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23/11/2015 | FRANCE | N°13MA02281

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 23 novembre 2015, 13MA02281


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Domaines du Lac a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision en date du 5 octobre 2009 lui enjoignant de mettre en conformité, avant le 30 novembre 2009, les étiquettes portant la mention " Grand Cru de Provence " apposées sur ses bouteilles, ensemble la décision implicite résultant du silence gardé sur le recours gracieux qu'elle a formé le 21 octobre 2009.

Par un jugement n° 1101917 du 12 avril 2013, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette deman

de.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2013, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Domaines du Lac a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision en date du 5 octobre 2009 lui enjoignant de mettre en conformité, avant le 30 novembre 2009, les étiquettes portant la mention " Grand Cru de Provence " apposées sur ses bouteilles, ensemble la décision implicite résultant du silence gardé sur le recours gracieux qu'elle a formé le 21 octobre 2009.

Par un jugement n° 1101917 du 12 avril 2013, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2013, la société Les Domaines du Lac, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 12 avril 2013 ;

2°) d'annuler la décision en date du 5 octobre 2009 et la décision implicite de rejet susvisées ;

3°) de mettre à la charge l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a opéré une substitution de base légale sans avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- la décision attaquée est entachée d'une incompétence de son auteur ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale ;

- l'administration a inexactement examiné les termes de la loi et a pris en considération des éléments sans rapport avec la règle applicable ;

- elle a commis une erreur manifeste d'appréciation puisque c'est par une interprétation erronée des faits de l'espèce et des décisions intervenues qu'elle a cru pouvoir lui enjoindre de mettre les étiquettes en conformité avec la réglementation applicable ;

- l'administration s'est dispensée d'examiner l'ensemble du dossier et des circonstances de l'affaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2015, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour de rejeter la requête de la société Les Domaines du Lac.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas irrégulier dès lors que la substitution de base légale a été demandée par le préfet dans son mémoire en date du 16 avril 2010 ; la société requérante y a répondu par mémoire en date du 9 juin 2011 ;

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 5 octobre 2009 manque en fait dès lors que M.A..., signataire de l'acte, a été nommé dans le corps de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;

- le moyen tiré de l'erreur quant au destinataire de l'injonction est inopérant dès lors que le fait qu'elle ait été adressée à la société Les Domaines du Lac alors que la SCEA Château Réquier, chargée de l'élevage et de la mise en bouteille du vin, n'avait plus d'existence juridique au moment de la constatation des faits est sans incidence ; en application de l'article L. 212-1 du code de la consommation, il appartenait à la société Les Domaines du Lac de s'assurer de leur conformité aux prescriptions en vigueur ;

- la mesure d'injonction attaquée n'est pas entachée d'une erreur de droit ; le cahier des charges " Côtes de Provence " y compris dans sa version homologuée par le décret n° 2009-356 du 30 mars 2009 n'a jamais permis l'utilisation de la mention traditionnelle " Grand Cru " pour des vins bénéficiant de cette appellation ; dès lors, c'est à bon droit que la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a considéré que le lot de 21 167 bouteilles de vin " Château Réquier " bénéficiant de l'AOC " Côtes de Provence " était non conforme à la réglementation du fait que leurs étiquettes portaient la mention traditionnelle " Grand cru (de Provence) " et a pu demander une mise en conformité de ces étiquetages non conformes.

Par ordonnance du 2 février 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

- le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement " OCM unique ") ;

- le règlement (CE) n° 607/2009 de la Commission du 14 juillet 2009 fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l'étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole ;

- le décret n° 2009-356 du 30 mars 2009 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Côtes de Provence " ;

- le code de la consommation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 24 août 2015.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me B...substituant MeD..., représentant la société Les Domaines du Lac.

