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26/06/2015 | FRANCE | N°14MA01548

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 26 juin 2015, 14MA01548


Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2015 au greffe de la Cour, sous le n° 14MA01548, présentée pour la commune de Sanary-sur-Mer, représentée par son maire en exercice, par MeA... ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201353 du 6 février 2014 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a annulé l'arrêté en date du 26 mars 2012 par lequel le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a accordé à la SAS du Casino de Sanary-sur-Mer l'autorisation d'ouvrir au public des locaux où peu

vent être pratiqués des jeux de hasard ;

2°) de rejeter la demande présentée ...

Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2015 au greffe de la Cour, sous le n° 14MA01548, présentée pour la commune de Sanary-sur-Mer, représentée par son maire en exercice, par MeA... ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201353 du 6 février 2014 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a annulé l'arrêté en date du 26 mars 2012 par lequel le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a accordé à la SAS du Casino de Sanary-sur-Mer l'autorisation d'ouvrir au public des locaux où peuvent être pratiqués des jeux de hasard ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAS Grand Casino de Bandol devant le tribunal administratif de Toulon ;

Elle soutient que :

- le ministre de l'intérieur ayant pris en parallèle deux arrêtés portant autorisation d'exploiter des jeux à Sanary-sur-Mer et à La Seyne-sur-Mer, a nécessairement pris en compte la particularité de cette situation, et l'antériorité du dossier d'autorisation du casino de Sanary-sur-Mer sur le projet de casino de La Seyne-sur-Mer n'obligeait pas à la prise en compte formelle de l'impact éventuel de ce nouveau projet apparu tardivement en cours de procédure ;

- les premiers juges ont omis de répondre aux trois moyens tirés de la motivation du recours du groupe Partouche visant à restreindre la concurrence alors qu'en 2006 il avait une position différente sur la rentabilité du casino de Sanary-sur-Mer, de la théorie du bilan qui prônait le maintien de l'autorisation litigieuse, et de l'irrecevabilité des moyens nouveaux invoqués en cours d'instance tirés de l'irrégularité de l'enquête administrative, de l'avis définitif du conseil municipal, de l'avis de la commission consultative des jeux et de la requalification de l'arrêté contesté en arrêté de retrait ;

- le dossier mentionne que les deux arrêtés ont été pris concomitamment, les études d'impact conjointes sont prohibées, et les avis de la commission consultative des jeux ne relèvent d'aucune obligation légale de publication ;

- la concomitance des avis de la commission et des arrêtés ministériels d'autorisation d'exploiter ne résulte que du calendrier retenu par l'administration ;

- l'antériorité du dossier de Sanary-sur-Mer impactait naturellement le dossier de demande d'autorisation d'exploiter le casino de La Seyne-sur-Mer qui, lui seul aurait dû faire l'objet d'une étude d'impact de la nouvelle zone de chalandise ;

- les moyens de première instance tirés de l'impact économique et de l'erreur manifeste d'appréciation seront écartés au motif que l'actionnaire de référence, le groupe Partouche, avait une position très différente quand il était lui-même candidat à la délégation de service public du casino de Sanary-sur-Mer ;

- l'arrêté litigieux n'est ainsi pas entaché d'erreur d'appréciation et l'étude d'impact économique ne saurait être critiquée ;

- la mise en balance des intérêts en présence, selon la théorie du bilan, doit être prise en compte eu égard à l'intérêt général présenté par l'autorisation querellée ;

- le préfet n'a pas à donner suite à un courrier adressé postérieurement à la remise du rapport d'un commissaire-enquêteur ;

- bien que l'avis d'enquête ne porte pas mention de la faculté ouverte, irrégulièrement ou pas, par le préfet du Var au public, d'adresser des observations écrites au commissaire enquêteur et non pas seulement sur le registre, une telle enquête administrative ne relève pas du code de l'environnement, et aucune autre réglementation que l'arrêté du 14 mai 2007 portant réglementation des jeux ne doit être appliquée ; le moyen tiré d'une prétendue méconnaissance par le maire de Sanary-sur-Mer de l'arrêté préfectoral du 4 août 2011 doit dès lors être écarté ;

