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23/06/2015 | FRANCE | N°14MA03237

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 23 juin 2015, 14MA03237


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 18 mai 2012 par laquelle le directeur de l'hôpital local départemental du Var du

Luc-en-Provence a prononcé son licenciement, de condamner l'hôpital départemental du Var du Luc-en-Provence à lui verser la somme de 2 467,77 euros net par mois à compter du 18 mai 2012 jusqu'à sa réintégration, au titre de la perte de salaire, ainsi que la somme de 5 000 euros, au titre de son préjudice moral, et d'ordonner l'exécu

tion provisoire de la décision à intervenir ;

Par un jugement n° 1201648 du 16 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 18 mai 2012 par laquelle le directeur de l'hôpital local départemental du Var du

Luc-en-Provence a prononcé son licenciement, de condamner l'hôpital départemental du Var du Luc-en-Provence à lui verser la somme de 2 467,77 euros net par mois à compter du 18 mai 2012 jusqu'à sa réintégration, au titre de la perte de salaire, ainsi que la somme de 5 000 euros, au titre de son préjudice moral, et d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Par un jugement n° 1201648 du 16 mai 2014, le tribunal administratif de Toulon a :

- annulé la décision du 18 mai 2012 du directeur de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence portant licenciement de l'intéressée ;

- condamné l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence à verser à Mme C...la somme de 10 000 euros (dix mille euros) au titre des préjudices subis et la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- rejeté le surplus des conclusions des parties ;

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 juillet 2014, 26 février 2015 et 3 mars 2015, l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence, représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 mai 2014 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme C...en première instance ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité " dès lors qu'il ne mentionne pas toutes les pièces de la procédure " ;

- au regard des fautes commises par MmeC..., à savoir une désobéissance durable et des absences injustifiées, à sa position hiérarchique et à l'incidence de son comportement sur le service et les interlocuteurs de l'établissement, la sanction était proportionnée ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2014, Mme C...conclut au rejet de la requête, et, par la voie de l'appel incident, à ce que l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence soit condamné à lui verser la somme totale de 65 000 euros au titre des préjudices subis ; elle demande, en outre, à la Cour de mettre à la charge de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- l'annulation du licenciement par le tribunal est justifiée ;

- l'indemnisation du préjudice matériel doit être portée à la somme de 60 000 euros alors que le préjudice moral subi justifie la condamnation de l'hôpital départemental du Var du Luc-en-Provence à lui verser la somme de 5 000 euros ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renouf,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me E...pour l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence et de Me A...pour MmeC... ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant que si l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence soutient sans autre précision que le jugement est entaché d'irrégularité " dès lors qu'il ne mentionne pas toutes les pièces de la procédure ", il ne ressort pas de l'examen dudit jugement au regard du dossier de première instance que le tribunal a omis de viser une des pièces de la procédure suivie devant lui ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;

Sur la légalité du licenciement :

2. Considérant qu'il est constant que Mme C...était engagée à la date des faits qui lui sont reprochés par un contrat du 26 août 2008 qui fixait son temps de travail à 80% de la durée légale et ne précisait en rien les modalités du temps partiel de l'intéressée, notamment son organisation hebdomadaire ou mensuelle ou la durée des journées de travail ; que, s'il est constant que, jusqu'en septembre 2011, Mme C...prenait des jours de congés selon sa convenance, il n'est pas contesté que sa pratique était acceptée par le directeur dont elle relevait et que l'intéressée effectuait l'intégralité du temps de travail prévu par son contrat ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 29 septembre 2011 faisant suite à un entretien tenu

le 8 septembre, le directeur de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence a

précisé à Mme C... que " le temps de travail à 80% doit être pris à raison d'une

journée hebdomadaire " et l'a invitée à l'informer du " jour que vous aurez fixé prioritairement " précisant qu'il n'était pour sa part " pas complètement opposé à ce que ce jour soit modulable sur la semaine en fonction des nécessités de service " ; que l'intéressée ayant fait connaître le 10 octobre 2011 son souhait que ledit jour soit alternativement fixé au vendredi les semaines impaires, et au lundi les semaines paires, le directeur, remarquant que cette organisation lui paraissait peu adaptée aux nécessités de service, a fixé par courrier du 20 octobre 2011 " le mercredi comme jour de repos " ;

3. Considérant que si le mercredi ne correspond pas aux souhaits exprimés par l'intéressée, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à la réception du courrier du 20 octobre 2011, Mme C...a pris en jour de repos presque tous les mercredis et qu'elle ne peut donc pas être regardée sur ce point comme ayant désobéi à la consigne de son directeur, eu égard à l'éclairage apporté par le courrier du 29 septembre sur une possibilité de modulation occasionnelle en considération des nécessités du service ;

