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18/06/2015 | FRANCE | N°12MA04471

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 18 juin 2015, 12MA04471


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 22 novembre 2012 et régularisée le 23 novembre suivant, présentée pour la SARL Cabinet d'architectes associés (CAA), dont le siège social est sis 49 bis avenue du Président Wilson à Béziers (34505), prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié..., prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié... ; la SARL CAA et la Mutuelle des architectes français demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004530 du 21 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montp

ellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de la commu...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 22 novembre 2012 et régularisée le 23 novembre suivant, présentée pour la SARL Cabinet d'architectes associés (CAA), dont le siège social est sis 49 bis avenue du Président Wilson à Béziers (34505), prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié..., prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié... ; la SARL CAA et la Mutuelle des architectes français demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004530 du 21 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Béziers et de la société d'équipement du biterrois et de son littoral (SEBLI) à leur verser la somme de 262 446,42 euros en réparation du préjudice qui a résulté, pour elles, de la condamnation qui leur a été infligée par la cour d'appel de Montpellier au profit de la société Erilia en raison des désordres qui ont affecté l'immeuble " Le Lucrèce " ;

2°) de condamner solidairement la commune de Béziers et la société d'équipement du biterrois et de son littoral (SEBLI) à leur verser la somme de 185 943,67 euros en réparation de leurs préjudices ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Béziers et de la SEBLI, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent :

- que, par un arrêt du 20 septembre 2011, la cour d'appel de Montpellier les a condamnées, d'une part, en tant que maître d'oeuvre et, d'autre part, en tant qu'assureur du maître d'oeuvre, à indemniser la société Erilia des désordres subis par l'immeuble "Le Lucrèce" dont elle est propriétaire à Béziers en raison des inondations provoquées par les fortes précipitations survenues au mois d'octobre 2002 ;

- qu'il s'agissait, en l'espèce, de dommages de travaux publics et, dès lors, d'une responsabilité sans faute, le dommage étant subi par un tiers ;

- qu'en effet, le réseau public et le collecteur public, parfaitement inadaptés et propriétés de la ville de Béziers, ne sont pas utilisés par l'immeuble " Le Lucrèce " qui n'est que le voisin de ces ouvrages publics défectueux ;

- qu'ayant indemnisé la SA d'HLM Erilia, maître d'ouvrage du Lucrèce, elles sont subrogées dans ses droits, ainsi que dans sa qualité de tiers ;

- que le tribunal de grande instance de Béziers a clairement retenu la responsabilité de la ville de Béziers mais a tout de même retenu une part de responsabilité à l'encontre de l'architecte requérant du fait d'un défaut d'information et de conseil lié à l'environnement de l'ouvrage réalisé ;

- qu'il apparaît que la SEBLI avait pris l'engagement de réaliser les travaux nécessaires, conformément aux conclusions du rapport de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de grande instance de Béziers ;

- que, dans le cadre de leur saisine du tribunal administratif de Montpellier, elles ont stigmatisé les responsabilités encourues tant par la ville de Béziers propriétaire de l'ouvrage litigieux, que de la SEBLI, concessionnaire et aménageur de la ZAC du Port-Neuf, en démontrant l'existence d'un dommage anormal et spécial, ainsi que d'un lien de causalité ;

- qu'il a précisément été justifié devant le tribunal administratif des sommes acquittées, soit, dès le 12 octobre 2011, un règlement d'un montant de 150 226,26 euros au profit de la société Erilia, outre 30 598,95 euros au profit de la compagnie Axa France IARD ;

- que, de ce règlement était déduite la franchise devant rester à la charge de l'assuré, la SARL CAA, laquelle était d'un montant de 3 521,96 euros, réglée directement par celle-ci ;

- qu'en outre des frais de procédure ont été acquittés à hauteur de 1 596,50 euros ;

- que les premiers juges leur ont opposé à tort l'absence de dispositions législatives permettant d'invoquer une subrogation légale dans les droits et actions de la société indemnisée à l'encontre de la commune de Béziers et de la SEBLI et, également, l'absence d'une subrogation conventionnelle ;