- l'absence du visa de la délibération du conseil municipal du 22 septembre 2011 sur l'arrêté contesté ne l'entache pas d'illégalité, et n'établit pas que cette délibération n'aurait pas été jointe au dossier ;

- lorsque le conseil municipal a rendu son avis le 22 septembre 2011, le plan local d'urbanisme était toujours en vigueur et le rapport de présentation de la délibération pouvait sans erreur se fonder sur ce document, nonobstant la circonstance qu'il faisait l'objet d'un recours contentieux ;

- le rapport de présentation a bien répondu aux observations relatives à la concurrence entre le projet de casino et les établissements de jeux voisins ;

- le conseil municipal n'avait pas à répondre à chacune des observations figurant au registre d'enquête ;

- il n'est pas établi que la commission consultative des jeux se serait prononcée sur un dossier incomplet ;

- la décision critiquée ne saurait être requalifiée en décision de retrait d'un refus tacite de la demande en date du 29 juin 2011 par le silence gardé pendant plus de quatre mois, aucune disposition n'imposant que la procédure préalable au dépôt d'une demande d'autorisation soit conduite dans un quelconque délai, et les pièces issues de la procédure de demande initiale étant toujours valables au jour de la décision litigieuse ;

- le retrait d'un refus ne requiert pas la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure de demande d'autorisation incluant une nouvelle délibération du conseil municipal ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 septembre 2014 au greffe de la Cour, présenté pour le ministre de l'intérieur par Me C...;

Le ministre demande à la Cour d'accueillir la requête, le rejet de la demande présentée par la SAS Grand Casino de Bandol devant le tribunal administratif de Toulon et que soit mise à la charge de cette SAS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il n'est pas démontré, l'exigence d'une enquête administrative ayant été respectée, que le délai était trop court pour recueillir l'avis des habitants ;

- le moyen tiré de ce qu'il n'est pas sûr que le commissaire enquêteur aurait eu connaissance des arguments d'une association qui s'opposerait au projet est inopérant dès lors qu'il n'est pas contesté que ledit commissaire a recueilli les opinions de ceux qui sont allés le voir et qu'il a tenu des permanences pour cela ;

- la commission consultative des jeux de cercles et de casinos (CCJCC) a été régulièrement saisie, ce que la SAS Grand Casino de Bandol ne pouvait ignorer, son directeur ayant été entendu par ladite commission à propos de sa demande d'extension de son autorisation de jeux et ayant eu connaissance de l'ordre du jour ;

- le ministère a volontairement inscrit les deux demandes pour Sanary-sur-Mer et pour la Seyne-sur-Mer à la même commission afin de pouvoir prendre en compte simultanément les deux dossiers de création sur la même zone de chalandise et de statuer en connaissance de cause ;

- le moyen tiré de la violation de l'article 2 de la loi du 15 juin 1907 est dénué de précision permettant d'en apprécier la portée ;

- la répartition équilibrée de l'offre de jeux de casino sur le territoire en cause ayant été respectée, l'article 1er de l'arrêté ministériel du 14 mai 2007 n'a pas été méconnu ;

- l'offre de jeux dans le département du Var est inférieure à la moyenne nationale, et les démonstrations contraires de la SAS ne sont pas convaincantes ni établies, et sont incohérentes ;

- l'offre est particulièrement faible dans l'Ouest Var ;

- les premiers juges ne pouvaient considérer qu'il n'était pas établi que le ministre de l'intérieur avait pris en compte l'ouverture des deux établissements dans la même zone de chalandise en autorisant l'ouverture de chacun d'entre eux ;

- il n'est pas établi par les documents produits, notamment l'étude de l'agence " Atout France ", que la décision contestée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le législateur, tout en soumettant à une surveillance particulière les jeux autorisés dans les casinos, a entendu que ces activités concourent au développement touristique des communes concernées, ce qui justifie en son principe les autorisations d'ouverture de nouveaux établissements, sans fausser le jeu de la concurrence ;

