Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...F...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté, en date du 10 juillet 2012, par lequel le préfet de la Haute-Corse a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition par la commune de Sant'Antonino de la parcelle cadastrée section A n° 335 et a déclaré cessible ladite parcelle.
Par un jugement n° 1200717 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 20 février 2014, sous le n° 14MA00848, le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1200717 du tribunal administratif de Bastia du 19 décembre 2013.
Il soutient que :
- la réalisation d'une nouvelle aire de stationnement est nécessaire dans la mesure où les lieux de stationnement à Sant'Antonino sont notoirement insuffisants en période estivale ; le parking actuel offre seulement une centaine de places pour les voitures ; les cars peuvent également y stationner mais ont les plus grandes difficultés à en ressortir et préfèrent généralement stationner à l'extérieur ; l'objectif est donc de remplacer le parking actuel sous-dimensionné, de faciliter et sécuriser l'accès au village, de privilégier un ensemble " accueil cheminement plus cohérent ", de sécuriser et de valoriser le périmètre de l'église de l'Annunziata, de reconquérir le caractère emblématique de l'ensemble " esplanade-église de l'Annunziata-chapelle de la confrérie " ;
- sur le coût de réalisation d'une nouvelle aire de stationnement et son financement, comme tout projet d'investissement des collectivités territoriales, celui-ci est susceptible d'être financé à hauteur de 80 % de son montant hors taxe par l'Etat et les collectivités territoriales ; la part restante à la charge de la commune devrait s'élever à 65 322 euros ; la commune n'aura aucune difficulté d'ordre budgétaire pour réaliser le projet du nouveau parking dès lors que les recettes engendrées par le stationnement s'élèvent à 91 828 euros en 2011, 102 606 euros en 2012 et 109 064 euros en 2013 ; sa capacité d'autofinancement brute évolue à la hausse ; son solde de la section de fonctionnement est de + 109 342 euros ; cet excédent pourra être affecté en tout ou partie à la section d'investissement pour apporter l'autofinancement nécessaire à la réalisation du parking ;
- sur l'intégration paysagère de la nouvelle aire de stationnement, le projet du nouveau parking prévoit que le stationnement sera implanté essentiellement dans la partie basse du terrain, la moins visible depuis le village et que la partie la plus en vue sera aménagée de façon paysagère ; le choix de la commune d'exproprier la totalité de la parcelle A 335 d'une superficie de 14 000 m2 se justifie par le besoin de réaliser une aire de stationnement aménagée s'intégrant à la nature environnante ; l'un des objectifs du projet est de supprimer le parking actuel pour rendre cet espace à sa vocation naturelle de place de village ;
- la possibilité d'extension du parking existant sur le terrain contigu constitué par la parcelle A 453 a été étudiée par la commune de Sant'Antonino mais cette parcelle n'a pas été retenue en raison de la présence d'une maison d'habitation, de sa trop grande visibilité et du caractère excessivement rocheux du terrain nécessitant un investissement plus important ; la surface disponible de la parcelle A 453 d'environ 5 000 m2 ne serait pas suffisante pour accueillir le nombre de véhicules prévu ; la réalisation d'une extension de parking sur ce terrain porterait une atteinte grave à la propriété privée ; le bilan coût-avantages de cette opération serait ainsi négatif ;
- il n'y a pas d'atteinte excessive à la propriété privée en ce qui concerne la parcelle A n° 335.