- que le fondement de leur action devant le tribunal était une responsabilité civile contractuelle ;

- que le principe de la subrogation résulte du préfinancement dont il était parfaitement justifié, contrairement à l'argument retenu par le tribunal ;

- que tant la faute que le préjudice subis étant rapportés autorisent donc l'action en responsabilité civile initiée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 14 août 2013, le mémoire récapitulatif présenté pour la SARL CAA et la Mutuelle des architectes français qui persistent dans leurs écritures antérieures et portent en outre leur demande indemnitaire à la somme de 186 827,35 euros. Elles font valoir qu'elles produisent de nouvelles pièces démontrant la réalité des paiements ;

Vu l'ordonnance du 25 juin 2014 fixant la clôture de l'instruction au 28 juillet 2014 à 12 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 28 juillet 2014, le mémoire présenté pour la commune de Béziers, dont le siège est sis Hôtel de ville à Béziers (34543), représentée par son maire en exercice, domicilié... ; la commune de Béziers conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la SEBLI à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, en tout état de cause, à la mise à la charge des requérantes de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir :

- qu'il n'est pas douteux, en l'espèce, que les requérantes ont entendu se placer sur le terrain de la subrogation ;

- que si la Mutuelle des architectes français bénéficie d'une subrogation légale en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, elle n'agit pas après avoir indemnisé son assuré, mais après avoir indemnisé un tiers au contrat d'assurance, la société Erilia, si bien que le mécanisme de subrogation légale ne s'applique pas ;

- que, s'agissant de la SARL CAA, elle ne bénéficie d'aucune subrogation légale qui la verrait subrogée dans les droits de la société Erilia ;

- que, dès lors, sauf à produire les justificatifs d'une subrogation conventionnelle de la société Erilia, les requérantes ne sont pas recevables à agir à l'encontre de la ville de Béziers et de la SEBLI ;

- qu'à supposer que l'action en responsabilité soit fondée et à supposer que les requérantes aient réellement indemnisé la société Erilia, la subrogation n'est pas pour autant de droit ;

- qu'il n'est pas contestable que la SARL CAA avait une parfaite connaissance de l'état des réseaux à proximité de la construction mise en oeuvre pour le compte de la société Erilia et ce, au plus tard le 13 octobre 1995 ;

- qu'elle est, par voie de conséquence, privée de toute qualité pour agir à l'encontre de la commune de Béziers sur le fondement des dommages de travaux publics ;

- que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, leur qualité de subrogées n'interdit en rien à la ville de Béziers de leur opposer tant la faute de la société Erilia que leur propre faute ni d'appeler en garantie les personnes qu'elle estimerait coresponsable du dommage subi par la société Erilia ;

- qu'à ce jour, à supposer que l'indemnisation de la société Erilia soit intervenue, la Cour n'a aucun moyen de connaître le montant des sommes réellement versées par les requérantes compte tenu de leur condamnation solidaire avec la société Sogéa, la société Axa Corporate Solutions Assurance et la SMABTP ;

- que, dès lors, faute pour le préjudice invoqué d'avoir acquis un degré suffisant de certitude, la Cour n'est pas en mesure de condamner la commune de Béziers à les indemniser ;

- qu'elle est fondée à opposer à la requête l'exception de risque accepté dès lors que la SARL CAA connaissait parfaitement le risque lié à l'insuffisante capacité du collecteur d'eaux pluviales pour avoir, a minima, participé à la réunion organisée par la SEBLI le 13 octobre 1995 ;

- que c'est donc en toute connaissance de cause qu'elle a élaboré le projet pour le compte de la société Erilia sans prendre à aucun moment les précautions nécessaires ;

- que l'origine du dommage n'est pas à rechercher dans l'insuffisante capacité du collecteur d'eau pluviale mais dans un problème de ruissellement de surface lié au sens d'écoulement des eaux pluviales de la rue Pasquet, à la mise en charge du réseau sous cette rue ainsi qu'à la nature des lieux ;

- que le dommage a pour cause déterminante, voire unique, l'erreur de conception commise par la société CAA et non la surcharge du collecteur ;

