Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 19 octobre 2012 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial en faveur de son épouse et de ses enfants Samir et Mehdi.
Par un jugement n° 1301910 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 avril 2014, M. B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 décembre 2013 ;
2°) d'annuler la décision du 19 octobre 2012 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'autoriser le regroupement familial en faveur de son épouse et de ses enfants Samir et Mehdi ;
4°) subsidiairement de lui enjoindre de réexaminer sa situation sous quinzaine ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il disposait de ressources stables et suffisantes conformes aux exigences posées par l'accord franco-algérien et en rapporte la preuve ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Une mise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 du code de justice administrative a été adressée au préfet des Bouches-du-Rhône le 26 mai 2015.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2014.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de MmeC..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B..., de nationalité algérienne, a sollicité le 2 février 2012 le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse et de ses enfants Samir et Mehdi ; que, par décision du 19 octobre 2012, le préfet des Bouches-du-Rhône, estimant ses ressources insuffisantes, a refusé de faire droit à sa demande ; que M. B...relève appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent./ Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente./ Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; (...) " ; que si la situation de M. B... est régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ce dernier n'a toutefois pas entendu écarter, en l'absence de stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'appliquent à tous les étrangers, dès lors que les ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 dudit code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-4 du même code: " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente (...) : 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de la combinaison des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où ces dispositions sont compatibles avec ces stipulations, que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est en principe apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période ;
4. Considérant que M. B...verse aux débats, pour la première fois en appel, les copies des contrats à durée indéterminée qu'il a conclus les 1er mars, 3 juin et 28 décembre 2011 pour un emploi en qualité de manoeuvre ; que chacun de ces contrats mentionne un salaire mensuel correspondant au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; qu'il produit les bulletins de salaire correspondant ainsi que ses bulletins de salaire des mois de janvier et février 2011 qui font apparaître un salaire brut de 1 779,38 euros au titre du mois de février 2011 et un cumul brut de 5 755,98 euros fin février ; que ces éléments ne sont pas contestés par le préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas cru devoir défendre dans le cadre de la présente procédure, bien qu'il ait été mis en demeure de le faire ; que si la décision attaquée indiquait également que M. B... avait perdu son emploi en avril 2012, les éléments du dossier font aussi apparaître qu'à la date à laquelle le préfet a statué sur sa demande, il était employé depuis le mois de juillet 2012 par la SARL l'Etanchéité marseillaise moyennant une rémunération égale au SMIC ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à tort que le préfet a estimé qu'il ne pouvait justifier de ressources stables et suffisantes et a rejeté, pour ce motif, la demande de regroupement familial qui lui était soumise ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 octobre 2012 lui refusant le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de deux de ses enfants alors mineurs ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
7. Considérant que si l'administration, dont la décision de rejet d'une demande a été annulée par le juge, statue à nouveau sur cette demande en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision, il en va différemment lorsqu'une disposition législative ou réglementaire prévoit qu'un élément de cette situation est apprécié à une date déterminée ; que l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que " L'âge des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande " ; que la circonstance que les enfants de M. B...soient devenus majeurs en cours d'instance ne doit, dès lors, pas faire obstacle à leur admission au séjour dans le cadre du regroupement familial ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande ; que, dès lors, eu égard aux motifs d'annulation du refus du préfet des Bouches-du-Rhône d'autoriser le regroupement familial, et en l'absence d'une part d'autre motif propre à justifier ce refus, et, d'autre part, d'autre changement dans la situation de droit ou de fait des intéressés, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, la délivrance de l'autorisation de regroupement familial sollicitée ; qu'il y a lieu d'ordonner au préfet de prendre cette mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative, 37 et 43 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge, à son profit, de la partie perdante que le paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ; que M. B...n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, même postérieurement à la modification de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 issue de l'article 128 de la loi 2013-1278 du 29 décembre 2013, il n'appartient pas au juge administratif, en se fondant sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de condamner la partie perdante à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle tout ou partie de la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, si une telle condamnation n'a pas été expressément demandée et chiffrée ; que Me D...n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 décembre 2013 et la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 octobre 2012 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B... une autorisation de regroupement familial au profit de son épouse et de ses enfants Samir et Mehdi, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la région Provence, Alpes, Côte d'Azur préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2015, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- MmeC..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2015.
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N° 14MA01701
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