Par une lettre en date du 5 décembre 2014, Mme F...a été mise en demeure de produire, dans un délai d'un mois, ses conclusions à la requête susvisée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2015, Mme A...F...représentée par la Selarl Cegexport et Me E...conclut au rejet de la requête du ministre de l'intérieur et demande à la Cour de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la commune de Sant'Antonino la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la commune de Sant'Antonino est irrecevable dès lors qu'elle a été déposée tardivement ;
- son recours est recevable dès lors qu'il a été valablement formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et qu'elle dispose d'un intérêt à agir contre la déclaration d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité ;
- l'arrêté querellé est illégal par voie d'exception d'illégalité de l'arrêté du 16 mars 2012 lequel est entaché d'un vice de procédure en ce que la commune a entendu engager une procédure sur le fondement de l'article R. 11-3-I du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors que le préfet a engagé une procédure sur le fondement du II du même article ;
- l'enquête publique ouverte par le préfet n'étant pas conforme au projet transmis par la commune, il a méconnu le principe de libre administration des collectivités locales ;
- l'enquête publique prescrite par le préfet sur le fondement de l'article R. 11-3-II du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'a porté en aucune façon sur la réalisation des travaux et sur l'évaluation de l'opportunité de création d'un nouveau parking municipal ; elle n'a donc pas pu permettre tant à la commune qu'à toute personne intéressée de critiquer valablement l'opportunité de cette opération ; il s'en suit que l'arrêté attaqué est fondé sur une enquête publique non conforme à l'initiative de la commune ;
- le dossier de la demande d'organisation d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique présente un caractère incomplet ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une incompétence de son auteur ;
- l'arrêté du 10 juillet 2012 ne fait en aucune façon la démonstration de la nécessité d'un intérêt public justifiant le recours à l'expropriation et comporte par ailleurs de très nombreux inconvénients et incohérences ; l'utilité du projet envisagé est particulièrement faible et circonscrite sur une courte période ; le commissaire enquêteur a apporté de très nombreuses réserves concernant la réalisation du projet dont s'agit ; le projet est disproportionné quant à sa superficie et à son coût financier ; les possibilités de financement envisagées ne sont qu'hypothétiques ; l'administration ne justifie pas avoir recherché une autre solution alternative ; la parcelle A 335 est actuellement affectée à une exploitation agricole ; la réalisation du projet eu égard à sa localisation et à son étendue porte une atteinte excessive au site inscrit à l'inventaire des sites pittoresques ;
- des éléments laissent à penser que la commune commet un véritable détournement de pouvoir en utilisant la procédure d'expropriation pour acquérir un terrain sur lequel elle souhaite effectuer un projet différent de celui qui a été l'objet de l'enquête publique.
Un courrier a été adressé le 23 juillet 2015 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
II. Par une requête, enregistrée le 20 février 2014, sous le n° 14MA01000, la commune de Sant'Antonino demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1200717 du tribunal administratif de Bastia du 19 décembre 2013 et de mettre à la charge de Mme F...la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas pris en compte la note en délibéré enregistrée le 26 novembre 2013 ;
- le tribunal a violé le principe du contradictoire ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le projet présente une utilité publique incontestable dès lors que la commune ne dispose actuellement que d'un petit parc de stationnement de 4 500 m2 qui est manifestement insuffisant surtout en période estivale ; sa capacité n'est pas suffisante pour l'accueil des cars ; sa situation actuelle à proximité immédiate des bâtiments les plus prestigieux justifie son déplacement ;
- en considérant que les recettes générées par les droits de stationnement ne suffisent pas à couvrir les dépenses de fonctionnement de la commune, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier ;
- il a également dénaturé les pièces du dossier en estimant que le terrain dit " des Belges " pouvait permettre à la commune de remplir ses objectifs dans des meilleures conditions et en affirmant qu'il n'existe pas de maison sur cette parcelle ;
- le tribunal a commis une erreur de fait en écartant l'argument selon lequel le coût du projet sera partiellement couvert par les recettes tirées des droits de stationnement de l'actuel parking ;
- il a commis une erreur de droit en retenant que si la commune de Sant'Antonino et le préfet de la Haute Corse " font valoir que le projet est éligible à des subventions, cette source de financement n'est évoquée que comme une possibilité alors que la seule circonstance que la réfection de l'église de l'Annunziata a bénéficié de subventions de l'Etat, de la collectivité territoriale de Corse et du département ne permet pas à elle seule de déduire que tel sera nécessairement le cas s'agissant d'un parc de stationnement " ;
- le nombre d'habitants ne saurait constituer un critère suffisant pour apprécier l'étendue de ses ressources financières quand, par ailleurs, il a été démontré que la commune était en capacité de mobiliser des ressources suffisantes pour financer le projet ;
- en tout état de cause, le coût de l'opération ne saurait être jugé excessif par rapport au budget communal ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que le projet litigieux portera une atteinte importante au caractère particulier du village ; la circonstance que le village soit inscrit à l'inventaire des sites pittoresques n'empêche pas tout aménagement de la zone ; il serait bien plus dévalorisant pour le site de laisser perdurer la situation actuelle, à savoir l'encombrement de l'esplanade située au centre des trois monuments emblématiques du village et le stationnement anarchique et dangereux des véhicules et car de tourisme durant la période estivale ;
- le projet ne saurait constituer une atteinte au village qu'il a justement pour effet de préserver et de mettre en valeur ; un important traitement paysager a été prévu afin de réduire au minimum cet impact sur le paysage environnant et sur la vue depuis le haut du village ;
- il a été démontré que l'autre solution envisagée consistant à étendre le parc de stationnement existant sur une partie du terrain contigu de l'esplanade de l'église de l'Annunziata ne constitue pas une alternative crédible ; il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité du choix d'un terrain par rapport à un autre terrain.
