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08/10/2015 | FRANCE | N°13MA02255

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 08 octobre 2015, 13MA02255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Société Investissements Immobiliers a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1101338 du 26 mars 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Société Investissements Immobiliers a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1101338 du 26 mars 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2013, la SARL Société Investissements Immobiliers représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sur l'existence de la clause de retour à meilleure fortune, l'abandon de compte courant est indissociable de cette clause, qui est justifiée par une lettre de M. A...et par le procès-verbal d'assemblée générale du 29 juin 2001 ;

- il incombe à l'administration de démontrer que l'abandon de compte courant n'était pas assorti d'une clause de retour à meilleure fortune ;

- la majoration pour manquement délibéré ne peut lui être appliquée s'agissant d'une divergence d'analyse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2013, le ministre de l'économie et des finances a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que :

- s'agissant de la clause de retour à meilleure fortune, un abandon de créance assorti d'une clause de retour à meilleure fortune s'analyse comme une convention caractérisée par l'extinction de l'obligation de l'entreprise débitrice sous condition résolutoire ; l'acte sous seing privé daté du 28 décembre 2000 présenté lors du contrôle est une déclaration unilatérale qui n'engage que M.A... ; que le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire de la requérante du 29 juin 2001présenté devant le tribunal n'a pas date certaine ; rien ne démontre ainsi que la requérante ait été régulièrement informée de l'existence d'une clause de retour à meilleure fortune en contrepartie de l'abandon de créance ;

- conformément aux articles 39-1 et 54 du code général des impôts, la comptabilité du contribuable vérifié doit être accompagnée des pièces justificatives destinées à permettre le contrôle de la réalité des frais et charges portés en déduction du bénéfice imposable ; même en cas de saisine de la commission départementale des impôts directs, le contribuable reste tenu de justifier du principe et du montant des charges déductibles ; en l'espèce, la requérante n'a pas satisfait à son obligation de justification prévue à l'article 39-1 du code général des impôts dès lors que la déclaration de M. A...n'est pas opposable à l'administration ;

- la société requérante ne pouvait ignorer qu'elle n'était tenue en droit à aucun versement au bénéfice de son dirigeant à défaut d'une convention leur étant opposable et que ce même dirigeant ne pouvait ignorer qu'il bénéficiait ainsi d'un avantage indu ; l'administration apporte ainsi la preuve qui lui incombe du caractère délibéré du manquement reproché à la requérante.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Markarian,

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la SARL Société Investissements Immobiliers.

1. Considérant que la SARL Société Investissements Immobiliers (SII), dont le gérant était M.A..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2004 à 2006 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés procédant de la réintégration à son bénéfice imposable d'abandons de créances avec clause de retour à meilleure fortune regardés comme non déductibles à hauteur de 386 888,56 euros au titre de l'exercice 2005 et à hauteur de 1 663 111,44 euros au titre de l'exercice 2006 ; que la SARL SII relève appel du jugement du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

3. Considérant que la circonstance que la commission départementale des impôts directs saisie par la requérante a émis un avis favorable à la décharge des impositions en cause n'est pas de nature à déroger à ces principes, contrairement à ce que soutient la SARL SII, et à exiger de l'administration fiscale qu'elle justifie du caractère non déductible d'une charge ; qu'en outre, la SARL SII ne peut, pour soutenir que l'administration supporte seule la charge de la preuve, se prévaloir du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures qui vise l'hypothèse, qui n'est pas celle du présent litige, du rejet de la comptabilité d'une entreprise comportant de graves irrégularités ;

4. Considérant pour autant qu'il résulte de l'instruction que par une " déclaration " faite le 28 décembre 2000, M.A..., gérant et associé de la SARL SII, a consenti à cette dernière un abandon de compte courant à hauteur de 13 447 118 francs compte tenu des difficultés de trésorerie de la société ; que cette " déclaration " mentionnait expressément que cet abandon de créance, dont l'administration fiscale n'a pas contesté qu'il se rattachait à une gestion normale de l'entreprise, ne remettait pas en cause l'obligation de la société débitrice vis-à-vis de son gérant et associé créancier en cas de retour à meilleure fortune ; que l'assemblée générale ordinaire de la SARL SII a approuvé, le 29 juin 2001, par sa quatrième résolution, cet abandon de compte courant fait par M. A...au profit de la société assorti d'une clause de retour à meilleure fortune, manifestant ainsi son plein accord au sujet de l'opération ; qu'étant revenue à meilleure fortune, la SARL SII a constaté une charge exceptionnelle et a remboursé l'abandon de créance ainsi consenti à M. A...à raison de 386 888,56 euros et 1 663 111,44 euros au titre de chacun des exercices clos en 2005 et 2006 ;

5. Considérant que la déclaration de M. A...et le procès-verbal d'assemblée de la société, alors même que cette dernière pièce n'aurait été produite que devant le tribunal, permettent d'établir l'accord de volonté des parties et l'engagement contractuel pris par la SARL SII de rembourser à son gérant associé la créance abandonnée par celui-ci ; que la créance détenue par M. A...est devenue certaine dans son principe et dans son montant compte tenu de la réalisation dès 2005 de la condition de retour à meilleure fortune posée par cet engagement contractuel sans que puisse être utilement opposé par l'administration fiscale à cette opération le formalisme prévu par les articles L. 225-38 à L. 225-40 du code de commerce, dont la loi fiscale ne fait pas une condition de déductibilité de l'abandon de créance ; que, par suite, les charges résultant pour la SARL SII du remboursement à M. A...des créances abandonnées par ce dernier à son profit, et dont le fait générateur est constitué par le retour à meilleure fortune, sont déductibles des résultats de la SARL SII ; qu'ainsi l'administration fiscale n'était pas fondée à réintégrer dans les bases de l'impôt sur les sociétés de la SARL SII les sommes de 386 888,56 euros et 1 663 111,44 euros au titre de chacun des exercices clos en 2005 et 2006 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL SII est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 à raison de la réintégration des sommes de 386 888,56 euros et de 1 663 111,44 euros dans les résultats de ces exercices, ainsi que, par voie de conséquence, les pénalités dont ont été assorties ces impositions supplémentaires ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par la SARL SII et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1101338 du 26 mars 2013 est annulé.

Article 2 : La SARL SII est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 à raison de la réintégration des sommes de 386 888,56 euros (trois cent quatre-vingt-six mille huit cent quatre-vingt-huit euros et cinquante-six centimes) et de 1 663 111,44 euros (un million six cent soixante-trois mille cent onze euros et quarante-quatre centimes) dans les résultats de ces exercices, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL SII la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Société Investissements Immobiliers et au ministre des finances et des comptes publics

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré à l'issue de l'audience du 17 septembre 2015, où siégeaient :

M. Bédier, président,

Mme Paix, président-assesseur,

Mme Markarian, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2015.

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N° 13MA02255 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02255
Date de la décision : 08/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-02-01-06-01-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Établissement de l'impôt. Bénéfice réel. Commission départementale.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : SFEG AVOCATS SCP DELBOSC CLAVET BLANC BARNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-08;13ma02255 ?
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