Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite de rejet de la commune de Grambois résultant du silence gardé sur sa demande tendant à la réalisation de travaux de réfection et d'entretien du chemin du Jas de Ripert, d'enjoindre à la commune de Grambois de mettre en oeuvre les travaux de remise en état dudit chemin, de condamner la commune de Grambois à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices résultant du défaut d'entretien de ce chemin et, subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins notamment de déterminer si ledit chemin est affecté à l'usage du public.
Par un jugement n° 1202649, du 21 février 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 23 avril 2014 et le 10 mars 2015, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 février 2014 ;
2°) d'annuler le refus implicite de la commune ;
3°) d'enjoindre à la commune de réaliser les travaux demandés dans le mois de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par semaine de retard ;
4°) de condamner la commune de Grambois à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant du défaut d'entretien du chemin ;
5°) subsidiairement d'ordonner une expertise avec mission pour l'expert de déterminer le caractère du chemin de Ripert et de donner les éléments permettant d'apprécier son préjudice ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Grambois la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'entretien de ce chemin communal incombe à la commune dès lors que ce chemin est affecté à l'usage du public, ouvert à la circulation générale et effectivement emprunté sans limitation par les riverains, les randonneurs et les services départementaux ;
- il n'est pas identifié au cadastre comme une propriété foncière ;
- les actes notariés font état d'un chemin communal ;
- les prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendies de forêt imposent à la commune l'aménagement et l'entretien des voies d'accès alors que son habitation est classée en zone rouge ;
- l'absence de classement ne fait pas obstacle à la qualification de chemin communal dès lors que le chemin est, de fait, affecté à l'usage du public ;
- le défaut de classement n'est pas établi ;
- ce chemin figure tel quel et sous le même nom au cadastre napoléonien et est donc répertorié depuis le 19ème siècle comme public et vicinal ;
- le refus critiqué méconnaît l'article L. 161-5 du code rural ;
- le chemin a été viabilisé par la commune ;
- elle a dû acquérir un véhicule adapté et s'organiser pour limiter son isolement mais se trouve plongée dans une situation d'angoisse du fait des atermoiements de la commune.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés le 22 juillet 2014 et le 27 juillet 2015, la commune de Grambois conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 588 euros soit mise à la charge de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour se prononcer sur le litige qui concerne un chemin privé qui ne lui appartient pas ;
- les autres moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 28 juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 17 août 2015.
Mme A...a produit un nouveau mémoire le 21 septembre 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la voirie routière ;
- la loi du 20 août 1881 relative au code rural ;
- l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeE..., première conseillère,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant MmeA..., et de MeB..., substituant la SELARL Pezet Perez, représentant la commune de Grambois.
1. Considérant que Mme A...est propriétaire de trois parcelles cadastrées section C n° 250, 251 et 432, situées sur le territoire de la commune de Grambois, dans le quartier du Jas de Ripert, sa maison d'habitation se trouvant sur la parcelle n° 432 ; que pour accéder à ces parcelles, elle est contrainte d'emprunter le chemin du Jas de Ripert ; que ce chemin n'étant pas entretenu, elle a demandé à la commune de Grambois d'y réaliser les travaux de réfection et d'entretien qu'elle estime nécessaires pour maintenir l'accessibilité de son domicile ; qu'elle relève appel du jugement du 24 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande, qui tendait à l'annulation du refus implicite du maire de la commune de donner suite à sa demande et à l'indemnisation des conséquences préjudiciables de ce refus ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Considérant que si, dans l'état initial de ses écritures, la commune a excipé de l'incompétence de la juridiction administration, le présent litige ne porte pas sur la propriété ou sur la possession totale ou partielle d'une voie mais sur la contestation du refus de la commune d'entretenir un chemin et sur la réparation du préjudice subi du fait du défaut d'entretien de ce chemin ; qu'il relève de la compétence de la juridiction administrative, compétente pour apprécier la légalité d'un refus d'exécuter des travaux publics et pour se prononcer sur la réparation des préjudices découlant d'un tel refus ;
Sur le refus de la commune de Grambois de procéder à des travaux de réfection et d'entretien du chemin du Jas de Ripert :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes qu'aux termes de l'article L. 141-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales " ; qu'aux termes de l'article L. 141-3 du même code : " Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal " ; qu'aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales, dans sa rédaction alors applicable : " Deviennent voies communales les voies qui, conformément à la législation en vigueur à la date de la présente ordonnance, appartiennent aux catégories ci-après : / 1° Les voies urbaines ; / 2° Les chemins vicinaux à l'état d'entretien ; le préfet établira, à cet effet, dans un délai de six mois, la liste par commune des chemins vicinaux à l'état d'entretien ; / 3° Ceux des chemins ruraux reconnus, dont le conseil municipal aura, dans un délai de six mois, décidé l'incorporation ; cette délibération pourra être prise sans enquête publique. " ; qu'aux termes de l'article 12 de la même ordonnance : " Les chemins vicinaux et les chemins ruraux reconnus autres que ceux visés à l'article 9 sont incorporés de plein droit à la voirie rurale de la commune. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 20 août 1881 relative au code rural, applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 janvier 1959 : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage public, qui n'ont pas été classés comme chemins vicinaux " ; qu'aux termes de l'article 4 de cette loi : " Le conseil municipal peut, sur la proposition du maire, déterminer ceux des chemins ruraux qui devront être l'objet des arrêtés de reconnaissance (...) " ;