Par une lettre en date du 5 décembre 2014, Mme F...a été mise en demeure de produire, dans un délai d'un mois, ses conclusions à la requête susvisée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2015, Mme A...F...représentée par la Selarl Cegexport et Me E...conclut au rejet de la requête de la commune de Sant'Antonino et demande à la Cour de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la commune de Sant'Antonino la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la commune de Sant'Antonino est irrecevable dès lors qu'elle a été déposée tardivement ;
- son recours est recevable dès lors qu'il a été valablement formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et qu'elle dispose d'un intérêt à agir contre la déclaration d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité ;
- l'arrêté querellé est illégal par voie d'exception d'illégalité de l'arrêté du 16 mars 2012 lequel est entaché d'un vice de procédure en ce que la commune a entendu engager une procédure sur le fondement de l'article R. 11-3-I du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors que le préfet a engagé une procédure sur le fondement du II du même article ;
- l'enquête publique ouverte par le préfet n'étant pas conforme au projet transmis par la commune, il a méconnu le principe de libre administration des collectivités locales ;
- l'enquête publique prescrite par le préfet sur le fondement de l'article R. 11-3-II du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'a porté en aucune façon sur la réalisation des travaux et sur l'évaluation de l'opportunité de création d'un nouveau parking municipal ; elle n'a donc pas pu permettre tant à la commune qu'à toute personne intéressée de critiquer valablement l'opportunité de cette opération ; il s'en suit que l'arrêté attaqué est fondé sur une enquête publique non conforme à l'initiative de la commune ;
- le dossier de la demande d'organisation d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique présente un caractère incomplet ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une incompétence de son auteur ;
- l'arrêté du 10 juillet 2012 ne fait en aucune façon la démonstration de la nécessité d'un intérêt public justifiant le recours à l'expropriation et comporte par ailleurs de très nombreux inconvénients et incohérences ; l'utilité du projet envisagé est particulièrement faible et circonscrite sur une courte période ; le commissaire enquêteur a apporté de très nombreuses réserves concernant la réalisation du projet dont s'agit ; le projet est disproportionné quant à sa superficie et à son coût financier ; les possibilités de financement envisagées ne sont qu'hypothétiques ; l'administration ne justifie pas avoir recherché une autre solution alternative ; la parcelle A 335 est actuellement affectée à une exploitation agricole ; la réalisation du projet eu égard à sa localisation et à son étendue porte une atteinte excessive au site inscrit à l'inventaire des sites pittoresques ;
- des éléments laissent à penser que la commune commet un véritable détournement de pouvoir en utilisant la procédure d'expropriation pour acquérir un terrain sur lequel elle souhaite effectuer un projet différent de celui qui a été l'objet de l'enquête publique.
Un courrier du 23 juillet 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement à laquelle renvoie son Préambule ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 25 août 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;
- et les observations Me C...représentant Mme F...et de Mme D...adjointe au maire de Sant'Antonino ;
Une note en délibéré, présentée par MeB..., a été enregistrée le 15 octobre 2015.
Une note en délibéré, présentée par MeC..., a été enregistrée le 29 octobre 2015.