1. Considérant que la société Les Domaines du Lac relève appel du jugement en date du 12 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 octobre 2009 lui enjoignant de mettre en conformité, avant le 30 novembre 2009, les étiquettes portant la mention " Grand Cru de Provence " apposées sur ses bouteilles, ensemble la décision implicite résultant du silence gardé sur le recours gracieux qu'elle a formé le 21 octobre 2009 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué " ;

3. Considérant qu'une demande de substitution de base légale ne peut être accueillie que si le nouveau fondement légal est défini avec une précision suffisante ; qu'il ressort du jugement attaqué que le tribunal, après avoir constaté que l'administration s'était fondée sur les dispositions de l'article 49 du règlement n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole, lesquelles n'étaient plus applicables à la date de cette décision, a opéré une substitution de ces dispositions par celles du règlement n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur ; que le tribunal n'avait pas à mettre au préalable les parties à même de présenter leurs observations sur cette substitution de base légale dès lors que le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur faisait valoir devant lui que bien que le règlement communautaire cité dans le courrier d'injonction en date du 5 octobre 2009 n'était plus en vigueur depuis le 1er août 2009 car remplacé par le nouveau règlement " OCM unique " qu'il citait, il n'en demeurait pas moins que la réglementation précisant les conditions d'utilisation de la mention " Grand Cru " n'avait pas été modifiée ; qu'ainsi, ledit préfet devait être regardé comme demandant aux premiers juges de procéder à la substitution de base légale précitée ; que, du reste, la requérante y a répondu par un mémoire enregistré le 9 juin 2011 ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article R. 611-7 du code de justice administrative au motif que le tribunal n'aurait pas mis à même la requérante de présenter des observations sur la substitution de base légale opérée doit être écarté ;

Sur le fond :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 215-1 du code de la consommation : " I. Sont qualifiés pour procéder dans l'exercice de leurs fonctions à la recherche et à la constatation des infractions au présent livre : \ 1° Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de la direction générale des douanes et de la direction générale des impôts ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 218-5 du même code : " Lorsque les agents mentionnés à l'article L. 215-1 constatent qu'un lot n'est pas conforme à la réglementation en vigueur, ces agents peuvent en ordonner la mise en conformité, dans un délai qu'ils fixent. (...) " ;

5. Considérant que le tribunal a estimé à juste titre que M. A...tenait de sa qualité de directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes compétence pour prendre la décision querellée en date du 5 octobre 2009 sans qu'il soit besoin pour lui de justifier d'une délégation de signature concédée par le directeur interrégional ; que la nomination de M. A...en cette qualité ressort de l'arrêté en date du 11 mai 2009 portant avancement d'échelon de directeurs départementaux de 2ème classe de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne saurait dès lors être accueilli ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 118 duovicies du règlement n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " 1. On entend par " mention traditionnelle " une mention employée de manière traditionnelle dans un État membre pour les produits visés à l'article 118 bis, paragraphe 1 : \ a) pour indiquer que le produit bénéficie d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée en vertu du droit communautaire ou national ; ou \ b) pour désigner la méthode de production ou de vieillissement ou la qualité, la couleur, le type de lieu ou un événement particulier lié à l'histoire du produit bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée. \ 2. Les mentions traditionnelles sont répertoriées, définies et protégées par la Commission. " ; que l'article 118 tervicies du même règlement précise que : " 1. Les mentions traditionnelles protégées peuvent être utilisées exclusivement pour un produit qui a été élaboré en conformité avec la définition visée à l'article 118 duovicies, paragraphe 1. \ Les mentions traditionnelles sont protégées contre toute utilisation illicite. \ Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l'utilisation illicite des mentions traditionnelles protégées. " ; que l'article 118 sexvicies précise les indications obligatoires devant figurer sur l'étiquetage des vins commercialisés dans la Communauté au nombre desquelles figurent : " a) la dénomination de la catégorie de produit de la vigne conformément à l'annexe XI ter ; \ b) pour les vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée : \ i) le terme " appellation d'origine protégée " ou " indication géographique protégée " ; et \ ii) la dénomination de l'appellation d'origine protégée ou de l'indication géographique protégée ; (...) " ; que l'annexe XII partie B du règlement n° 607/2009 recense pour la France, au titre des mentions traditionnelles protégées, la mention " Grand cru " comme une " expression liée à la qualité d'un vin, réservée aux vins comportant une appellation d'origine protégée définie par décret et quand une utilisation collective est faite de cette expression par incorporation à une appellation d'origine. " ;