- qu'outre avoir manqué à son devoir de conseil, la SARL CAA a commis une erreur de conception en prévoyant l'entrée du parking à un endroit où la configuration du terrain et les caractéristiques pluviométriques rendaient probable une inondation quelle que soit, par ailleurs, la capacité du collecteur d'eaux pluviales ;

- qu'ainsi la faute de la requérante est, en l'espèce, totalement exonératoire ;

- que si la Cour retenait sa responsabilité et écartait les causes d'exonération soulevées, elle devrait nécessairement condamner la SEBLI à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre dès lors qu'elle était en charge de la totalité des études de la ZAC du Quai du Port Neuf et qu'elle n'a pas pris suffisamment en compte le risque d'inondation ;

Vu l'ordonnance du 20 janvier 2015 fixant la clôture d'instruction au 10 février 2015 à 12 heures, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 4 février 2015, le mémoire présenté pour la société d'équipement du biterrois et de son littoral (SEBLI), dont le siège social est sis 15 place Jean Jaurès à Béziers (34500), représentée par son directeur en exercice, domicilié... ; la SEBLI conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet de l'appel en garantie de la commune de Béziers, en toute hypothèse à la mise à la charge solidaire de la SARL CAA et de la Mutuelle des architectes français (MAF) de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir :

- qu'il ne fait aucun doute que les requérantes ont souhaité user du mécanisme de la subrogation pour tenter d'être indemnisées des sommes versées à la société Erilia ;

- que l'action introduite par la Mutuelle des architectes français est irrecevable du fait de l'absence de subrogation légale dès lors que la responsabilité professionnelle de la SARL CAA a été définitivement appréciée comme exclusive par la cour d'appel de Montpellier ;

- qu'il n'y a pas eu d'indemnisation par la MAF du préjudice de son propre assuré ;

- que, dans ces conditions il n'était pas possible pour la MAF d'user du mécanisme de la subrogation légale pour solliciter sa condamnation solidaire avec la commune de Béziers ;

- que si un acte de subrogation n'est pas exigé lorsque l'assureur intervient pour récupérer les sommes qu'il a versées directement à son assuré, en application des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, il n'en va pas de même lorsque, comme en l'espèce, le même assureur a indemnisé la victime des agissements de son assuré ;

- que, dans ce dernier cas, il appartient à l'assureur de se prévaloir devant le juge, soit du bénéfice d'une subrogation conventionnelle, soit d'une subrogation de plein droit en application des dispositions du 3° de l'article 1251 du code civil ;

- qu'en l'espèce, la Mutuelle des architectes français n'a justifié, ni devant le tribunal, ni devant la Cour d'une quelconque subrogation conventionnelle ou légale puisqu'il est démontré que l'article L. 121-12 du code des assurances n'est pas applicable ;

- que la SARL CAA n'est recevable dans ses prétentions qu'à hauteur de la franchise par elle supportée, à savoir, 3 531,96 euros, à la condition qu'elle ait effectivement acquitté le montant de cette somme, ce qui n'est toujours pas justifié ;

- que les appelantes ne produisent aucun élément justifiant de la réalité des paiements opérés, celles-ci se bornant simplement à rappeler qu'elles ont versé en première instance des courriers de notification annonçant les paiements, sans copie des relevés de comptes et des mouvements de fonds ;

- au fond, que le préjudice subi par la société Erilia trouve sa source dans l'insuffisance du collecteur initial des eaux pluviales réalisé par la ville de Béziers, insuffisance qui n'a pas été palliée par la société CAA au stade de la conception du projet de construction de la société Erilia, alors qu'elle bénéficiait d'une mission de maîtrise d'oeuvre et qu'elle avait connaissance de cette insuffisance du réseau ;

- que la SARL CAA est donc doublement fautive puisqu'elle avait parfaite connaissance de l'insuffisance du collecteur de la ville de Béziers et qu'elle s'est abstenue, en connaissance de cause, d'accomplir pleinement et sérieusement sa mission de maîtrise d'oeuvre ;

