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07/12/2015 | FRANCE | N°14MA00686

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 07 décembre 2015, 14MA00686


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Auribeau-sur-Siagne a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du chef des fautes commises par le préfet et la direction départementale de l'équipement des Alpes-Maritimes, liées au projet déclaré d'utilité publique le 9 mai 1980, par le versement d'une somme de 624 327 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2008, et la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 0901952 du

17 décembre 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Auribeau-sur-Siagne a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du chef des fautes commises par le préfet et la direction départementale de l'équipement des Alpes-Maritimes, liées au projet déclaré d'utilité publique le 9 mai 1980, par le versement d'une somme de 624 327 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2008, et la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 0901952 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2014, la commune d'Auribeau-sur-Siagne, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 17 décembre 2013 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 624 327 euros assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation desdits intérêts à compter de sa demande préalable du 23 décembre 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a retenu à tort que l'Etat n'avait pas commis de faute alors même qu'il est à l'origine des différentes procédures et actes en cause ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet des Alpes-Maritimes disposait du pouvoir d'annuler la délibération du conseil municipal du 25 janvier 1979, dont il est constant que le contenu était trop imprécis, dans le cadre de la tutelle administrative, et il n'a pas exercé sa compétence de contrôle du bien-fondé du projet ;

- la direction départementale de l'équipement et la commission départementale des opérations immobilières ont émis un avis favorable au dossier alors même qu'elles ont ensuite reproché le caractère trop succinct de celui-ci ;

- la négligence des services de l'Etat en permettant l'expropriation pour un projet dépourvu d'utilité publique doit être qualifiée de faute voire même de faute lourde ;

- l'arrêté de création de la zone d'aménagement concerté du 21 mai 1985 qui portait sur la construction de " bâtiments à usage d'habitation " sans autre précision sur leur caractère social était en contradiction avec les termes de la déclaration d'utilité publique, ce qui constitue un vice engageant la responsabilité de l'Etat ;

- elle ne disposait pas en 1979 des compétences techniques nécessaires à la mise en oeuvre d'une zone d'aménagement concerté, et a bénéficié de l'aide technique à la gestion par la direction départementale de l'équipement à titre onéreux en application de la loi du 29 septembre 1948, d'où l'engagement de la responsabilité de l'Etat pour l'exécution fautive de la convention de louage d'ouvrage ;

- elle a par ailleurs conclu une convention d'assistance avec les services extérieurs de l'Etat le 26 mars 1984 en application de l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme pour les autorisations et actes relatifs à l'occupation des sols, assistance qui ne portait pas uniquement sur l'instruction des demandes mais dictait le sens des décisions prises, et ne saurait bénéficier d'une présomption irréfragable d'irresponsabilité ;

- il résulte des principes constitutionnels qu'aucune disposition ne peut légalement soustraire une personne publique à la réparation des dommages résultant de fautes civiles qu'elle a commise quelle que soit la gravité de celles-ci ;

- le préfet des Alpes-Maritimes s'est abstenu de manière fautive de contrôler les actes concernant la réalisation de la zone d'aménagement concerté du Bayle ;

- le préjudice résultant de sa condamnation à indemniser les consorts B...en raison de l'impossibilité pour ces derniers d'exercer le droit de rétrocession présente un caractère certain, et a un lien de causalité direct avec les actes du préfet.

Un courrier du 1er septembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des communes ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 48-1530 du 29 septembre 1948 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 13 octobre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. A...Pocheron en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la commune d'Auribeau-sur-Siagne.

