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19/10/2015 | FRANCE | N°14MA03937

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2015, 14MA03937


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Coursan à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du chef de l'interdiction de la circulation des poids lourds de 7,5 tonnes et plus à l'intérieur de l'agglomération de Coursan décidée par arrêté du maire de cette commune du 9 mai 2012 modifié par arrêté de cette même autorité du 5 juillet 2012.

Par un jugement n° 1303362 du 11 juillet 2014,

le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Coursan à verser à M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Coursan à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du chef de l'interdiction de la circulation des poids lourds de 7,5 tonnes et plus à l'intérieur de l'agglomération de Coursan décidée par arrêté du maire de cette commune du 9 mai 2012 modifié par arrêté de cette même autorité du 5 juillet 2012.

Par un jugement n° 1303362 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Coursan à verser à Mme D...la somme de 56 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 14MA03937 le 11 septembre 2014, la commune de Coursan, représentée par la Scp Pech de Laclause Jaulin-Bartolini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 11 juillet 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de Mme D...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il appartient à Mme D...de démontrer le caractère spécial de son préjudice, pas à la commune ;

- l'intéressée ne justifie pas d'aménagements spéciaux pour recevoir les camions d'un tonnage leur interdisant la traversée de Coursan ;

- le restaurant de MmeD..., qui est le plus proche de l'échangeur de Narbonne Sud, et dont l'accès pour les poids lourds utilisant la portion de RD 6009 au niveau de Coursan n'est ainsi ni impossible ni difficile, au prix d'un léger allongement de parcours, ne subit aucun préjudice spécial ;

- les arrêtés en cause étant assortis de nombreuses dérogations, les poids lourds continuent d'emprunter la RD 6009 et de se rendre dans le restaurant ;

- quatre restaurants au moins situés sur la RD 6009 ont chacun un parking suffisant pour y accueillir des camions ;

- la volonté administrative d'interdire la traversée de Coursan par les camions d'un certain tonnage étant antérieure à l'acquisition par Mme D...de son restaurant, celle-ci a accepté l'aléa de voir le projet de contournement de la commune se réaliser.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2015, MmeD..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la commune de Coursan à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices subis, et que soit mise à la charge de la commune de Coursan la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, faute pour le maire de produire la délibération du conseil municipal l'autorisant à ester en justice ;

- le préjudice subi est anormal et spécial ;

- la perte financière est directement liée à l'arrêté d'interdiction de circulation ;

- le montant de 300 000 euros réclamé est parfaitement justifié.

Un courrier du 4 juin 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 11 août 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pocheron,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que la commune de Coursan relève appel du jugement en date du 11 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser la somme de 56 000 euros à Mme D...en réparation du préjudice causé à l'exploitation de son restaurant sis sur la RD 6009 à Narbonne du chef de l'interdiction de la circulation des poids lourds de 7,5 tonnes et plus à l'intérieur de l'agglomération de Coursan décidée par un arrêté du maire du 9 mai 2012, modifié le 5 juillet 2012 ;

Sur la responsabilité sans faute de la commune de Coursan :

2. Considérant que les mesures légalement prises, dans l'intérêt général, par les autorités de police, peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques au profit des personnes qui, du fait de leur application, subissent un préjudice anormal et spécial ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'application des arrêtés du maire de Coursan des 9 mai et 5 juillet 2012 interdisant la circulation des poids lourds de 7,5 tonnes et plus à l'intérieur de l'agglomération et prévoyant un itinéraire de substitution par l'autoroute A 9 entre les échangeurs de Béziers-Ouest et Narbonne-Sud a provoqué une forte diminution de la clientèle du restaurant routier " La Marmite " exploité depuis le 21 avril 2006 par Mme D... ; que cet établissement était spécialement aménagé pour l'accueil des chauffeurs routiers grâce notamment à l'édification d'un parc de stationnement adapté aux caractéristiques des véhicules poids lourds ; que le tribunal, qui a jugé les arrêtés en cause légaux, en a tiré la conséquence que le dommage subi par Mme D...revêtait un caractère anormal et spécial ; qu'en écartant le moyen soulevé par la commune de Coursan tiré de l'existence de quatre autres restaurants de même catégorie sur la RD 6009 comme non établi, il n'a pas, ainsi, mis à la charge de la commune le soin de démontrer que le préjudice de l'intéressée ne serait pas spécial ; que la circonstance que l'aménagement destiné à accueillir des poids lourds n'a pas été réalisé par Mme D...est sans incidence sur le caractère spécial dudit aménagement ; que si les arrêtés litigieux ne rendent pas impossible l'accès des poids lourds au restaurant " La Marmite " au prix d'un allongement de trajet qualifié de léger par la commune, il ressort des documents comptables que l'exploitation de l'établissement, bénéficiaire jusqu'en 2011, est devenue déficitaire de manière croissante en 2012 et 2013 et qu'il ne résulte pas de l'instruction d'autre motif à cette diminution de l'activité que l'interdiction de circulation en cause ; que la commune n'établit pas, par les documents qu'elle produit en appel, que quatre autres restaurants également situés sur la RD 6009 auraient un parking suffisant pour y accueillir des poids lourds de plus de 7,5 tonnes ; qu'il ressort en revanche de ces mêmes documents que ces établissements ne sont pas des restaurants routiers comme celui de Mme D... ; que si le risque d'une baisse de fréquentation du restaurant " La Marmite " ne pouvait être exclu par l'intimée à la date de l'acquisition du fonds de commerce le 21 avril 2006, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que l'intéressée ne pouvait raisonnablement prévoir que l'exploitation de son restaurant, sis à Narbonne, le long d'une voie départementale sur laquelle la circulation des poids lourds est autorisée, serait affectée de manière aussi importante par l'effet d'une mesure d'interdiction de circulation de ce type de véhicules à l'intérieur de l'agglomération de Coursan, et a limité de ce fait l'exonération de la commune de sa responsabilité à 40 % ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, la commune de Coursan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser la somme de 56 000 euros en réparation de son préjudice ;

Sur les conclusions incidentes de MmeD... :

5. Considérant que Mme D...n'apporte à l'appui desdites conclusions aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation qui a été portée à bon droit par les premiers juges sur l'évaluation de son préjudice ; que, par suite, les conclusions sus-analysées doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Cousan le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens ;

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que MmeD..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Coursan la somme que celle-ci réclame au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : La requête de la commune de Coursan est rejetée.

Article 2 : La commune de Coursan versera à Mme D...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme D...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Coursan et à Mme C... D...néeA....

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Marchessaux, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 19 octobre 2015.

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N° 14MA03937


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03937
Date de la décision : 19/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP PECH DE LACLAUSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-19;14ma03937 ?
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