Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Communauté d'agglomération du pays de Martigues (CAPM) a demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 193 944 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice que lui aurait causé le refus opposé par la direction des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur de lui verser cette somme.
Par une ordonnance n° 1203631 en date du 31 juillet 2013, le président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande comme irrecevable.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er octobre 2013 et par deux mémoires enregistrés le 7 juillet 2014 et le 6 février 2015, la communauté d'agglomération du pays de Martigues, représentée par la SCP d'avocats Seban et associés, agissant par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 31 juillet 2013 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande prise par la directrice des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 193 944 euros avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle a considéré que la réclamation formulée par elle ne constituait pas une réclamation indemnitaire ;
- l'ordonnance est irrégulière en ce que l'irrecevabilité n'est pas manifeste, alors que l'article R. 222-1 du code de justice administrative doit être d'interprétation stricte ; aucun délai de réponse ne lui a été accordé à la suite du mémoire en défense ; l'irrégularité supposée était régularisable et elle aurait dû être invitée à produire ses observations ; en l'espèce, elle a réceptionné le mémoire en défense le 21 juin 2013 et aucune clôture d'instruction n'a été prise ;
- les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- la nouvelle cause d'irrecevabilité invoquée par le ministre de l'économie et des finances ne saurait être accueillie, la demande étant indemnitaire et présentée par une collectivité territoriale ;
- au fond, la société Azur Chimie n'a pas, contrairement à ce qu'elle indique dans un courrier du 29 octobre 2009, cessé son activité au 31 décembre de la même année ; elle a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de liquidation judicaire au mois de mars 2010, a liquidé ses stocks tout au long de l'année 2010 et a fait l'objet de deux arrêtés préfectoraux au cours de l'année 2010 pour la mise en sécurité de son site ; en tout état de cause, elle était propriétaire de biens entrant dans l'assiette de la taxe professionnelle et de la contribution foncière des entreprises et la date d'arrêt de la production industrielle n'est pas décisive ;
- le préjudice tiré de l'absence de versement de la somme due est certain ; le montant de 2 193 944 euros ne doit souffrir d'aucun abattement ;
- la faute, commise par la direction régionale des finances de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et le lien de causalité sont établis ;
- les intérêts et leur capitalisation sont requis et, compte tenu de la mauvaise volonté caractérisée de l'Etat, une astreinte est sollicitée.
Par des mémoires en défense enregistrés le 10 avril 2014 et le 17 septembre 2014, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour de rejeter la requête de la communauté d'agglomération du pays de Martigues.
Il soutient que :
- l'ordonnance est fondée, aucune demande de dommages et intérêts n'ayant été formulée devant elle avant l'engagement de la procédure juridictionnelle ; aucune clôture d'instruction n'était obligatoire en l'espèce ; le mémoire en défense a bien été reçu ;
- la communauté d'agglomération du pays de Martigues n'a pas contesté l'arrêté du 2 août 2010, qui n'a pas de caractère règlementaire, et cette décision ayant un objet exclusivement pécuniaire, sa légalité ne saurait être contestée dans le cadre d'un contentieux indemnitaire ;
- aucune faute n'a été commise par les services de l'Etat ; en tout état de cause, le préjudice ne saurait excéder la somme de 393 020 euros, si toutefois la responsabilité de l'Etat était reconnue, compte tenu d'un trop perçu antérieur par la collectivité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix ;
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., de la SCP d'avocats Seban et associés, pour la communauté d'agglomération du pays de Martigues.
Une note en délibéré, présentée pour la communauté d'agglomération du pays de Martigues, a été enregistrée le 19 octobre 2015.