1. Considérant que la commune d'Auribeau-sur-Siagne a réclamé le 23 décembre 2008 au préfet des Alpes-Maritimes le versement d'une somme de 624 327 euros, correspondant au montant de l'indemnité qu'elle a été condamnée à payer aux consorts B...par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 23 septembre 2008 à la suite d'une décision de la Cour de cassation du 11 octobre 2006, en raison de l'impossibilité de rétrocéder à ceux-ci des terrains qu'elle a expropriés sur le fondement d'une déclaration d'utilité publique prise par le préfet des Alpes-Maritimes le 9 mai 1980, pour un projet d'urbanisation dans le quartier du Bayle qui a fait ultérieurement l'objet d'une zone d'aménagement concerté ; que le silence du préfet des Alpes-Maritimes à l'issue d'un délai de deux mois a fait naître une décision implicite de rejet de cette réclamation ; que la commune d'Auribeau-sur-Siagne a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une action en responsabilité pour faute contre l'Etat, en demandant le paiement de la somme susmentionnée assortie des intérêts au taux légal depuis la date de sa réclamation préalable ainsi que la capitalisation de ces intérêts ; qu'elle relève appel du jugement du 17 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte des décisions juridictionnelles définitives rendues par le Conseil d'Etat le 16 juin 2000 en interprétation de l'objet de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 mai 1980, et par les juridictions judiciaires saisies de la demande de rétrocession formée par les consortsB..., que, d'une part, l'opération déclarée d'utilité publique à la demande de la commune d'Auribeau-sur-Siagne tendait à la constitution d'une réserve foncière répondant à un besoin d'extension de l'agglomération destinée ultérieurement, à titre principal, " à la création de logements sociaux et d'espaces verts " ainsi qu'à la réalisation des équipements publics qui en sont le corollaire nécessaire, et que, d'autre part, l'opération d'urbanisation mise en oeuvre sous forme d'une zone d'aménagement concerté approuvée par arrêté préfectoral le 9 mai 1985 avait comporté, outre treize logements locatifs sociaux et divers équipements publics et espaces verts, la réalisation, sur la plus grande partie des terrains expropriés, d'un programme de logements confié à un promoteur privé incluant un immeuble collectif résidentiel et quarante maisons individuelles, logements dont le financement par leurs acquéreurs au moyen de prêts destinés à l'accession à la propriété ou de prêts conventionnés ne permettait pas de les regarder comme présentant un caractère social ; que la commune d'Auribeau-sur-Siagne, qui a été condamnée à indemniser les consorts B...sur le fondement de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en raison de cette affectation des parcelles expropriées estimée non conforme à l'objet de la déclaration d'utilité publique, recherche la responsabilité de l'Etat à raison de diverses fautes qu'auraient commises à son égard le préfet des Alpes-Maritimes et les services de l'Etat dans le déroulement de l'opération litigieuse ;

En ce qui concerne la procédure de déclaration d'utilité publique de l'opération :

3. Considérant, en premier lieu, que le conseil municipal d'Auribeau-sur-Siagne a demandé au préfet des Alpes-Maritimes, par délibération du 25 janvier 1979 se référant à une précédente délibération du 24 octobre 1978, de déclarer d'utilité publique le projet d'expropriation de terrains d'une superficie d'un peu plus de 3 hectares et supportant une construction d'habitation, justifié par la constitution d'une réserve foncière devant servir par la suite à la réalisation de logements sociaux, d'un parc public et d'équipements publics ; que la commune ne démontre aucunement que cette délibération était entachée d'illégalité eu égard notamment à l'objet ainsi défini ; qu'elle ne peut dès lors, en toute hypothèse, utilement soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes était tenu de retirer cette délibération comme nulle de droit, dans l'exercice du pouvoir de tutelle qu'il détenait à cette date en vertu de l'article L. 121-32 du code des communes ; qu'aucune faute de l'Etat de nature à engager sa responsabilité ne résulte dès lors de l'instruction à ce titre ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas davantage commis d'illégalité fautive, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, en déclarant lui-même le projet susmentionné d'utilité publique par arrêté du 9 mai 1980 à la demande formulée par la commune le 25 janvier 1979, dont l'objet était suffisamment précis au regard des exigences alors applicables en matière de réserves foncières, et se trouvait décrit dans la notice explicative jointe au dossier d'enquête publique ;

5. Considérant, en troisième lieu, que, pour les motifs indiqués aux points 3 et 4, la commune d'Auribeau-sur-Siagne ne peut valablement soutenir, en tout état de cause, que les services de la direction départementale de l'équipement auraient commis un quelconque manquement à leurs obligations à son égard lors de la procédure de déclaration d'utilité publique dans le cadre de leur mission contractuelle d'assistance technique à la gestion des communes ;

En ce qui concerne la mise en oeuvre du projet par la création d'une zone d'aménagement concerté :

