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03/03/2015 | FRANCE | N°13MA00879

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 03 mars 2015, 13MA00879


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2013, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par MeB... ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104188 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité l'indemnisation de son préjudice à la somme de 2 000 euros ;

2°) de condamner solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une indemnité de 75 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de La Poste une somme de 1 500 euros en a

pplication de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 27 février 2013, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par MeB... ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104188 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité l'indemnisation de son préjudice à la somme de 2 000 euros ;

2°) de condamner solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une indemnité de 75 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de La Poste une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957 ;

Vu le décret n° 92-935 du 7 septembre 1992 ;

Vu le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2015 :

- le rapport de M. Portail, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour M.C..., ainsi que celles de Me D...pour La Poste ;

1. Considérant que par un jugement du 31 décembre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a condamné solidairement La Poste et l'Etat à verser à M. C...une indemnité de 2 000 euros au titre d'un préjudice moral résultant du fait qu'aucune procédure pouvant conduire à des promotions, sous la forme de tableau d'avancement ou d'organisation de concours, n'a été mise en oeuvre à compter de 1993, pour les fonctionnaires de La Poste ayant opté pour l'intégration dans des corps de reclassement ; que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. C...tendant à l'indemnisation d'un préjudice de carrière au motif que l'intéressé ne justifiait pas de qualités professionnelles permettant de considérer qu'il avait perdu une chance bénéficier d'une promotion professionnelle ; que M. C...doit être regardé comme ne relevant appel de ce jugement qu'en tant qu'il ne lui a pas alloué d'indemnisation au titre d'un préjudice de carrière ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que s'il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux d'instruction, de demander à l'administration de communiquer tous documents nécessaires pour établir sa conviction, il n'est tenu de le faire que dans la mesure où le requérant fait état d'allégations précises qu'il incombe à la juridiction de vérifier en demandant à l'administration de produire les documents qu'elle estime utiles ;

3. Considérant que M. C...n'alléguait pas en première instance avoir bénéficié après 1990 d'appréciations qui auraient pu révéler une chance de sa part de bénéficier d'un avancement ou de réussir un concours professionnel ; que la demande de première instance n'était ainsi pas assortie d'allégations sérieuses ; que, dès lors, le tribunal administratif de Montpellier n'était pas tenu de demander à La Poste la communication du dossier de M. C...pour vérifier de telles allégations ; que le premier juge n'a ainsi pas commis d'irrégularité en s'abstenant de demander à La Poste cette communication ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant que l'article R. 421-1 du code de justice administrative dispose : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ;

5. Considérant que le requérant a produit l'accusé de réception de sa réclamation préalable indemnitaire adressée le 16 août 2011 à La Poste ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par La Poste et selon laquelle le contentieux n'aurait pas été lié à son égard, doit être écartée ;

Sur la faute :

6. Considérant que M. C...a intégré l'administration des postes et télécommunications en 1971, en qualité de préposé, pour exercer les fonctions de facteur ; que suite à l'adoption de la loi du 2 juillet 1990, relative à l'organisation du service public de La Poste et de France Télécom, M. C...n'a pas opté pour l'intégration dans l'un des corps de fonctionnaires nouvellement créés, dits corps de reclassification, et son statut est demeuré régi par les dispositions du décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957 modifié, relatif au statut particulier du corps des agents d'exploitation de La Poste et de France Télécom ; que M. C...soutient que l'Etat et La Poste ont commis une faute en ne diligentant pas de procédures de promotion interne ouvertes aux fonctionnaires relevant comme lui de corps de reclassement ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83 634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84 16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) " ; que l'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) " ; qu'en vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade ;

9. Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de "reclassement" de La Poste de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de "reclassification" créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de "reclassification", ne dispensait pas le président de La Poste de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de "reclassement" ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par La Poste de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires "reclassés" comme aux fonctionnaires "reclassifiés" de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

10. Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à La Poste de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires "reclassés" ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de "reclassement", en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires "reclassés" de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires "reclassés" au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de La Poste a commis une illégalité et, ainsi, une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement ; que l'Etat a, de même, commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne prenant pas, avant le 14 décembre 2009, le décret organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de "reclassement" de cet établissement, sans que puisse être utilement opposé à M. C...son choix de ne pas demander l'intégration dans les corps dits de "reclassification" et à bénéficier des possibilités de promotion offertes par les statuts de ces corps ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne le préjudice de carrière :

11. Considérant que les défendeurs ne contestent pas que M. C...remplissait dès 1974 les conditions pour se présenter au concours d'accès au corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement, soit justifier de trois ans d'ancienneté dans le corps des préposés ou des agents d'exploitation de la distribution et de l'acheminement ; qu'il résulte des pièces du dossier que M. C...s'est vu attribuer pour les années 2001 à 2005 l'évaluation E, dont il est constant qu'elle correspond à un agent dont la valeur professionnelle est largement supérieure aux exigences du poste ; que La Poste, qui n'a pas été en mesure de produire l'intégralité du dossier individuel de l'agent, n'allègue pas qu'il n'aurait pas bénéficié d'évaluations équivalentes avant 2001 et après 2005 ; que M. C...justifie ainsi avoir été privé d'une chance sérieuse de bénéficier d'une promotion dans le corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement ; qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice en l'évaluant à la somme de 10 000 euros ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est seulement fondé à demander que le montant de l'indemnité que le tribunal administratif de Nîmes a condamné solidairement l'Etat et la société La Poste à lui verser soit porté à la somme globale de 12 000 euros ; que M. C...est par ailleurs fondé à demander que cette somme soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2011, date de sa réclamation préalable ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

13. Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société La Poste une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme que la société La Poste demande au titre de ses frais soit mise à la charge du requérant qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'Etat et la société La Poste ont été condamnés solidairement à verser à M. C...par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2012, est portée à 12 000 (douze mille) euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 août 2011.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat et la société La Poste verseront solidairement une somme de 2 000 (deux mille) euros à M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à la société La Poste et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

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N° 13MA00879


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00879
Date de la décision : 03/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales - Droits et obligations des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983).

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : JORION

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-03-03;13ma00879 ?
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