Vu le courrier du 27 mars 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;

Vu l'avis d'audience adressé le 4 mai 2015 portant clôture d'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 mai 2015 au greffe de la Cour, présenté pour la SAS " Grand Casino de Bandol " par MeB... ;

La société demande à la Cour le rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- l'arrêté du 26 mars 2012 paraît opérer en réalité retrait du rejet tacite intervenu le 28 ou le 29 octobre 2011, et le PLU de Sanary-sur-Mer au vu duquel le conseil municipal a donné un avis favorable au projet de casino a été annulé par jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 octobre 2012 avec effet rétroactif ;

- le jugement attaqué n'a pas eu d'effet positif sur sa situation, la société d'exploitation du casino de La Seyne-sur-Mer ayant obtenu une nouvelle autorisation de jeu ;

- l'enquête administrative est irrégulière ;

- la délibération du conseil municipal du 22 septembre 2011 portant avis définitif n'a pas été jointe au dossier de demande d'autorisation ;

- le rapport transmis aux élus préalablement à cette délibération contrevient à l'article 5 de l'arrêté du 14 mai 2007 ;

- le dossier soumis à la commission consultative des jeux était incomplet ;

- le ministre n'a pas pris en compte l'impact cumulé des deux autorisations concomitantes, et a d'ailleurs été contredit par ses représentants à la commission consultative des jeux ;

- l'étude d'impact économique prétendument effectuée est insuffisante ;

- un plan social se révèle indispensable ;

- partout les casinos exercent leur activité dans un cadre monopolistique ;

Vu l'ordonnance en date du 22 mai 2015 fixant la clôture d'instruction au 29 mai 2015 à 12h, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 15 juin 1907 modifiée réglementant les jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques ;

Vu le décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 modifié ;

Vu le décret n° 2011-252 du 9 mars 2011 ;

Vu l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2015 :

- le rapport de M. Pocheron, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

- et les observations de MeE..., substituant MeA..., pour la commune de Sanary-sur-Mer, celles de MeD..., substituant MeB..., pour la SAS " Grand Casino de Bandol ", et celles de MeC..., pour le ministre de l'intérieur ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la SAS " Grand Casino de Bandol ", enregistrée le 8 juin 2015 ;

1. Considérant que la commune de Sanary-sur-Mer, classée station climatique et de tourisme depuis le 12 mai 1929, et ayant disposé à ce titre d'un établissement de jeux de 1936 à 1952, initiait, en 2002, une procédure pour être à nouveau pourvue d'un tel établissement, à l'issue de laquelle elle obtenait une autorisation ministérielle ; que l'exploitant retenu ayant été déchu du contrat de concession, la commune relançait une procédure de mise en concurrence, et, par délibération du 8 juillet 2009, son conseil municipal adoptait le principe d'une gestion déléguée du casino sous forme de concession ; que, par délibération du 14 avril 2010, ce même conseil élisait comme délégataire la société " Vikings Casino ", et comme exploitant la société d'exploitation du casino de Sanary-sur-Mer ; que, le 21 avril 2011, la commune proche de La Seyne-sur-Mer signait également un contrat de délégation de service public avec le groupe Joa et la société du casino de La Seyne-sur-Mer ; que, le 23 juin 2011, la société d'exploitation du casino de Sanary-sur-Mer engageait la procédure d'autorisation d'exploiter les jeux de hasard, demande approuvée par le conseil municipal le 30 juin suivant ; que le préfet du Var prescrivait par arrêté du 4 août 2011 une enquête publique administrative ouverte du 22 août au 1er septembre 2011 ; que, par délibération du 22 septembre 2011, le conseil municipal de Sanary-sur-Mer rendait un avis favorable à l'autorisation d'exploiter, et, le 6 octobre suivant, la société déposait sa demande d'autorisation auprès du préfet ; que, parallèlement, en ce qui concerne la commune de La Seyne-sur-Mer, le préfet du Var édictait le 15 novembre 2011 un arrêté d'enquête publique ouverte du 28 novembre au 8 décembre 2011, et le conseil municipal rendait un avis favorable à l'autorisation d'exploiter le 20 décembre suivant ; que la commission consultative des jeux de cercle et de casinos (CCJCC), réunie le 31 janvier 2012, a rendu un avis favorable aux deux projets. ; que, par arrêtés du 26 mars 2012, le ministre de l'intérieur a autorisé l'exploitation des jeux dans les casinos de Sanary-sur-Mer et La Seyne-sur-Mer ; que la SAS " Grand Casino de Bandol " a introduit un recours devant le tribunal administratif de Toulon en annulation de l'arrêté du préfet du Var relatif au casino de Sanary-sur-Mer ; que, par le jugement attaqué, en date du 6 février 2014, dont la commune de Sanary-sur-Mer relève appel par la présente requête, ce tribunal en a prononcé l'annulation ;