6. Considérant que, pour la mise en oeuvre de l'opération d'urbanisation envisagée, les parcelles expropriées ont été incluses dans le périmètre d'une nouvelle zone d'aménagement concerté, dont la commune d'Auribeau-sur-Siagne a demandé au préfet des Alpes-Maritimes, en application des articles L. 311-1 et suivants du code de l'urbanisme alors en vigueur, d'approuver le plan d'aménagement de zone, par délibération du 25 mai 1984 ; que le préfet a ainsi pris, le 21 mai 1985, un arrêté portant création d'une zone d'aménagement concerté " ayant pour objet l'aménagement et l'équipement en vue principalement de la construction de bâtiments d'habitation " et a approuvé le plan d'aménagement de cette zone ; qu'une convention d'aménagement a été parallèlement conclue avec un aménageur le 6 juin 1984, à qui les terrains ont été cédés le 26 janvier 1986 ;

7. Considérant, en premier lieu, que la délibération du conseil municipal d'Auribeau-sur-Siagne du 25 mai 1984, en tant qu'elle demandait au préfet d'arrêter le périmètre de la zone d'aménagement concerté et d'approuver le plan d'aménagement de zone, avait le caractère d'un acte préparatoire à l'arrêté du préfet du 21 mai 1985 ; que la commune ne peut, en toute hypothèse, reprocher au préfet des Alpes-Maritimes de ne pas avoir déféré cette délibération au titre du contrôle de légalité, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle était entachée d'illégalité ; qu'aucune faute lourde ne saurait donc être imputée à l'Etat à cet égard ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que si l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 21 mai 1985 portant création de la zone n'a pas fait état, dans la description de l'objet de celle-ci, du caractère social devant s'attacher aux logements réalisés à titre principal en vertu de la déclaration d'utilité publique du 9 mai 1980, sa décision n'était pas de ce fait entachée d'une illégalité fautive ; qu'au demeurant, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la légalité de l'acte de création d'une zone d'aménagement concerté ne saurait être subordonnée à un rapport de conformité avec le contenu d'une déclaration d'utilité publique précédemment adoptée en vertu d'une législation distincte pour l'expropriation de certains des terrains inclus dans la zone ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la commune d'Auribeau-sur-Siagne n'établit pas que les services de l'Etat auraient commis une faute engageant leur responsabilité à son égard en s'abstenant de l'informer sur les risques de contrariété au moins partielle entre le programme de constructions permis par la zone d'aménagement concerté et l'objet de la déclaration d'utilité publique de la réserve foncière définie cinq années auparavant sur les emprises appartenant aux consortsB..., alors qu'aucune obligation d'information particulière n'était imposée sur ce point au préfet en vertu des dispositions alors en vigueur du code de l'urbanisme, et que, comme il a été dit au point précédent, l'affectation de terrains résultant d'une déclaration d'utilité publique, si elle est invocable par les propriétaires expropriés à l'appui de l'exercice du droit de rétrocession prévu par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique au vu des travaux entrepris, ne constitue pas par elle-même une prescription d'urbanisme opposable aux tiers ;

10. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune requérante ait subi, s'agissant de la création et la mise en oeuvre de la zone d'aménagement concertée litigieuse, les conséquences de fautes commises par les services de l'Etat dans le cadre de leur mission contractuelle d'assistance ; qu'en effet, d'une part, il n'est pas davantage établi en appel que devant les premiers juges que la commune aurait bénéficié en la matière d'une convention lui accordant le concours des services de l'équipement au titre de la loi du 29 septembre 1948 réglementant l'intervention des fonctionnaires des ponts et chaussées dans les affaires intéressant les collectivités locales ; que, d'autre part, elle ne saurait invoquer utilement, en ce qui concerne la création et la définition de l'objet de la zone d'aménagement concerté, les stipulations de la convention du 26 mars 1984 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a mis à sa disposition les services de la direction départementale de l'équipement sur le fondement de l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme, laquelle ne portait que sur l'instruction des demandes d'autorisation et actes relatifs à l'occupation du sol délivrés au nom de la commune sur son territoire ;

11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune d'Auribeau-sur-Siagne, qui ne peut utilement se prévaloir, en l'absence d'établissement de fautes de l'Etat lui ouvrant droit à réparation en l'espèce, du principe à valeur constitutionnelle selon lequel nul ne saurait être exonéré de sa responsabilité personnelle, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 624 327 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, verse à la commune d'Auribeau-sur-Siagne tout ou partie de la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Auribeau-sur-Siagne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Auribeau-sur-Siagne et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Pocheron, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 décembre 2015.

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N° 14MA00686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00686
Date de la décision : 07/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Affectation et rétrocession.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles de procédure contentieuse spéciales - Contentieux de la responsabilité.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Exercice de la tutelle.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS MASQUELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-07;14ma00686 ?
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