- qu'en ce qui la concerne elle est parfaitement étrangère au litige dès lors que le collecteur des eaux pluviales à l'origine du préjudice subi par la société Erilia a été réalisé par la ville de Béziers sous sa propre maîtrise d'ouvrage puisque cet équipement se situe hors du périmètre de la ZAC dont elle est concessionnaire ;

- que les fautes de la SARL CAA sont la cause exclusive du dommage ;

- que son éventuelle responsabilité devra donc être garantie en totalité par la SARL CAA et son assureur ;

- qu'elle ne peut voir sa responsabilité engagée au profit de la ville de Béziers pour ses activités de mandataire ou de concessionnaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2015 :

- le rapport de M. Firmin, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteure publique ;

- les observations de MeB..., substituant Me C...pour la SARL CAA et la MAF, de Me A...pour la commune de Béziers, et de Me E...pour la SEBLI ;

1. Considérant que, par un arrêt du 20 septembre 2011, la cour d'appel de Montpellier a, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, condamné la SARL cabinet d'architectes associés (CAA) et son assureur, la Mutuelle des architectes français (MAF), à indemniser la SA HLM Erilia des désordres subis par l'immeuble "Le Lucrèce" dont elle est propriétaire à Béziers en raison des inondations provoquées par les fortes précipitations survenues au mois d'octobre 2002 ; que, par une requête enregistrée le 18 octobre 2010, la SARL CAA et son assureur, la MAF, se considérant subrogées dans les droits et actions dont disposerait la société Erilia à l'encontre de la commune de Béziers et de la société d'équipement du biterrois et de son littoral (SEBLI) en sa qualité de tiers par rapport à un collecteur d'eaux pluviales à l'insuffisance duquel les sociétés requérantes imputent les désordres à l'origine de leur condamnation, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier que la commune de Béziers et la SEBLI soient condamnées, à leur rembourser sur le fondement de la responsabilité pour dommages de travaux publics, les sommes mises à leur charge par l'arrêt précité de la cour d'appel de Montpellier ; que la SARL CAA et la MAF, son assureur, relèvent appel du jugement du 21 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que lorsque l'auteur d'un dommage, condamné, comme en l'espèce, par le juge judiciaire à en indemniser la victime, saisit la juridiction administrative d'un recours en vue de faire supporter la charge de la réparation par la collectivité publique co-auteur de ce dommage, sa demande, quel que soit le fondement de sa responsabilité retenu par le juge judiciaire, n'a pas le caractère d'une action récursoire par laquelle il ferait valoir des droits propres à l'encontre de cette collectivité mais d'une action subrogatoire fondée sur les droits de la victime à l'égard de ladite collectivité ; que les sommes que l'auteur du dommage a été condamné à verser en application d'une décision de justice exécutoire présentent, au fur et à mesure de leur paiement effectif, le caractère d'une créance certaine dont il peut justifier, y compris en cause d'appel, à hauteur, toutefois, des paiements dont il est établi qu'ils sont intervenus avant la clôture d'instruction devant les premiers juges ; qu'ainsi subrogé, s'il peut utilement se prévaloir des fautes que la collectivité publique aurait commises à son encontre ou à l'égard de la victime et qui ont concouru à la réalisation du dommage, il ne saurait avoir plus de droits que cette dernière et peut donc se voir opposer l'ensemble des moyens de défense qui auraient pu l'être à la victime ; qu'en outre, eu égard à l'objet d'une telle action, qui vise à assurer la répartition de la charge de la réparation du dommage entre ses co-auteurs, sa propre faute lui est également opposable ;

3. Considérant qu'en cause d'appel les requérantes produisent de nouvelles pièces, notamment une première lettre de règlement adressée par la MAF à son avoué, en date du 12 octobre 2011, pour une somme d'un montant global de 180 825,21 euros à laquelle est annexée la photocopie du chèque correspondant, établi le 18 octobre 2011, un relevé bancaire retraçant les deux débits relatifs à ladite somme effectués le 18 novembre 2011 et les lettres de règlement du 16 novembre 2011 correspondant aux transferts entre avoués des parties de ces deux sommes, une lettre d'envoi du 12 janvier 2012 de la SARL CAA relative au paiement de la franchise, d'un montant de 3 531,96 euros, restée à sa charge, ainsi que le justificatif du débit bancaire de cette somme et la lettre de règlement entre avoués des parties du 27 février 2012 ; qu'il en va de même en ce qui concerne l'indemnisation du solde du préjudice locatif qui s'établit à la somme de 883,68 euros ; que n'ont pas à être pris en compte les frais de procédure auxquels ont été condamnées les appelantes par la juridiction judiciaire qui sont sans lien avec le dommage de travaux publics dont elles se plaignent ;