4. Considérant, il est vrai, que Mme C...a également pris des jours de repos certains autres jours ; que Mme C...explique ces absences par la récupération de surplus d'heures effectuées hebdomadairement dès lors que ses journées de travail étaient de 8 heures et que 4 journées de 8 heures font dépasser le temps de travail de 28 heures prévu par son contrat ; que le centre hospitalier ne conteste pas que la durée effective des journées de travail de Mme C...était de 8 heures et ne soutient pas que, sur la période considérée ou sur un mois de cette période, le temps de travail effectif de Mme C...a été inférieur aux 80% imposés par son contrat ; que si le centre hospitalier reproche à Mme C...des absences injustifiées, ce n'est qu'en raison de l'impossibilité juridique qu'il y aurait pour un agent de catégorie A à récupérer une semaine un surplus d'heures effectué la semaine précédente ; qu'à supposer qu'une telle impossibilité ait existé, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier et notamment de l'attestation du directeur du service dans lequel Mme C...travaillait à l'époque des faits que celui-ci autorisait l'intéressée à procéder de la sorte ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour l'essentiel de la réduction de son temps de travail en raison de son temps partiel à 80%, Mme C...respectait la consigne de prendre en repos les mercredis, et que les jours d'absence reprochés à l'intéressée résultent de l'autorisation que Mme C...se donnait à elle-même, d'une part, d'effectuer avec l'accord de sa hiérarchie immédiate des journées de 8 heures, d'autre part, avec l'accord de cette même hiérarchie, de récupérer le surplus d'heures travaillées qui en résultait en disposant de temps à autre d'un jour de congé supplémentaire, il est vrai, le plus souvent pris les vendredis et lundis ;

6. Considérant que s'il n'appartient pas à l'agent d'organiser librement son temps de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence avait précisé la durée quotidienne du travail des agents ou, particulièrement, celui de MmeC... ; que si, eu égard à la durée légale du temps de travail hebdomadaire, un temps de travail moyen de 7 heures par jour résulte implicitement mais assez nécessairement de l'invitation à prendre un jour de repos par semaine, et si, en ne s'assurant pas d'être valablement autorisée par la direction de l'établissement à dépasser certaines semaines son temps de travail et à récupérer d'autres semaines le surplus d'heures travaillées, Mme C...peut être, compte tenu des courriers qui lui ont été adressés en septembre et octobre 2011, regardée comme ayant commis une faute, il résulte de l'ensemble des circonstances qui précèdent que ladite faute ne présente aucunement dans ces circonstances un degré de gravité permettant au directeur de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence de prononcer le licenciement de l'intéressée ; qu'ainsi, et alors au surplus que la désorganisation du service alléguée devant la Cour n'est pas établie et qu'il est constant que Mme C...était par ailleurs un bon agent, le centre hospitalier requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a, par le jugement attaqué, annulé la décision du 18 mai 2012 par laquelle le directeur de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence a licencié pour faute MmeC... ;

Sur l'indemnisation de MmeC... :

7. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;

8. Considérant que, d'une part, il est constant que le traitement net que Mme C...eût perçu si elle était demeurée en activité s'élève à 2 467,77 euros ; qu'elle est également en droit d'être indemnisée de la perte de l'indemnité pour sujétion spéciale d'un montant mensuel de 230,06 euros ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme C...a eu pour seul revenu pendant sa période d'éviction l'allocation de retour à l'emploi d'un montant journalier de 50,66 euros ; qu'enfin, la responsabilité de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence au titre du licenciement du 18 mai 2012 prend fin le 16 mai 2014, date à laquelle ledit licenciement a été annulé, étant par ailleurs précisé que MmeC..., qui indique qu'elle ne demande pas à être réintégrée, ne peut pour ce motif demander à être indemnisée de la perte de revenus subie postérieurement à l'annulation de son licenciement ; qu'ainsi, eu égard à la perte de revenus effectivement subie pendant la période de responsabilité de l'hôpital et compte tenu de la délimitation précisée ci-dessus de la faute commise par MmeC..., la somme mise à la charge du l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence au titre de la perte de revenus indemnisable doit, ainsi que le demande Mme C...par la voie de l'appel incident, être portée de 10 000 euros à 20 000 euros ;

9. Considérant, en second lieu, que si Mme C...ne justifie pas de la précarité financière dont elle fait état à l'appui de ses conclusions tendant en substance à l'indemnisation de troubles dans les conditions d'existence, le licenciement du 18 mai 2012 annulé lui a en revanche causé, eu égard aux motifs pour lesquels il a été prononcé et à ses effets, un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en condamnant l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence à verser à l'intéressée la somme de 5 000 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que si les conclusions principales de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence doivent être rejetées, il y a lieu, en revanche, de porter à 20 000 euros la somme mise à la charge de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence en réparation de la perte de revenus subie par Mme C...et de condamner par ailleurs cet établissement public à verser à l'intéressée la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que Mme C...n'étant pas partie perdante, les conclusions de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

12. Considérant en revanche qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence la somme de 2 000 euros au titre des frais de procédure exposés par MmeC... ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 10 000 euros (dix mille euros) mise à la charge de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence par l'article 2 du jugement du 16 mai 2014 est portée à 20 000 euros (vingt mille euros).

Article 2 : L'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence versera à Mme C...la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) en réparation du préjudice moral subi.

Article 3 : Le jugement du 16 mai 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions de l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence sont rejetées.

Article 5 : L'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence versera à Mme C...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de Mme C...est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'hôpital local départemental du Var du Luc-en-Provence et à Mme B...C....

Délibéré après l'audience du 26 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Gonzales, président de chambre,

- M. Renouf, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 juin 2015.

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N° 14MA032372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03237
Date de la décision : 23/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe RENOUF
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-06-23;14ma03237 ?
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