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01/10/2015 | FRANCE | N°13MA03630

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 01 octobre 2015, 13MA03630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1102124 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la SARL Sensation tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 janvier 2011 par lequel le maire de la commune de Saint-Tropez a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la reconstruction d'un hôtel situé sur le territoire de la commune, ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux du 21 mars 2011.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requ

ête enregistrée le 4 septembre 2013, la SARL Sensation représentée par Me Guin, avoca...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1102124 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la SARL Sensation tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 janvier 2011 par lequel le maire de la commune de Saint-Tropez a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la reconstruction d'un hôtel situé sur le territoire de la commune, ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux du 21 mars 2011.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2013, la SARL Sensation représentée par Me Guin, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 juillet 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 6 janvier 2011 portant refus de permis de construire ;

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir ;

- la requête de première instance était recevable ;

- la motivation de l'arrêté attaqué revêt un caractère singulier en la forme, inhabituel, incompréhensible et contradictoire et en tout état de cause, insusceptible de fonder utilement le refus de permis de construire en cause ; elle mêle les motifs et les visas ; le maire de la commune prétend ignorer l'objet de la demande alors même que le dossier a été complété suite aux demandes du service instructeur, lesquelles excédaient le cadre légal et réglementaire ; la motivation n'explique pas en quoi le projet serait de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt paysager du site ; le service instructeur n'avait pas à s'interroger sur les bâtiments nouvellement réalisés et ne figurant pas au plan de masse, d'autant plus que ces bâtiments ne constituaient pas l'objet de la demande et qu'ils avaient été édifiés conformément au permis de construire délivré le 29 décembre 2008 ;

- le motif sur les considérations paysagères est entaché d'erreur d'appréciation ; il est incohérent dans sa formulation ; il n'est fondé sur aucune disposition du règlement du plan d'occupation des sols ; il est en contradiction avec le permis de construire du 29 décembre 2008 qui avait autorisé un placage de façades en pierres calcaire identique à celui projeté ; l'obligation de substituer le schiste au calcaire n'a aucun fondement juridique ;

- l'arrêté en litige est entaché de détournement de pouvoir ; les motifs de refus sont en fait de pure opportunité, n'ayant pour finalité réelle que de l'obliger à renoncer à réaliser certains bâtiments pourtant autorisés par le permis de construire précité ; preuve en est le courrier du maire en date du 3 février 2011 la menaçant d'un arrêté interruptif de travaux pour l'obliger à effectuer la démolition de deux suites d'hôtel et les déclarations du maire à l'assemblée générale extraordinaire de l'association pour la protection des sites naturels et historiques de Saint-Tropez, annonçant un refus de permis de construire ;

- elle est recevable à demander à la cour le retrait de l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France dès lors que cet avis ne lui a pas été notifié, que la décision attaquée ne comporte pas la mention des voies et délais de recours et qu'elle n'a eu connaissance de cet avis défavorable que lors de la notification de la décision contestée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2014, la commune de Saint-Tropez, représentée par son maire en exercice, par Me Capiaux, avocat, conclut à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire, à son rejet au fond et à la condamnation de la SARL Sensation à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la SARL Sensation n'ayant pas formé de recours administratif préalable à l'encontre de l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, n'était pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre la décision de refus permis de construire querellée ;

- les moyens soulevés par la SARL Sensation ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 16 juillet 2015.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Féménia, première conseillère ;

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., substituant Me Guin, représentant la SARL Sensation.

Une note en délibéré présentée par la SARL Sensation a été enregistrée le 10 septembre 2015.