4. Considérant que l'ensemble des pièces ci-dessus décrites, antérieures au jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2012, produites par les sociétés requérantes établit suffisamment leur subrogation, à hauteur des sommes exposées par chacune d'elles, dans les droits de la société Erilia pour une somme totale de 185 240,85 euros ; qu'elles sont par suite fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leurs demandes en considérant qu'elles étaient dépourvues d'intérêt à agir à l'encontre de la commune de Béziers et de la SEBLI ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu pour la Cour, après annulation, d'évoquer et de statuer sur leurs conclusions aux fins indemnitaires ;

Sur la responsabilité :

5. Considérant que le collecteur d'eaux pluviales dont l'insuffisante capacité est critiquée par les appelantes constitue un ouvrage public à l'égard duquel la société Erilia et ces dernières ont la qualité de tiers ; que la responsabilité de la commune de Béziers et de la SEBLI n'est susceptible d'être engagée à leur égard qu'à la condition que soient établis l'existence d'un préjudice anormal et spécial ainsi qu'un lien de causalité direct entre le dommage allégué et l'ouvrage public au fonctionnement duquel le dommage est attribué ; que les personnes publiques mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse utilement être invoqué le fait du tiers ;

6. Considérant qu'à la suite des importantes précipitations qui se sont abattues sur la ville de Béziers dans la nuit du 30 au 31 octobre 2002, le parking souterrain de l'immeuble " Le Lucrèce ", dont la SA d'HLM Erilia est la propriétaire, a été inondé par une lame d'eau d'une hauteur d'environ 1,50 mètre ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports des expertises ordonnées par le président du tribunal de grande instance de Béziers, déposés les 8 décembre 2004 et 23 août 2007, que cette inondation trouve son origine dans la saturation du réseau public de collecte des eaux pluviales qui est implanté dans le sous-sol de la rue du Lieutenant Pasquet, dont l'insuffisante capacité a provoqué sa mise en charge avec débordements et ruissellements d'eaux pluviales sur la chaussée de cette voie, puis déversement latéral dans l'accès du parking souterrain de l'immeuble " Le Lucrèce " ; que, sur les 28 emplacements de garage, 19 véhicules automobiles ont été sinistrés et le parking encore interdit au stationnement à la date du 8 décembre 2004 ; qu'il suit de là que les conditions d'engagement de la responsabilité sans faute de la ville de Béziers, maître de l'ouvrage public cause du dommage, relatives à l'anormalité et à la spécialité du préjudice sont réunies ;

7. Considérant, toutefois, qu'il résulte des termes des mêmes rapports d'expertise que l'insuffisance du collecteur public était connue depuis au moins le 13 octobre 1995 ; qu'à cette date s'est en effet tenue, sous l'égide de la SEBLI, une réunion relative à la construction, pour le compte d'un OPHLM, d'un premier immeuble à usage d'habitation dont le bâtiment de la société Erilia est ultérieurement devenu mitoyen ; qu'au cours de cette réunion, à laquelle assistait notamment M.D..., représentant de la SARL CAA, maître d'oeuvre de ce premier projet, a été mise en évidence l'insuffisance du collecteur public des eaux pluviales et la nécessité de son remplacement par un collecteur phi 2000 mm ; qu'il est constant que la SARL CAA est également le maître d'oeuvre de l'immeuble " Le Lucrèce " pour la réalisation duquel elle a été investie d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète par un contrat conclu le 9 décembre 1999 ; que l'absence de suivi par la société CAA de la réalisation des travaux de remplacement du collecteur des eaux pluviales empruntant le sous-sol de la rue du Lieutenant Pasquet, alors qu'elle ne pouvait ignorer le risque auquel était soumise la construction d'un groupe HLM comportant des garages souterrains situés en-dessous du niveau d'un collecteur des eaux pluviales à la capacité insuffisante, est constitutif d'un défaut de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage et d'un vice de conception de l'ouvrage, fautes de nature à exonérer la commune de Béziers de la moitié de sa responsabilité ;

