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30/11/2015 | FRANCE | N°13MA04938

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2015, 13MA04938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Provence Recyclage a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest-Provence à lui verser la somme de 860 985,12 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation à compter du 5 août 2009, en réparation des préjudices résultant d'un incendie intervenu sur son site de traitement des déchets le 9 novembre 2006.

Par un jugement n° 1002417 du 22 octobre 2013, le tribunal administratif de Marseille a partiellement fait dro

it à sa demande en condamnant le SAN Ouest-Provence à lui verser la somme de 9 807...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Provence Recyclage a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest-Provence à lui verser la somme de 860 985,12 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation à compter du 5 août 2009, en réparation des préjudices résultant d'un incendie intervenu sur son site de traitement des déchets le 9 novembre 2006.

Par un jugement n° 1002417 du 22 octobre 2013, le tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit à sa demande en condamnant le SAN Ouest-Provence à lui verser la somme de 9 807,20 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 5 août 2009 et ces intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts et en mettant à la charge du syndicat les dépens constitués par les frais d'expertise à hauteur de la somme de 5 043,61 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2013, la société A-G Energies, venant aux droits de la société Provence Recyclage, représentée par la SCP Alain B...- Marc Béridot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 octobre 2013 ;

2°) de condamner le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest-Provence à lui verser la somme totale de 785 580 euros, assortie des intérêts de droit à compter du 5 août 2009, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest-Provence une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la responsabilité du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest-Provence est entière et aucune cause exonératoire de sa responsabilité ne saurait être retenue ;

- elle est en mesure de justifier de la réalité des préjudices causés par l'incendie survenu le 9 novembre 2006.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2015, le syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest-Provence conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société A-G Energies au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; par la voie de l'appel incident, il conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille ou, à titre subsidiaire, à la réformation de ce jugement en demandant à la Cour de réduire l'indemnité mise à sa charge à la somme de 8 200 euros hors taxe.

Il soutient que :

- la société A-G Energies ne justifie pas d'un intérêt à agir, dans la mesure où elle sera indemnisée par son assureur ;

- il est fondé à opposer deux exceptions d'illégitimité, tirées, d'une part, de l'exploitation irrégulière sur le site d'une activité de compostage et, d'autre part, de la disparition des éléments permettant de vérifier que l'activité de stockage de métaux exercée par la société Provence Recyclage n'était pas soumise à autorisation ou déclaration ;

- la société A-G Energies n'apporte pas la preuve des dommages résultant de l'incendie ni celle des préjudices allégués ;

- la société Provence Recyclage n'a pas respecté les stipulations contractuelles relatives au contrôle des déchets accueillis sur le site ;

- elle a commis des fautes dans l'exécution des prestations ;

- l'indemnisation ne doit pas inclure la taxe sur la valeur ajoutée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société A-G Energies, et de Me A..., représentant le SAN Ouest-Provence.

1. Considérant que le syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest-Provence a conclu le 1er août 2006 avec un groupement solidaire composé des sociétés Provence Recyclage, SMA Environnement, Delta Recyclage et Ortec Industrie, dont le mandataire était la société Provence Recyclage, un marché portant sur la réception, le transport et le traitement des déchets ; que parmi les prestations prévues au marché, figuraient l'enlèvement, le transport et le traitement de matériaux collectés sur les déchetteries exploitées par le syndicat, dont la déchetterie du Tubé, située à Istres ; que le 9 novembre 2006, lors des opérations de déchargement d'une benne contenant des ferrailles en provenance de cette déchetterie, le déclenchement accidentel d'une fusée de détresse à usage nautique, présente dans la benne, a causé un incendie sur le site de recyclage de la société Provence Recyclage, également situé à Istres et dénommé site de la Grande Groupède ; que la société A-G Energies, venant aux droits de la société Provence Recyclage, relève appel du jugement du 22 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné le SAN Ouest-Provence à lui verser la somme de 9 807,20 euros ; que par la voie de l'appel incident, le SAN Ouest-Provence conclut à l'annulation de ce jugement et, à titre subsidiaire, à sa réformation ;

Sur la portée du litige :