1. Considérant que par arrêté en date du 6 janvier 2011, le maire de Saint Tropez a refusé de délivrer un permis de construire à la société Sensation pour la régularisation de travaux de démolition et de reconstruction de l'hôtel du Levant situé sur un terrain cadastré AP 16/AP 17/AP 18/ AP 19/ AP20 /AP 21 au lieu-dit " les Cannebiers ", dans le site inscrit de la presqu'île de Saint-Tropez ; que la société Sensation relève appel du jugement du 4 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation dudit arrêté, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux du 21 mars 2011.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " En cas de refus de permis ou d'opposition à une déclaration préalable fondés sur une opposition de l'architecte des Bâtiments de France, le demandeur peut, en application (...), du cinquième alinéa de l'article L. 621-31 (...) dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision." ; qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 621-31 du code du patrimoine : " En cas de désaccord (...) du pétitionnaire avec l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France, le représentant de l'Etat dans la région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France. Le recours du pétitionnaire s'exerce à l'occasion du refus d'autorisation ou de l'opposition à la déclaration préalable. Si le représentant de l'Etat exprime son désaccord à l'encontre de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, le maire ou l'autorité administrative compétente peut délivrer le permis de construire, le permis de démolir ou le permis d'aménager initialement refusé ou ne pas s'opposer à la déclaration préalable. En l'absence de décision expresse du représentant de l'Etat dans la région dans le délai de deux mois à compter de sa saisine par le maire, l'autorité administrative compétente ou le pétitionnaire, le recours est réputé admis. " ; qu'aux termes de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition " ; qu'aux termes de l'article R. 425-30 du même code : " Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. / La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l'architecte des Bâtiments de France " ; qu'aux termes de l'article R. 425-18 du même code : " Lorsque le projet porte sur la démolition d'un bâtiment situé dans un site inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement, le permis de démolir ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès de l'architecte des Bâtiments de France. " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 15 février 1966 pris par le ministre d'Etat chargé des affaires culturelles : " est inscrite sur l'inventaire des sites pittoresques des départements du Var la presqu'île de Saint Tropez, située sur les communes de Saint-Tropez, Gassin, Ramatuelle et la Croix-Valmer (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, d'une part, lorsque la démolition d'un bâtiment situé dans un site inscrit est nécessaire à une opération de construction et que la demande de permis de construire porte à la fois sur la démolition et la construction, le permis de construire, qui autorise également la démolition, ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès de l'architecte des Bâtiments de France ; que lorsque la demande de permis de construire porte à la fois sur la démolition et sur la construction et que les documents qui y sont joints présentent de manière complète les deux volets de l'opération, l'avis de l'architecte des Bâtiments de France exigé par les articles R. 425-18 et R. 425-30 du code de l' urbanisme doit être regardé comme portant sur l'ensemble de l'opération projetée, sans qu'il soit nécessaire que cet avis mentionne expressément la démolition ; que d'autre part, un pétitionnaire n'est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision de refus d'un permis de construire faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France sur cette demande de permis, s'il n'a pas, préalablement, saisi le préfet de région, selon la procédure prévue aux articles L. 621-31 du code du patrimoine et R. 424-14 du code de l'urbanisme, d'une contestation de la position ainsi prise au regard de la protection d'un site inscrit ; qu'en outre, la régularité et le bien-fondé de l'avis de l'architecte des bâtiments de France ou, le cas échéant, de la décision du préfet de région ne peuvent être contestés qu'à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de refus du permis de construire et présenté par une personne ayant un intérêt pour agir ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier joint à la demande de permis de construire, qu'en application de l'article L. 451-1 précité du code de l'urbanisme, l'opération projetée porte à la fois sur la démolition partielle d'un établissement hôtelier et sur la réalisation d'un ensemble de constructions ; que le projet considéré étant situé dans le site inscrit de la presqu'île de Saint-Tropez, l'architecte des bâtiments de France saisi en application des articles R. 425-18 et R. 425-30 du code de l' urbanisme, a émis, le 28 octobre 2010, un avis défavorable sur l'ensemble de l'opération au motif notamment que le projet serait de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt paysager du site ; qu'un tel avis négatif, en tant qu'il a été rendu sur le fondement des dispositions de l'article R. 425-18 précité, s'imposait à l'autorité décisionnaire ; qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que, préalablement à l'exercice de son recours juridictionnel devant le tribunal de Toulon, la SEARL Sensation n'a pas saisi le préfet d'un recours administratif préalable contre l'avis de l'architecte des bâtiments de France comme l'imposent les dispositions précitées du code de l'urbanisme ; que s'il ressort des pièces du dossier que d'une part, cet avis de l'architecte des bâtiments de France n'a pas été porté à la connaissance du pétitionnaire et que la notification de la décision de refus de permis de construire n'a pas été effectuée avec la mention des voies et délais de recours ouverts à son encontre, ces circonstances, qui ont fait obstacle à ce que le délai de deux mois prévu par l'article R. 424-14 précité du code de l'urbanisme pour contester l'avis devant le préfet soit opposable, sont par elles-mêmes sans incidence sur l'irrecevabilité de la demande présentée par la société Sensation devant le tribunal administratif de Toulon ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'ainsi que le soutient la commune de Saint-Tropez en défense, la demande de la SARL Sensation devant le tribunal administratif de Toulon était irrecevable ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la SARL Sensation n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2011 lui refusant un permis de construire valant permis de démolir ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de ces dispositions : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Saint-Tropez, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la société Sensation quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sensation, le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Tropez, au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Sensation devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : La société Sensation versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à la commune de Saint-Tropez, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sensation et à la commune de Saint-Tropez.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Josset, présidente assesseure,

Mme Féménia, première conseillère.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2015.

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N° 13MA03630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03630
Date de la décision : 01/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Permis de démolir. Procédure d'octroi.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Jeanette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : GUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-01;13ma03630 ?
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