1. Considérant que la communauté d'agglomération du pays de Martigues interjette appel de l'ordonnance en date du 31 juillet 2013 par laquelle le président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 193 944 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation de la faute qu'auraient commise les services de l'Etat chargés d'établir et de recouvrer la taxe professionnelle au titre de l'année 2010 ;
Sur la régularité de l'ordonnance :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs à sa régularité ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 222-1 du même code : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) " ;
3. Considérant que les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application de ces dernières dispositions sont, d'une part, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, d'autre part, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré ; qu'en revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque la juridiction s'est bornée à communiquer au requérant, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, le mémoire dans lequel une partie adverse a opposé une fin de non recevoir ; qu'en pareil cas, à moins que son auteur n'ait été invité à la régulariser dans les conditions prévues à l'article R. 612-1 du code de justice administrative, la requête ne peut être rejetée pour irrecevabilité que par une décision prise après audience publique ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération du pays de Martigues a demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 193 944 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice que lui aurait causé le refus opposé par la direction des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur de lui verser cette somme ; que l'administration fiscale en défense a soulevé la fin de non-recevoir tiré du défaut de réclamation préalable ; que le président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille a communiqué ce mémoire à la communauté d'agglomération du pays de Martigues sans toutefois l'inviter à régulariser sa demande ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille ne pouvait se fonder sur les dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la requête comme manifestement irrecevable sans entacher son ordonnance d'irrégularité ; que, par suite, son ordonnance doit être annulée ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer immédiatement l'affaire et de se prononcer sur les conclusions et moyens présentés par la communauté d'agglomération du pays de Martigues devant le tribunal administratif de Marseille et devant la Cour ;
Sur la recevabilité de la demande de la communauté d'agglomération du pays de Martigues :
6. Considérant et qu'aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) " ;
7. Considérant que, par lettre du 16 juin 2011, la communauté d'agglomération du pays de Martigues a demandé à l'administration fiscale l'émission d'un rôle supplémentaire de contribution foncière des entreprises à l'encontre de la société Azur Chimie, implantée à Port-de-Bouc, au titre de l'année 2010, en estimant que cette société n'avait pas cessé toute activité au 17 décembre 2009 ; que cette demande a été rejetée le 28 septembre 2011 par la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur ; que, par lettre du 20 janvier 2012, la communauté d'agglomération du pays de Martigues a saisi à nouveau la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur en sollicitant un versement complémentaire de 2 193 944 euros au titre de " la compensation relais versée (...) au titre de l'année 2010 " ; que, toutefois, cette demande par laquelle il était demandé à l'administration fiscale " d'opérer cette compensation en procédant au versement complémentaire de cette dotation " ne comportait aucune demande de dommages et intérêts et n'était pas fondée sur la faute qui aurait été commise par les services de l'Etat mais constituait une contestation de la position prise par l'administration fiscale et se fondait sur la circonstance que la société Azur Chimie ne pouvait être regardée comme étant inactive au 1er janvier 2010 et disposait en tout état de cause de biens passibles de la taxe foncière ; que cette demande ne peut être regardée comme constituant une réclamation préalable tendant à voir engager la responsabilité de l'Etat à raison d'une faute qui aurait été commise par ses services ;
8. Considérant, par ailleurs, qu'il ne résulte pas de l'instruction que, postérieurement à la saisine de la juridiction administrative, la communauté d'agglomération du pays de Martigues aurait formulé une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci aurait fait naître une décision implicite de rejet ; qu'il résulte par ailleurs des écritures de la communauté d'agglomération du pays de Martigues que celle-ci a reçu, le 21 juillet 2013, le mémoire en défense de la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur, concluant à titre principal au rejet de la requête pour défaut de liaison du contentieux ; que, dans ces conditions, le contentieux n'étant pas lié, la demande de la communauté d'agglomération du pays de Martigues est irrecevable et ne peut être accueillie ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la communauté d'agglomération du pays de Martigues ; que, par suite, les conclusions de la communauté d'agglomération du pays de Martigues présentées à ce titre doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1203631 en date du 31 juillet 2013 du président de la sixième chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande de la communauté d'agglomération du pays de Martigues présentée devant le tribunal administratif de M arseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du pays de Martigues et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président-assesseur,
- Mme Markarian, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2015.
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N° 13MA03878 2