2. Considérant que dans les termes dans lesquels elle est rédigée, la requête doit être regardée comme tendant à l'annulation du jugement du 22 octobre 2013, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit aux conclusions de la société Provence Recyclage tendant à la réparation des préjudices résultant de l'incendie survenu le 9 novembre 2006 ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le SAN Ouest-Provence :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur (...) " ; qu'il résulte de l'instruction que l'assureur de la société A-G Energies n'a pas procédé à l'indemnisation de cette dernière et n'est donc pas subrogé dans les droits de son assurée ; que, par suite, l'action de la société A-G Energies est recevable ;

En ce qui concerne l'exception d'illégitimité opposée en défense :

4. Considérant que le SAN Ouest-Provence soutient que la société A-G Energies ne peut prétendre à l'indemnisation des préjudices résultant de l'incendie du 9 novembre 2006 dans la mesure où, d'une part, elle exploitait une aire de stockage de compost sans avoir effectué la déclaration requise au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement et où, d'autre part, elle a procédé à une modification des lieux ne permettant pas ainsi de vérifier si l'activité de stockage de métaux était soumise à autorisation ou déclaration au titre de la même réglementation ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la société Provence Recyclage a déclaré en 2004 au titre des installations classées pour la protection de l'environnement une activité de dépôt de bois, carton ou matériaux combustibles analogues pour une quantité de 15 000 m3, une installation de broyage des substances végétales et de tous produits organiques naturels d'une puissance installée de 192 kW ainsi qu'une activité de transformation du papier-carton, à raison de 10 t/jour ; que l'inspecteur des installations classées, dans son rapport établi le 12 janvier 2007, mentionne quatre dossiers de déclarations déposés le 28 août 2006 et un cinquième le 28 septembre suivant, antérieurement au sinistre ; qu'il ne fait pas état de ce que les activités de stockage de métaux et de compost auraient été exercées au mépris de la réglementation ; qu'ainsi, la réparation des dommages consécutifs à l'incendie survenu en novembre 2006 ne trouve pas sa cause dans une situation irrégulière dans laquelle la société Provence Recyclage se serait elle-même placée, indépendamment des faits reprochés au SAN Ouest-Provence ; que, par suite, l'exception d'illégitimité opposée par le syndicat doit être écartée ;

Sur la responsabilité :

6. Considérant que la société A-G Energies doit être regardée comme recherchant la responsabilité contractuelle du SAN Ouest-Provence ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article II.1. du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) : " Les prestations de base assurées par le titulaire ont pour objet l'enlèvement et le transport des déchets réceptionnés par les déchetteries d'Istres (...) le traitement et la valorisation de ces déchets. " ; que l'article II.1.1. de ce CCTP fixe la liste limitative des déchets collectés par les déchetteries ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'incendie trouve son origine dans le déclenchement d'une fusée, présente dans une benne de déchets de ferrailles en provenance de la déchetterie exploitée par le SAN Ouest-Provence ; qu'après le déchargement de cette benne, l'employé du site a actionné une pelle mécanique, laquelle a heurté la fusée qui s'est déclenchée et a été propulsée à plusieurs dizaines de mètres, sur le stockage de végétaux ; que cette fusée ainsi que d'autres fumigènes, contenus dans un carton, ont été déposés dans la benne avant son départ de la déchetterie d'Istres par le gardien de cette déchetterie ; que dès lors que le CCTP ne prévoyait pas la collecte par la société Provence Recyclage de ce type de déchets, la faute ainsi commise par l'employé du site de la déchetterie d'Istres est de nature à engager la responsabilité du SAN Ouest-Provence ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 2.1-2 du CCTP : " Le titulaire a l'obligation de refuser sur le quai de transfert : (...) les déchets spéciaux qui, en raison de leur toxicité, de leur pouvoir corrosif ou de leur caractère explosif, ne peuvent pas être éliminés par les mêmes voies que les ordures ménagères sans créer de risques pour les personnes et l'environnement " ; que l'article 2.2-1.1 de ce CCTP dispose : " Le titulaire procèdera au contrôle de la nature des déchets entrant sur le quai de transfert. Tout chargement non conforme sera dirigé vers une unité de traitement appropriée " ; que si le carton contenant les fusées a pu, comme l'expert l'a constaté, être masqué par l'importance du chargement, d'un volume de 40 m3, il est toutefois constant que le contrôle opéré par le gardien à l'arrivée de la benne sur le site de La Grande Groupède a été insuffisant ; que, par suite, la société Provence Recyclage a méconnu les stipulations précitées de l'article 2.2-1.1 du CCTP ;