1. Considérant que les requêtes susvisées n° 14MA00848 du ministre de l'intérieur et n° 14MA01000 de la commune de Sant'Antonino sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que le ministre de l'intérieur et la commune de Sant'Antonino relèvent appel du jugement du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Bastia qui a annulé l'arrêté en date du 10 juillet 2012, par lequel le préfet de la Haute-Corse a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition par la commune de Sant'Antonino de la parcelle cadastrée section A n° 335 appartenant à MmeF..., située sur le territoire de ladite commune, en vue de la réalisation d'un nouveau parc de stationnement communal et a déclaré cessible ladite parcelle ;
Sur la recevabilité de la requête d'appel de la commune de Sant'Antonino :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à la commune de Sant'Antonino le 20 décembre 2013 ; que, dans ces conditions, le délai d'appel fixé par l'article R. 811-2 précité n'était pas expiré quand la commune a présenté sa requête qui a été enregistrée le 20 février 2014 ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme F... tirée de la tardiveté de la requête de la commune de Sant'Antonino ne peut qu'être rejetée ;
Sur la régularité du jugement :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 731-3 du code de justice administrative : " A l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré. " ;
6. Considérant que, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu'il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement contesté porte la mention : " Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 26 novembre 2013, présentée pour la commune de Sant'Antonino " ; que cette dernière fait valoir que les premiers juges auraient dû tenir compte de sa note en délibéré ainsi que de ses pièces jointes constituées par ses résultats budgétaires sur plusieurs exercices de 2010 à 2012 et, en conséquence, rouvrir l'instruction afin de les soumettre au débat contradictoire des parties ; que néanmoins, cette note et ces pièces ne contenaient l'exposé d'aucune circonstance de fait ou d'élément de droit dont la commune n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui étaient susceptibles d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire ; qu'il suit de là que le tribunal n'a commis aucune irrégularité en ne tenant pas compte de ses éléments et en ne rouvrant pas l'instruction ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) " ;
9. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que, pour annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Corse en date du 10 juillet 2012, les premiers juges ont estimé que si la commune de Sant'Antonino " ainsi que le préfet de la Haute-Corse soutiennent que les dépenses exposées seront en partie couvertes par des redevances de stationnement, ils se bornent à faire état des recettes générées par les droits de stationnement, qui couvrent des dépenses de fonctionnement dans les budgets annuels versés au dossier " ; que, ce faisant, il ne ressort pas du jugement querellé que les premiers juges se seraient fondés sur le détail des dépenses de fonctionnement de 2010 à 2012 produites par la commune dans sa note en délibéré ; que, sur ce point, les années 2010 à 2012 qui ne sont pas citées expressément dans le jugement correspondent aussi aux tableaux des recettes générées par les places de stationnement du parking existant, produites tant par le préfet que par la commune ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté ;
10. Considérant que la commune de Sant'Antonino reproche au jugement attaqué de ne pas avoir exposé les éléments de droit et de fait sur lesquels il s'est fondé pour juger que le coût de l'opération serait excessif par rapport au budget de la commune ; que toutefois, ledit jugement est suffisamment motivé en ce qu'il qualifie d'excessif le coût de l'opération par rapport au budget communal ;
Sur le fond :
11. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Quant à la finalité d'intérêt général :
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'opération déclarée d'utilité publique par l'arrêté contesté du préfet de la Haute-Corse, en date du 10 juillet 2012, a pour objet la réalisation d'un parking sur la parcelle cadastrée section A n° 335 ; que ce projet, qui vise à augmenter la capacité et la qualité de l'accueil des véhicules et des bus par rapport à celle du parking actuel qui est complètement saturé en période estivale et qui permettra de mettre en valeur l'espace sur lequel sont situés l'église de l'Annunziata, la chapelle de la Confrérie et le monument aux morts, actuellement occupé par ledit parking présente, ainsi, une finalité d'intérêt général ;
Quant à la nécessité de recourir à l'expropriation :
13. Considérant que si Mme F...fait valoir qu'une autre solution moins dommageable aurait pu être envisagée, consistant à réaménager le terrain actuel occupé par le parking qui appartient à la commune de Sant'Antonino, celle-ci ne permettrait pas de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes dès lors qu'elle ne respecte pas un aspect positif du projet envisagé qui consiste à mettre en valeur l'espace de l'esplanade occupé par le parking actuel en déplaçant ce dernier, répondant ainsi aux préconisations de l'association des " Plus beaux villages de France " dont la commune fait partie ;
Quant au bilan coût-avantages :