4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le chemin desservant la propriété de MmeA..., qui existait avant 1959, ait fait l'objet, antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 janvier 1959, d'un arrêté de reconnaissance en vertu des dispositions précitées de la loi du 20 août 1881 ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ce chemin, qui n'est pas situé en agglomération, ait fait l'objet de l'une des procédures de classement prévues par l'article 9 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ; qu'ainsi il ne peut être regardé comme faisant partie du domaine public routier communal ; que si Mme A... se prévaut des mentions reproduites sur plusieurs actes notariées, selon lesquelles on accède à la parcelle " depuis le chemin communal le Jas de Ripert ", les énonciations faites par les parties dans un acte authentique de vente et ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l'officier public peuvent faire l'objet de la preuve contraire ; qu'en l'espèce, la commune de Grambois démontre que le chemin n'a pas été classé parmi les chemins communaux ; qu'à cet égard, la circonstance que le bulletin municipal de la commune de Grambois fasse état de la mise à jour du classement des chemins communaux ne permet pas de considérer que le chemin du Jas de Ripert soit au nombre des chemins concernés, pas plus que la mention de ce chemin, tel quel et sous cette dénomination, au cadastre napoléonien ; que les énonciations cadastrales respectivement invoquées d'ailleurs par chacune des parties dans un sens qu'elles pensent favorable à leurs prétentions ne sauraient constituer par elles-mêmes un titre de propriété ou un élément probant quant à la nature du chemin, eu égard à la portée fiscale de ce document ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le chemin litigieux serait une voie communale que la commune serait tenue d'entretenir en vertu des dispositions de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'existe pas, pour les communes d'obligation d'entretien des chemins d'exploitation qui appartiennent à des particuliers ; qu'en toute hypothèse, les communes ne peuvent davantage être tenues à l'entretien des chemins ruraux sur lesquels elles n'auraient pas, postérieurement à leur incorporation dans la voirie rurale, exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté, en fait, d'en assurer l'entretien ;
8. Considérant que si Mme A...soutient que la commune de Grambois aurait viabilisé et entretenu le chemin en litige, elle ne l'établit pas ; que la circonstance que certains chemins vicinaux, puis certains chemins ruraux aient, à diverses époques, fait l'objet de campagnes d'entretien n'est pas de nature à démontrer que ces campagnes aient effectivement porté sur le chemin en cause, qui n'est pas mentionné sur les documents produits ; que la circonstance que ce chemin ait été viabilisé à une époque indéterminée n'est pas davantage de nature à démontrer que la commune de Grambois serait à l'origine de ces travaux, alors même qu'ils revêtent une certaine ampleur ; que, dans ces conditions, la commune de Grambois ne peut être regardée comme ayant accepté, en fait, d'assurer l'entretien du chemin du Jas de Ripert ; qu'il en résulte que, sans qu'il soit besoin de déterminer si le chemin en cause présente la nature d'un chemin rural ou d'un chemin d'exploitation, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la commune aurait été tenue de l'entretenir du fait de travaux exécutés antérieurement ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de l'examen du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendies de forêt de la commune de Grambois que les obligations d'entretien mises à la charge de la commune par ce document portent sur divers chemins au nombre desquels ne figure pas le chemin en litige ; qu'ainsi l'appelante ne peut invoquer utilement ce document à l'appui de sa contestation de la légalité du refus qui lui a été opposé ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. " ; qu'aux termes de l'article D. 161-10 du même code : " Dans le cadre des pouvoirs de police prévus à l'article L. 161-5, le maire peut, d'une manière temporaire ou permanente, interdire l'usage de tout ou partie du réseau des chemins ruraux aux catégories de véhicules et de matériels dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces chemins, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art. " ; qu'aux termes de l'article D. 161-11 du même code : " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence. / Les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction et sans préjudice des poursuites qui peuvent être exercées contre lui. " ;
11. Considérant que, s'il appartient au maire de faire usage de son pouvoir de police afin de réglementer et, au besoin, d'interdire la circulation sur les chemins ruraux et s'il lui incombe de prendre les mesures propres à assurer leur conservation, ces dispositions n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge des communes une obligation d'entretien de ces voies ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus critiqué méconnaîtrait l'obligation, qui découlerait de ces dispositions, d'assurer l'entretien du chemin rural ne peut, et quelle que soit la nature du chemin en cause, qu'être écarté ;
12. Considérant, que, dans ces conditions et pour les motifs exposés aux points précédents, le rejet implicite de la demande d'entretien du chemin présentée par l'appelante n'est pas entaché d'illégalité ;
Sur les conclusions indemnitaires :
13. Considérant que, pour les motifs exposés ci-dessus, la responsabilité de la commune de Grambois n'est pas susceptible d'être engagée pour défaut d'entretien normal du chemin du Jas de Ripert ; que le refus critiqué ne contrevient pas aux prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'incendies de forêt de la commune de Grambois ; que si l'appelante soutient que les préjudices dont elle se prévaut sont la conséquence du mauvais état du chemin, elle n'établit pas que ces préjudices, à les supposer établis, seraient la conséquence du défaut d'adoption par le maire des mesures de police ou de conservation relevant de sa compétence en application des dispositions de l'article L. 161-5 du code rural ; que ses conclusions indemnitaires ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de la décision implicite de la commune de Grambois refusant de réaliser les travaux de réfection et d'entretien du chemin en litige ainsi que celles relatives à la condamnation de ladite commune, n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ou de nouvelles mesures d'instruction, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Grambois, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une quelconque somme à Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que la commune de Grambois a présentées sur le même fondement ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Grambois tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et à la commune de Grambois.
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N° 14MA01792
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