9. Considérant que le SAN Ouest-Provence soutient que la trop grande proximité de l'emplacement de stockage des métaux avec celui du stockage des végétaux a contribué à la réalisation du sinistre ; que, toutefois, si l'expert mentionne dans son rapport que la proximité des deux stockages " ne participe pas à une bonne prévention des risques ", il précise plus loin que la fusée ayant déclenché l'incendie a été " projetée sur plusieurs dizaines de mètres " voire une centaine de mètres, selon les propos tenus par le responsable de l'exploitation du site, relayés par l'expert ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'incendie trouverait, ne serait-ce que partiellement, sa cause dans la proximité entre les deux lieux de stockage ;

10. Considérant, toutefois, qu'il est constant que le stock de végétaux avait une hauteur excédant largement celle fixée réglementairement à trois mètres ; qu'en effet, si la société A-G Energies conteste la hauteur de 7 mètres retenue par l'expert en fonction des indications fournies par les services de secours, elle admet que ce stockage a pu atteindre une hauteur de plus de 5 mètres ; qu'un stockage de cette importance a nécessairement largement contribué au développement du sinistre, même s'il n'en est pas la cause ;

11. Considérant, de même, qu'il ressort des conclusions du rapport de l'inspecteur des installations classées que les moyens d'approvisionnement en eau du site étaient insuffisants, circonstance qui a conduit ce dernier à proposer au préfet des Bouches-du-Rhône de mettre la société Provence Recyclage en demeure de définir, dans un délai de trois mois, des moyens adaptés de prévention et de lutte contre l'incendie ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision de confiner le stock de végétaux par l'apport de terre a été prise compte-tenu de l'insuffisance des moyens de lutte des services d'intervention et de l'approvisionnement en eau du site, le noyage de l'incendie n'ayant pu être envisagé compte tenu notamment des besoins en eau que cela aurait nécessité ; que, par conséquent, cette faiblesse d'approvisionnement en eau, également relevée par l'expert, est constitutive d'un défaut de précaution ayant eu une incidence sur l'ampleur du sinistre ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SAN Ouest-Provence doit être partiellement exonéré de sa responsabilité, à hauteur de 50 % ;

Sur les préjudices :

13. Considérant que la société A-G Energies se prévaut de la perte de compost, du coût des engins, de celui de la terre utilisée pour contenir et confiner le feu ainsi que du coût de l'évacuation de ces terres et du compost en centre d'enfouissement technique de classe III ; que les premiers juges ont écarté ces chefs de préjudice comme non justifiés ; que la société requérante n'en justifie pas davantage en appel ;

14. Considérant que, s'agissant du volume des terres utilisées afin de combattre le sinistre, elle ne justifie pas du quantum allégué de 23 000 tonnes alors même que l'inspecteur des installations classées a retenu un volume de 2 000 tonnes ; qu'ainsi que l'ont arrêté les premiers juges, il convient de retenir, pour ce chef de préjudice, le montant de 19 614,40 euros toutes taxes comprises, soit 16 397,63 euros hors taxe ; que, compte tenu du partage de responsabilité déterminé au point 12, la somme mise à la charge du SAN Ouest-Provence doit être ramenée à 8 198,81 euros hors taxe ; que, dans cette mesure, les conclusions d'appel incident du SAN Ouest-Provence doivent être accueillies ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société A-G Energies doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société A-G Energies et du SAN Ouest-Provence tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme mise à la charge du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest-Provence par le jugement n° 1002417 du 22 octobre 2013 du tribunal administratif de Marseille est ramenée à 8 198,81 euros (huit mille cent quatre-vingt-dix-huit euros et quatre-vingt-un centimes) hors taxe.

Article 2 : Le jugement n° 1002417 du 22 octobre 2013 du tribunal administratif de Marseille est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de la société A-G Energies et le surplus des conclusions du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest-Provence sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société A-G Energies et au syndicat d'agglomération nouvelle Ouest-Provence.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Héry, premier conseiller,

- M. Ouillon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 novembre 2015.

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N° 13MA04938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA04938
Date de la décision : 30/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS ALAIN ROUSTAN - MARC BERIDOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-11-30;13ma04938 ?
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