14. Considérant, en premier lieu, que si l'intimée fait état de l'existence d'autres parkings dans le village, le premier, réservé aux seuls résidents riverains, ne permet pas de répondre à la demande des touristes ; que, par ailleurs, il n'est pas démontré que ces parkings puissent accueillir des bus ; que Mme F...se prévaut de l'atteinte paysagère constituée par la perte de la vue sur la prairie alléguée ; que, néanmoins, le panorama actuel est impacté par la vision du stationnement anarchique des véhicules sur l'esplanade de l'église au moins quatre mois par an que le projet propose de déplacer ; qu'en outre, cette atteinte sera compensée, d'une part, par le réaménagement de cette esplanade débarrassée dudit stationnement sur laquelle sont prévus, notamment, des espaces verts, du gazon et des espèces locales et, d'autre part, par la plantation, sur le futur parking, de nombreux arbres sur la périphérie et un large espace de zone arborée sur la partie nord ; que le caractère agricole de la parcelle n'est pas établi dès lors qu'il ressort du rapport d'enquête parcellaire que l'activité du berger, qui est en réalité à la retraite, n'est pas permanente et alors que l'intimée a eu pour projet d'y réaliser un parking privé ou de le louer à la commune ; que si le projet a pour conséquence d'acquérir la totalité de la parcelle d'une superficie de 13 894 m2, une telle surface est justifiée par le besoin de réaliser une aire de stationnement aménagée s'intégrant à la nature environnante, une telle contrainte nécessitant un espace plus important ; que la création d'îlots de quelques voitures, les espaces de circulation et de retournement, notamment pour les autocars, la plantation d'arbres et de plantes sont également consommateurs d'espace ;
15. Considérant, en deuxième lieu et en revanche, qu'il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement de l'estimation sommaire des dépenses que le coût de l'opération s'élève à 383 060,80 euros HT soit 418 721,36 euros TTC ; qu'à cet égard, les appelants soutiennent que la commune peut prétendre à des subventions à hauteur de 80 %, soit 334 400 euros HT, réduisant ainsi sa participation au financement à la somme 76 612 euros HT laquelle devrait être couverte par ses ressources propres issues notamment des recettes tirées des droits de stationnement de l'actuel parking ; que cependant, le plan de financement approuvé le 11 janvier 2014 par délibération du conseil municipal de Sant'Antonino est postérieur à l'arrêté litigieux du 12 juillet 2012 tout comme la lettre du préfet de la Haute-Corse datée du 17 janvier 2014, informant le maire de Sant'Antonino de ce qu'une aide de 153 224 euros lui sera allouée pour les travaux d'aménagement de l'aire de stationnement ; que de plus, si le ministre de l'intérieur fait état de l'intention du président du conseil général de la Haute-Corse de contribuer au financement du parking à hauteur de 10 %, il ne l'établit pas tout comme l'effectivité de la subvention de la collectivité territoriale corse à hauteur de 30 % ; que de surcroît, si les capacités d'autofinancement de la commune seraient constituées par les recettes issues des redevances liées au stationnement lesquelles s'élèvent à un peu plus de 100 000 euros par an, ces recettes sont insuffisantes, à elles seules, pour financer le coût de l'opération qui est important pour une commune qui ne compte que 98 habitants ; que s'agissant d'un financement par emprunt tel qu'allégué par les requérants, ces derniers ne produisent pas plus en appel qu'en première instance, d'éléments permettant d'apprécier le taux d'endettement de la commune ; que, sur ce point, si la collectivité communale fait valoir qu'elle n'est pas endettée, l'attestation de la trésorerie de l'Ile Rousse mentionne toutefois que les remboursements des dettes bancaires s'inclinent en 2012 ; que la seule circonstance que la commune de Sant'Antonino ait systématiquement obtenu des subventions à hauteur de 80 % pour d'autres opérations d'aménagement ne permet pas d'établir qu'elle obtiendra les subventions de la collectivité territoriale Corse et du conseil général pour son projet de parc de stationnement ; que, dans ces conditions, compte tenu du coût financier important de l'opération dont il n'est pas démontré un apport supérieur à 14 places de stationnement supplémentaires, les inconvénients d'ordre financier sont excessifs à la date de la décision litigieuse eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; que, par suite, Mme F...est fondée à soutenir que l'opération envisagée est privée d'utilité publique ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le ministre de l'intérieur et la commune de Sant'Antonino ne sont pas fondés à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté en date du 10 juillet 2012 du préfet de la Haute-Corse ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que MmeF..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune de Sant'Antonino quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Sant'Antonino une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme F...et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 14MA00848 du ministre de l'intérieur et n° 14MA01000 de la commune de Sant'Antonino sont rejetées.
Article 2 : L'Etat et la commune de Sant'Antonino verseront solidairement la somme de 2 000 (deux mille) euros à Mme F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la commune de Sant'Antonino et à Mme A...F....
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2015, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 2 novembre 2015.
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Nos 14MA00848, 14MA01000