2. Considérant que la loi susvisée du 15 juin 1907 prévoit en son article 1er que : " Par dérogation à l'article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard et, s'agissant du 1° du présent article, à l'article L. 133-17 du code du tourisme, une autorisation temporaire d'ouvrir au public des locaux spéciaux, distincts et séparés où sont pratiqués certains jeux de hasard peut être accordée, sous les conditions énoncées dans les articles suivants, aux casinos, sous quelque nom que ces établissements soient désignés ... " ; que l'article 2 de cette même loi dispose que : " Les communes dans lesquelles l'article 1er est applicable, les stations dans lesquelles la disposition qui précède est applicable ne pourront en bénéficier que sur l'avis conforme du conseil municipal. Les autorisations seront accordées par le ministre de l'intérieur, après enquête, et en considération d'un cahier des charges établi par le conseil et approuvé par le ministre de l'intérieur. L'arrêté d'autorisation fixe la durée de la concession ; il détermine la nature des jeux de hasard autorisés, leur fonctionnement, les mesures de surveillance et de contrôle des agents de l'autorité, les conditions d'admission dans les salles de jeux, les heures d'ouverture et de fermeture, le taux et le mode de perception du prélèvement prévu à l'article 4. " ; qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 22 décembre 1959 modifié par le décret n° 2011-906 du 29 juillet 2011 : " L'autorisation est accordée sur demande adressée au ministre de l'intérieur par l'intermédiaire du préfet après enquête de commodo et incommodo et après avis de la commission consultative des jeux de cercles et de casinos prévue par le décret n° 2011-252 du 9 mars 2011. " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 14 mai 2007, modifié par l'article 1er de l'arrêté du 29 juillet 2009 : " L'autorisation d'exploiter les jeux est accordée par le ministre de l'intérieur aux casinos implantés dans les communes visées par la loi du 15 juin 1907 susvisée. Cette autorisation est temporaire. Elle est accordée en prenant en compte, notamment, les impératifs liés à une politique contrôlée du jeu et la répartition équilibrée de l'offre de jeux de casino sur le territoire " ; que si les dispositions précitées, qui prévoient le régime d'autorisation d'ouverture de salles de jeux, n'édictent aucune condition dont le respect par le délégataire ouvrirait droit à l'obtention de l'autorisation d'exploiter des jeux, il appartient au ministre de l'intérieur, dans la mise en oeuvre des pouvoirs qu'il tient desdites dispositions, de veiller à ce que les modalités d'instruction des demandes dont il est saisi n'aient pas pour effet de conduire à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment en limitant de façon excessive l'accès à ce marché ; qu'il en va en particulier ainsi lorsque, dans ce secteur, des entreprises sont candidates à des délégations de service public ; qu'à ce titre, il incombe au ministre d'opérer une conciliation entre les nécessités de la protection de l'ordre public et les impératifs tenant à la préservation de l'égalité d'accès dans le secteur en cause ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration a pris soin d'organiser simultanément l'instruction des deux demandes d'ouverture d'établissements de jeux à Sanary-sur-Mer et La Seyne-sur-Mer ; que, notamment, à cet effet, le passage devant la CCJCC de la demande concernant Sanary-sur-Mer a été retardé, et le passage de la demande concernant La Seyne-sur-Mer avancé, afin de que la commission prenne en compte simultanément les deux dossiers de création sur la même zone de chalandise ; que, la commission ayant donné un avis favorable aux deux demandes, le ministre a pris en connaissance de cause les deux arrêtés d'autorisation d'exploiter le même jour ; qu'ainsi, il ne saurait être reproché au ministre de l'intérieur, comme l'ont estimé les premiers juges, de ne pas avoir tenu compte de l'incidence de l'ouverture concomitante de ces deux casinos, situés à dix kilomètres l'un de l'autre, au regard de la répartition de l'offre de jeux non satisfaite, sur les établissements fonctionnant sur la même zone de chalandise ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté litigieux au motif que le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur de droit dans l'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter le casino de Sanary-sur-Mer ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS " Grand Casino de Bandol " devant le tribunal administratif de Toulon ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 14 mai 2007 susvisé : " Enquête./Pour toutes les demandes d'ouverture et pour les demandes de transfert lorsque l'enquête n'a pas porté sur le site définitif d'implantation, le dossier, lorsqu'il est complet, est soumis à une enquête administrative à laquelle il est procédé dans les conditions suivantes :/L'enquête est ordonnée par le sous-préfet qui désigne un commissaire enquêteur et fixe la date à laquelle l'enquête sera ouverte et celle à laquelle le commissaire enquêteur recevra les déclarations des habitants. Son arrêté est publié dans la commune par voie d'affiches et dans un journal d'annonces légales. Il est justifié de l'accomplissement de ces mesures de publicité par un certificat du maire./La demande d'autorisation de jeu et le cahier des charges sont déposés à la mairie, où ils restent pendant huit jours à la disposition des personnes qui désirent en prendre connaissance. Ce délai ne peut courir qu'à dater de l'avertissement donné par voie de publication et d'affiches./A l'expiration de ce délai, le commissaire enquêteur reçoit à la mairie, durant un jour, les déclarations des habitants et de tous intéressés. Celles-ci sont reçues et consignées sur un registre qui est clos et signé par le commissaire enquêteur./Ce dernier rédige ensuite le procès-verbal, donne son avis motivé et remet le dossier au maire./Le maire transmet immédiatement le dossier au sous-préfet. Toutefois, dans le cas où le registre d'enquête contient une ou plusieurs déclarations contraires à l'adoption du projet ou lorsque le commissaire enquêteur émet un avis défavorable, le conseil municipal est appelé, au préalable, à les examiner et à émettre un avis définitif par une délibération motivée, dont copie doit être jointe au dossier. "

6. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire, ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport sur l'enquête publique préalable, que de nombreuses observations ont été recueillies par le commissaire enquêteur, favorables ou pas, relatives au projet d'ouverture d'un casino à Sanary-sur-Mer ; que, dans ces conditions, la circonstance que l'avis d'enquête administrative établi par le maire n'a pas mentionné que le public pouvait également adresser ses observations sur ledit projet par écrit au commissaire-enquêteur, en méconnaissance de l'arrêté du préfet du Var du 4 août 2011 portant ouverture de ladite enquête qui prévoyait une telle possibilité, d'ailleurs non mentionnée à l'article 5 précité de l'arrêté du 14 mai 2007, n'a pas été de nature par elle-même à exercer une influence sur le sens de la décision litigieuse du ministre de l'intérieur, ou à priver le public d'une garantie ;

8. Considérant qu'il ressort des dispositions précitées de l'article 5 de l'arrêté du 14 mai 2007 que le délai accordé à la population pour émettre ses observations dans le cadre de l'enquête administrative est fixé à huit jours ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le délai accordé en l'espèce aurait été trop court doit être écarté ;

9. Considérant qu'il ressort du rapport du commissaire-enquêteur que l'intéressé a pris en compte les observations défavorables au projet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux était incompatible avec le plan local d'urbanisme (PLU) alors en vigueur ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable sans répondre aux observations significatives à l'encontre du projet et sans tenir compte de ce que le PLU n'aurait pas été compatible avec le projet de casino en cause doit être écarté ; que la circonstance que ledit PLU a été ultérieurement annulé par jugement du tribunal administratif de Toulon est sans incidence par elle-même sur la légalité de l'arrêté litigieux ;

10. Considérant qu'il ressort du procès-verbal de la séance du conseil municipal de Sanary-sur-Mer du 22 septembre 2011 que les élus ont bien eu connaissance des avis défavorables au projet ; que ledit conseil municipal n'avait pas à aller chercher sur le site internet d'une association l'avis défavorable émis par celle-ci ; que, dés lors, le moyen tiré de ce que ce conseil municipal n'aurait pas été appelé à examiner les déclarations contraires à l'adoption du projet de casino, en particulier celle émise par l'association de défense des Sanaryens et consultable sur son site internet, doit être écarté ;

11. Considérant que la circonstance que la délibération du 22 septembre 2011 du conseil municipal de Sanary-sur-Mer n'a pas été visée par l'arrêté querellé est sans incidence sur sa légalité, et n'établit pas par elle-même que ni la CCJCC ni le ministre de l'intérieur n'en auraient eu connaissance en temps utile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ladite délibération n'aurait pas été jointe au dossier doit être écarté ;

12. Considérant qu'à la date de cette même délibération, le PLU était toujours en vigueur, son annulation par la juridiction administrative étant intervenue en tout état de cause postérieurement à la date de l'arrêté contesté ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le rapport adressé aux conseillers municipaux en vue de ladite délibération aurait mentionné à tort que l'ensemble immobilier dans lequel se situe le casino de Sanary était rendu possible par le PLU, alors que celui-ci était voué à l'annulation, doit être écarté ;

13. Considérant qu'il ressort des écritures de la commune que des réponses ont été apportées par la délibération du 22 septembre 2011 du conseil municipal de Sanary-sur-Mer aux observations du public selon lesquelles le projet entrait en concurrence avec des établissements voisins ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que ledit conseil municipal n'aurait pas répondu à de telles observations alors que l'article 5 de l'arrêté du 14 mai 2007 prévoit qu'il doit émettre un avis définitif par une délibération motivée portant sur l'ensemble des critiques formulées doit être écarté ;

14. Considérant que la circonstance que le sens de l'avis de la CCJCC, au demeurant consultatif, ne ressort pas des visas de l'arrêté contesté est sans incidence sur sa légalité ;

15. Considérant que les moyens tirés de ce que la CCJCC n'aurait pas été régulièrement convoquée et réunie conformément à l'article 10 du décret n° 2011-252 du 9 mars 2011, et qu'elle aurait rendu son avis sans avoir eu connaissance de l'enquête administrative et de la délibération du conseil municipal du 22 septembre 2011 ne sont pas établis par le moindre commencement de preuve ; que la circonstance que la commission n'aurait pas été destinataire d'un courrier adressé au préfet du Var par une association le 26 septembre 2011 est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 22 décembre 1959, " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur la demande d'autorisation vaut décision de rejet. " ; qu'ainsi, la demande d'autorisation d'exploiter ayant été adressée au préfet du Var le 29 juin 2011, une décision implicite de rejet est née le 29 octobre suivant ; que cette décision implicite de rejet a été implicitement mais nécessairement abrogée par l'arrêté litigieux ; que, cependant, le délai de quatre mois en cause n'étant pas prescrit à peine de dessaisissement, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure préalable devait en conséquence être reprise, notamment par une nouvelle délibération du conseil municipal de Sanary-sur-Mer ;

17. Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 2 de la loi susvisée du 15 juin 2007 n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

18. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas valablement contesté, que l'offre de jeux locale, c'est-à-dire le nombre d'établissements autorisés dans le Var rapporté à la population du territoire de référence, était inférieure à la moyenne nationale, y compris après l'ouverture des deux casinos de Sanary-sur-Mer et de La Seyne-sur-Mer, à la date de l'arrêté querellé ; que les considérations générales sur le secteur des casinos contenues dans l'étude produite par la SAS " Grand Casino de Bandol " sont sans incidence sur l'appréciation par l'administration de la répartition équilibrée de l'offre de jeux de casino sur le territoire ; qu'en effet, en l'espèce, les casinos, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, étaient pour l'essentiel concentrés à l'Est, dans la zone Nice-Monaco, ou à l'Ouest, avec les établissements de Cassis et Aix-en-Provence, alors que l'offre dans le territoire concerné, l'Ouest du Var, était faible ; que la demande de jeux non satisfaite dans le Var était par ailleurs importante ; qu'il en résulte que les deux nouveaux établissements de Sanary-sur-Mer et La Seyne-sur-Mer pouvaient être ouverts sans bouleverser l'économie des établissements existants et en respectant l'exigence d'une offre de jeux équilibrée ; que, d'ailleurs, l'offre de jeux de ces deux casinos n'était pas identique à celle du casino de Bandol ; que si les trois établissements sont relativement proches les uns des autres, le temps à parcourir en voiture pour aller d'un établissement à l'autre a été notoirement sous-estimé dans l'étude produite par la SAS " Grand Casino de Bandol ", notamment en ce qui concerne la période estivale ; que les problèmes économiques et réglementaires allégués ne sont pas liés à l'ouverture ou pas de nouveaux établissements dans la zone de chalandise ; qu'il est d'ailleurs constant que les établissements de jeux ayant adapté leur offre avaient vu leur croissance reprendre, que l'Etat avait modifié pour partie la fiscalité applicable et allégé ainsi les charges desdits établissements ; qu'il ressort des éléments fournis par l'INSEE que l'absence d'évolution démographique locale invoquée n'est pas établie ; que l'augmentation de la fréquentation hôtelière dans le Var en 2011 était en revanche réelle ; que les affirmations de la SAS relatives à l'impact de la baisse de la population attribuable au casino de Bandol sur le produit brut des jeux ne sont pas démontrées, et, de surcroît, sans rapport avec l'évolution de ses bénéfices ; que l'ouverture des deux nouveaux établissements de Sanary-sur-Mer et La Seyne-sur-Mer impliquait une augmentation du nombre des emplois, même dans l'éventualité où le casino de Bandol serait amené à réduire ses propres effectifs ; qu'eu égard à l'impératif tenant à la préservation de l'égalité d'accès au marché dans le secteur des casinos, l'accroissement de la concurrence dans la zone de chalandise n'était pas de nature par lui-même à rendre illégale l'autorisation d'exploiter querellée ; que, par suite, la SAS " Grand Casino de Bandol " n'est pas fondée à soutenir que le ministre de l'intérieur aurait en l'espèce méconnu l'article 1er de l'arrêté susvisé du 14 mai 2007 ou entaché son arrêté du 26 mars 2012 autorisant l'exploitation des jeux dans le casino de Sanary-sur-Mer d'erreur manifeste d'appréciation ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur la recevabilité de certains moyens soulevés par la SAS " Grand Casino de Bandol ", la commune de Sanary-sur-Mer est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté en date du 26 mars 2012 du ministre de l'intérieur ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SAS " Grand Casino de Bandol " le versement de la somme réclamée par le ministre de l'intérieur au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 6 février 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SAS " Grand Casino de Bandol " devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sanary-sur-Mer, à la SAS " Grand Casino de Bandol ", au ministre de l'intérieur et à la société d'exploitation du casino de Sanary-sur-Mer.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2015.

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N° 14MA01548


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

63-02 Sports et jeux. Casinos.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : BLEIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 26/06/2015
Date de l'import : 08/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14MA01548
Numéro NOR : CETATEXT000030826462 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-06-26;14ma01548 ?
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