Sur les préjudices :

8. Considérant que lorsqu'un dommage causé à un immeuble engage la responsabilité d'une collectivité publique, le propriétaire, ou le tiers subrogé dans ses droits, peut prétendre à une indemnité couvrant, d'une part, les troubles qu'il a pu subir, du fait notamment de pertes de loyers, jusqu'à la date à laquelle, la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, il a été en mesure d'y remédier et, d'autre part, une indemnité correspondant au coût des travaux de réfection ; que ce coût doit être évalué à cette date, sans pouvoir excéder la valeur vénale, à la même date, de l'immeuble exempt des dommages imputables à la collectivité ; qu'il appartient, toutefois, au juge administratif de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime du dommage, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir par ailleurs à raison des conséquences dommageables du même accident, une réparation supérieure au montant total du préjudice ;

9. Considérant que la date à laquelle la cause des dommages a pris fin et leur étendue était connue doit être fixée à la date de dépôt du second rapport d'expertise, soit le 23 août 2007, dans la mesure où une nouvelle expertise a dû être réalisée en vue de définir une solution définitive de mise hors d'eau du parking souterrain de l'immeuble " Le Lucrèce ", à la suite de la décision prise par la commune de Béziers de renoncer au remplacement de son collecteur des eaux pluviales, origine du dommage ; que si, dans son rapport, l'expert a évalué à la somme de 56 920 euros TTC le montant des travaux à réaliser pour le déplacement de l'entrée du parking, il résulte de l'instruction que la société Erilia a produit devant la cour d'appel de Montpellier les factures correspondant aux travaux réalisés pour un montant de 56 994,63 euros ; que le montant du préjudice subi par la société Erilia résultant de la perte des loyers des garages souterrains a été arrêté par l'expert à la somme de 79 622 euros ; que la société Erilia a justifié devant la cour d'appel de Montpellier, par la production des photocopies des chèques et des acceptations d'indemnités, des sommes qu'elle a versées directement à ses locataires en raison des dommages subis par leurs véhicules pour un montant de 38 608 euros ; que le préjudice total subi par la société Erilia, dans les droits de laquelle sont subrogées la SARL CAA et la MAF, s'établit donc à la somme de 175 224,63 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner solidairement la commune de Béziers et la SEBLI à payer à la SARL CAA et à la MAF la somme de 87 612,31 euros après application du partage de responsabilité tel qu'il a été défini au point 7 ;

Sur l'appel en garantie de la commune de Béziers :

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Béziers est le maître de l'ouvrage du collecteur des eaux pluviales origine du dommage subi par la SA HLM Erilia ; que la commune de Béziers n'établit pas, par les pièces versées au dossier, tant en première instance qu'en appel, que ce collecteur, implanté dans le tréfonds de la rue du Lieutenant Pasquet, laquelle marque la limite du périmètre de la ZAC du Port Neuf, et auquel ni l'immeuble " Le Lucrèce " ni ladite ZAC ne sont d'ailleurs raccordés, était au moment des faits et de quelque manière que ce soit sous la responsabilité de la SEBLI, soit en sa qualité de maître d'oeuvre, soit en sa qualité d'aménageur de la ZAC déjà citée ; qu'il suit de là que l'appel en garantie formé par la commune de Béziers à l'encontre de la SEBLI ne peut qu'être rejeté ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 21 septembre 2012 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La commune de Béziers versera à la SARL CAA et à la MAF la somme de 87 612,31 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'ensemble des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cabinet architectes associés, à la Mutuelle des architectes français, à la commune de Béziers et à la société d'équipement du biterrois et de son littoral.

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N° 12MA04471 2

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