7. Considérant que la société requérante reproche à la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de s'être fondée sur un jugement en date du 6 avril 2009 du tribunal correctionnel de Draguignan qui a déclaré coupable la SCEA Château Réquier notamment des faits d'infraction de publicité mensongère, pour fonder la décision attaquée ; que, cependant, si la lettre en date du 14 septembre 2009 du directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes fait état de ce jugement, ce dernier ne constitue pas l'un des motifs repris par la décision en date du 5 octobre 2009 ; que cette décision est, en effet, fondée sur la non-conformité de l'étiquetage utilisé par la société requérante pour certains de ses vins AOC Côtes de Provence " Château Réquier " sur lesquels figurent la mention " Grand Cru de Provence " et vise les dispositions de l'article L. 218-5 du code de la consommation ainsi que celles de l'article 49 du règlement (CE) n° 1493/99 ; qu'il en résulte que sont inopérantes les circonstances que, par jugement en date du 4 février 2008, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Draguignan ait relaxé M. et Mme C...des faits de publicité mensongère ou que, par jugement en date du 20 mai 2010, le même tribunal ait jugé que la citation correctionnelle adressée à une personne morale dissoute, en l'espèce la SCEA Château Réquier, ne produisait pas d'effet à l'encontre de la SAS Les Domaines du Lac ;

8. Considérant que si la décision en date du 5 octobre 2009 ne pouvait être fondée sur les dispositions de l'article 49 du règlement (CE) n° 1493/99 du Conseil en date du 17 mai 1999 susvisé qui n'étaient plus en vigueur, les premiers juges ont substitué, à bon droit, ces dispositions par celles des articles 118 duovicies, tervicies et sexvicies précités du règlement n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 ; qu'en outre, comme le fait valoir le ministre de l'économie et des finances, en vertu du décret n° 2009-356 du 30 mars 2009 relatif à l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Côtes de Provence ", le cahier des charges de cette appellation ne permettait pas l'utilisation de la mention traditionnelle " Grand cru " pour des vins bénéficiant de cette appellation comme ceux de la société requérante ; que dans ces conditions, la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a pu légalement considérer que le lot de 21 167 bouteilles de vin " Château Réquier " bénéficiant de l'appellation AOC " Côtes de Provence " dont les étiquettes portaient la mention " Grand Cru de Provence " n'était pas conforme à la réglementation applicable ; que la circonstance que la SCEA Château Réquier ait été dissoute le 24 octobre 2008 est sans incidence dès lors que la décision attaquée a été prise à la suite du contrôle effectué le 10 septembre 2009 par les agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes qui ont constaté l'irrégularité commise par la société Les Domaines du Lac ; qu'ainsi, cette dernière ne peut sérieusement soutenir que les infractions auraient été commises par la SCEA " Château Réquier " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes se serait référée principalement à la mention " Cru classé " ; qu'il s'en suit que les moyens tirés de l'absence de base légale, du caractère erroné des motifs de la décision contestée et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n'ait pas procédé à l'examen particulier de la situation de droit et de fait de l'appelante ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'erreur de droit manque en fait et doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Les Domaines du Lac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date 5 octobre 2009 et de la décision implicite résultant du silence gardé sur le recours gracieux formé le 21 octobre 2009 qu'elle conteste ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la société Les Domaines du Lac quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Les Domaines du Lac est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Domaines du Lac et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Marchessaux, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 novembre 2015.

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N° 13MA02281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02281
Date de la décision : 23/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-05-06 Agriculture et forêts. Produits agricoles. Vins.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LAURENT COUTELIER et FRANCOIS COUTELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-11-23;13ma02281 ?
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