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29/09/2015 | FRANCE | N°15MA00817

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2015, 15MA00817


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 21 juillet 2014 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " membre de famille de ressortissant européen " d'une durée de 5 ans dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1403627 du 1

3 novembre 2014, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté, enjoint au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 21 juillet 2014 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " membre de famille de ressortissant européen " d'une durée de 5 ans dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1403627 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté, enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. C...dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, mis à sa charge la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2015, M.C..., représenté par Me D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'injonction ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " membre de famille de ressortissant européen " d'une durée de 5 ans ou à titre subsidiaire un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me D...en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'en tant que parent d'un ressortissant de l'Union mineur dont il assume la charge, il est en droit, sur le fondement des articles 10 et 11 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 et de l'article 20 du traité de l'Union, de prétendre au bénéfice d'une carte de séjour portant la mention " membre de famille d'un ressortissant communautaire ".

Par ordonnance du 2 juin 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2015.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 janvier 2015.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C- 200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E...a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.C..., ressortissant marocain titulaire d'une carte de séjour délivrée par l'Espagne valable jusqu'en 2016, est arrivé en France en 2012, avec son épouse, marocaine, et ses deux enfants dont l'aîné, B..., né le 21 août 2007 est espagnol ; que son épouse s'est vu délivrer une carte de séjour " ressortissant de l'UE ou membre de famille " valable jusqu'en novembre 2013, puis une carte de séjour en qualité de salarié valable jusqu'en 2015 ; que M. C...ayant sollicité son admission au séjour le 8 avril 2014, il s'est vu opposer, par un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 21 juillet 2014, un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il a saisi le tribunal administratif de Nice qui, par jugement du 13 novembre 2014, a annulé cet arrêté mais a refusé de faire droit aux conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " membre de famille de ressortissant européen " d'une durée de 5 ans au motif que le motif d'annulation retenu ne justifiait pas le prononcé d'une telle injonction ; que M. C...relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'injonction ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres: a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. " ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé " Droit de séjour de plus de trois mois " : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois: [...] b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil [...] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) " ; que ces dispositions combinées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, aux ressortissants d'un Etat tiers, parents de ce mineur et qui en assument la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que les parents qui en assument la charge disposent de ressources suffisantes ; que l'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à ses parents, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie ;

3. Considérant que la jouissance effective du droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil par un citoyen de l'Union mineur implique nécessairement le droit pour celui-ci d'être accompagné par les personnes qui en assurent effectivement la garde ; que M. C...tire ainsi de sa qualité de père d'un enfant mineur, citoyen de l'Union, le droit de séjourner en France, Etat membre d'accueil, sous la double condition de disposer de ressources suffisantes et d'une couverture d'assurance maladie appropriée ;

4. Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que M. et Mme C...et leurs enfants disposent d'une couverture d'assurance maladie ; qu'il n'est pas contesté que Mme C... travaille, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée ; que les pièces du dossier font apparaître que ses revenus mensuels moyens s'élèvent à la somme de 1 220 euros environ, de sorte que le foyer dispose de ressources suffisantes pour ne pas être regardé comme faisant peser une charge déraisonnable sur les finances publiques françaises ; qu'au surplus, M. C...a versé aux débats son bulletin de salaire du mois de juillet 2014, faisant apparaître un revenu net mensuel de 2 285 euros ; qu'il suit de là que M. C...est, en sa qualité de père d'un enfant mineur, citoyen de l'Union, en droit de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : "carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

6. Considérant que, compte tenu de la durée du séjour envisagée pour le jeune B...et de la détention, par Mme C...d'un contrat à durée indéterminée, la reconnaissance d'un droit au séjour à M. C...en sa qualité de père d'un enfant mineur, citoyen de l'Union impliquait nécessairement qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à l'intéressé une " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " d'une durée de validité de cinq ans ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un tel titre ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de droit ou de fait de l'intéressé ait évolué depuis, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à la délivrance du titre sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

8. Considérant enfin qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation (...) " ; que, par application de ces dispositions, il y a lieu de condamner l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, à verser à Me D... une somme de 2 000 euros, ce versement emportant renonciation de la part de cette dernière à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 13 novembre 2014 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'injonction de M.C....

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. C... une " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " d'une durée de validité de cinq ans dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3: L'Etat versera à Me D...la somme de 2 000 (deux mille) euros, en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Me D...renoncera, si elle recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressé au ministre des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Chanon, premier conseiller,

- MmeE..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

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N° 15MA00817

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00817
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : OLOUMI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-09-29;15ma00817 ?
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