Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MmeA... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse lui a refusé la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1401033 du 12 février 2015, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de MmeC....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2015, MmeC..., représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 février 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 3 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer un titre de séjour.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé au regard des articles 1 et 3 de la loi du 11 janvier 1979 ;
- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, au vu duquel a été prise la décision de refus de séjour, n'a pas été soumis au débat contradictoire et n'a fait l'objet d'aucune notification ;
- la motivation du jugement est entachée d'une contrariété de motifs, dès lors que l'on ne saurait considérer que, d'une part, son état de santé ne nécessite pas une prise en charge médicale et, d'autre part, qu'il n'y a pas de traitement approprié dans son pays d'origine ;
- les premiers juges, à la suite du préfet, indiquent à tort qu'elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine alors que ses parents sont entrés en France il y a cinquante ans, qu'elle s'est installée en France en 2013 et les a soutenus ;
- son père est décédé en septembre 2013 ;
- sa mère réside régulièrement en France ;
- elle a été recueillie par son frère, qui vit régulièrement en France et subvient à ses besoins ;
- les certificats médicaux produits justifient de la précarité de son état de santé ;
- l'arrêté du préfet est contradictoire puisque le rapport médical indique qu'il n'y a pas de traitement dans son pays d'origine mais que son état de santé nécessite une prise en charge médicale ;
- elle ne peut se soigner au Maroc où elle ne dispose pas de la sécurité sociale ;
- elle ne peut assumer seule le traitement et doit être encadrée par les médecins qui la suivent en France ;
- compte tenu de sa situation familiale, elle peut bénéficier d'une carte de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que ses frères et soeurs ne résident plus au Maroc mais en France ou en Espagne, et qu'elle n'a donc plus aucune attache familiale dans son pays d'origine ;
- elle peut, en effet, se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle est parfaitement intégrée en France où elle a son domicile et ses attaches ;
- la décision de refus de séjour opposé par le préfet comporte des conséquences manifestement excessives et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Un courrier du 23 juillet 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. B...Pocheron en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 8 octobre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeC..., de nationalité marocaine, a sollicité le 16 avril 2014 la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé et de sa situation familiale ; que, par un arrêté en date du 3 novembre 2014, le préfet de la Haute-Corse a rejeté cette demande, et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays à destination ; que par jugement du 12 février 2015 le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de MmeC..., tendant à l'annulation de cet arrêté du 3 novembre 2014 ; que Mme C... relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que Mme C...fait valoir que le jugement critiqué serait entaché d'une contradiction de motifs, dès lors que le tribunal administratif a, tout à la fois, jugé, d'une part, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale et, d'autre part, qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine ; que toutefois aucune contrariété de motifs ne peut être reprochée au tribunal, dès lors qu'il a estimé sans se contredire, tout d'abord, que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, son défaut n'est pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et ensuite que, en dépit du fait qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine, l'intéressée ne risque pas de se voir privée d'un traitement vital pour elle ; que les premiers juges ont pu en conséquence en conclure que la requérante ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la contradiction de motifs ne saurait être accueilli ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence..." ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code dans sa rédaction issu du décret n° 201161049 du 6 septembre 2011 : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. " ;
4. Considérant, d'une part, que la requérante soutient que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, au vu duquel a été prise la décision de refus de séjour, n'a pas été soumis au débat contradictoire et n'a fait l'objet d'aucune notification ; que, toutefois, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose la communication de cet avis à l'étranger ; que, par ailleurs et en tout état de cause, l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 21 août 2014, au vu duquel a été prise la décision en litige, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été produit au dossier de première instance par le préfet, contrairement aux allégations de l'intéressée, et soumis à l'examen contradictoire des parties ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;
5. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, le préfet de la Haute-Corse s'est fondé sur la circonstance que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, son défaut n'est pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'ainsi, en dépit du fait qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine, l'intéressée ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions précitées ; que le préfet s'appuie ainsi sur l'avis émis en ce sens le 21 août 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé ; que si Mme C...conteste le bien-fondé de ces allégations, elle produit un certificat médical, tant en première instance qu'en cause d'appel, qui se borne à mentionner qu'elle se plaint d'une douleur chronique du membre inférieur gauche et qu'elle souffre d'une boiterie importante de ce membre inférieur, plus petit que le droit ; que ces seuls éléments, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, ne permettent pas de considérer que le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner, pour elle, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ainsi, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions précitées ; que les certificats médicaux produits postérieurement à la date de l'arrêté en litige ne permettent pas davantage de remettre en cause l'appréciation portée sur le cas de l'espèce par l'administration ; que par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ; que, pour les motifs sus-évoqués, ladite décision n'est entachée ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ;
7. Considérant qu'il ressort de l'instruction que Mme C...est entrée récemment en France le 1er août 2013 sous couvert d'un visa de court séjour et s'y est maintenue irrégulièrement depuis ; que la requérante, célibataire, sans charge de famille, n'établit en outre ni sa présence habituelle sur le territoire national depuis cette date, ni une intégration professionnelle ou personnelle particulière ; que si sa mère et son frère, lequel subvient à ses besoins, vivent régulièrement en France et si son père y est décédé en 2013, elle n'établit toutefois pas davantage l'isolement dans lequel elle se trouverait en cas de retour dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans ; qu'ainsi, au regard notamment du caractère très récent de son arrivée sur le territoire national, il ne ressort pas des pièces du dossier que le centre des intérêts personnels et familiaux de MmeC..., lesquels s'apprécient dans leur globalité et concrètement, se situait en France à la date de la décision en cause ; que, dans ses conditions, l'arrêté litigieux, qui n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, n'a pas méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 / (...) " ;
9. Considérant que les circonstances invoquées par Mme C...tenant, notamment, à la durée de son séjour en France, à sa situation familiale, et à son état de santé au sujet duquel elle n'apporte, en outre, aucune précision ni aucune justification quant aux conséquences précises qu'aurait un défaut de prise en charge médicale, ne sont pas de nature à constituer une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de la violation de ces dispositions ; que, pour les mêmes motifs, ladite décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que le dernier moyen de la requête de Mme C...à l'encontre de l'arrêté litigieux tiré de l'insuffisance de motivation au sens de la loi du 11 juillet 1979, qui n'est assorti en appel d'aucun élément nouveau, doit être écarté pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges, qu'il y a lieu d'adopter ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C...ne peuvent être accueillies;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2015, où siégeaient :
- M. Pocheron, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Hameline, premier conseiller,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 décembre 2015.
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N° 15MA01388