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20/10/2015 | FRANCE | N°14MA03161

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 20 octobre 2015, 14MA03161


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 12 février 2014 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1401257 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2014 par télécopie et régularis

ée par courrier le 17 juillet suivant, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 12 février 2014 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1401257 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2014 par télécopie et régularisée par courrier le 17 juillet suivant, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 juin 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 12 février 2014 ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'auteur de l'acte critiqué était incompétent pour le prendre, dès lors que la délégation de signature dont il bénéficiait en vertu d'un arrêté du 17 mai 2013 est trop générale, imprécise dans ses exceptions et ne précise pas l'identité des chefs de service de l'Etat titulaires de la délégation mentionnée au 1 de l'article 1er de cet arrêté ;

- l'arrêté contesté a été pris en violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L. 313-11 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique, dès lors que l'administration ne produit pas le certificat médical du 13 janvier 2014 dont fait état l'avis rendu le 20 janvier 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé ; que le médecin agréé ne démontre pas avoir apprécié concrètement et précisément son état de santé avant de rendre l'avis sur lequel s'est appuyé le préfet ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant, en contradiction avec l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, qu'un défaut de prise en charge de la pathologie dont il est atteint ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le traitement approprié à sa pathologie n'est pas accessible à la généralité de la population au Maroc, eu égard à son coût et à l'absence de modes de prise en charge ; que sa situation personnelle en cas de retour dans son pays d'origine l'empêchera d'accéder aux soins qui lui sont nécessaires ;

- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et a entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il a fixé le centre de ses intérêts en France depuis 2006 ; qu'il démontre l'existence de liens sociaux, familiaux et professionnels lui permettant de justifier de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires.

Par ordonnance du 8 juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 7 août 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Mastrantuono, rapporteur.

1. Considérant que M.C..., né en 1973, de nationalité marocaine, relève appel du jugement en date du 19 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2014 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué est signé de Mme Clavel, secrétaire générale de la préfecture de Vaucluse, à laquelle le préfet de Vaucluse a, par arrêté du 17 mai 2013 régulièrement publié au recueil des actes administratifs le 21 mai 2013, donné délégation à l'effet de signer tous arrêtés, requêtes et mémoires présentés dans le cadre de recours contentieux, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de Vaucluse, sauf exceptions au nombre desquelles ne sont pas mentionnées les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers ; que cette délégation, qui n'est ni générale, ni imprécise, contrairement à ce que soutient le requérant, donnait valablement compétence à Mme Clavel à l'effet de signer les décisions contestées ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté critiqué doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; que l'article 1er de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé énonce que " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance (...) de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique " ; que son article 3 précise que " Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution. Il transmet ce rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin de l'agence régionale de santé dont relève la résidence de l'intéressé, désigné à cet effet par le directeur général de cette agence (...) " ; qu'enfin, selon l'article 4 dudit arrêté : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le préfet, à qui il incombe de mettre en oeuvre la procédure de consultation du médecin de l'agence régionale de santé lorsque, comme en l'espèce, il est saisi d'une demande de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est destinataire que de l'avis émis par ce médecin, celui-ci étant par ailleurs le seul destinataire, sous pli confidentiel, du rapport médical du médecin agréé ; que, dès lors, M. C...n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que faute de produire le rapport médical du médecin agréé en date du 13 janvier 2014 auquel fait référence l'avis émis le 20 janvier 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de Vaucluse aurait méconnu les dispositions des articles L. 313-11 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique, ni que le préfet aurait méconnu le principe du contradictoire et les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin agréé n'aurait pas procédé à un véritable examen de l'état de santé de M.C... ;

5. Considérant que le préfet de Vaucluse a estimé, conformément à l'avis rendu le 20 janvier 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé, que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale, il existait un traitement approprié au Maroc pour une telle prise en charge ; que s'il ressort des pièces du dossier que M.C..., qui déclare être atteint de schizophrénie, bénéficie d'un suivi médical, il ne résulte pas des pièces produites par l'intéressé, qui ne précisent d'ailleurs pas la pathologie dont il souffre, qu'aucun traitement approprié à cette pathologie ne serait disponible dans son pays d'origine ; que le requérant, qui ne conteste pas que deux de ses soeurs vivent au Maroc, n'établit pas qu'il serait isolé en cas de retour dans ce pays ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce que le préfet de Vaucluse aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un défaut de prise en charge médicale, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'il remplissait toutes les conditions posées par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) " ;

7. Considérant que si M. C...soutient qu'il vit en France depuis novembre 2006, qu'il réside chez ses parents et que trois de ses frères et soeurs sont titulaires de cartes de résident, l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans ; que s'il soutient avoir travaillé en tant qu'ouvrier agricole en 2006, cette circonstance est insuffisante pour justifier de son intégration dans la société française ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de la vie familiale de M. C... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.C..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. C... de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2015 où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- M. Martin, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 octobre 2015.

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N° 14MA03161 6

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03161
Date de la décision : 20/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : KABORE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-20;14ma03161 ?
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