rejet de la comptabilité a été fondé sur un faisceau de quatre indices dont trois ont été précédemment neutralisés ou écartés, le ministre ne peut être regardé comme établissant que la comptabilité tenue par la société Le Clos Cerdan serait non probante du seul fait qu'il a relevé des incohérences entre bouteilles achetées et bouteilles commercialisées alors, ainsi qu'il vient d'être dit, qu'il n'est pas contesté que le chiffre d'affaires tiré des groupes est prépondérant, que le vérificateur a admis que les contrats de groupe faisaient état de prestations fournies de manière forfaitaire et qu'il n'est pas infirmé par le ministre que du vin de pays en bouteilles cachetées était servi de manière habituelle lors des repas de groupe ; que par suite c'est à tort que le service a écarté comme non probante et non sincère la comptabilité informatique de la société Le Clos Cerdan relative à la période allant du 1er décembre 2003 au 30 novembre 2006 ;

5. Considérant que, par suite, M. B...est fondé à soutenir que les redressements mis à sa charge au titre des années 2004 à 2006, afférents à des revenus distribués tirés des recettes non comptabilisées du restaurant de l'établissement exploité par la SAS Le Clos Cerdan, ont été établis sur la base d'une reconstitution de recettes dénuée de fondement ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de prononcer la décharge de l'ensemble des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes, mises à la charge de M. B... au titre des années 2004 à 2006 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 novembre 2012 est annulé.

Article 2 : M. B...est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 à 2006.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- M. Martin, président assesseur,

- Mme Chenal-Peter, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 décembre 2015.

''

''

''

''

N° 13MA00229 2

mtr


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award