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24/02/2015 | FRANCE | N°14MA02240

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 24 février 2015, 14MA02240


Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2014, présentée pour la SARL Pradex, dont le siège est situé 36 avenue du Prado à Marseille (13006) et la SNC Provençale de Gestion, dont le siège est situé 283 avenue du Prado à Marseille (13008) ;

Les sociétés Pradex et Provençale de Gestion demandent à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 13 février 2014 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial, statuant en matière cinématographique, a rejeté leur recours venant à l'encontre de la décision du 11 septembre 2013 de la commission départementale

d'aménagement commercial des Bouches-du-Rhône, statuant en matière cinématographique...

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2014, présentée pour la SARL Pradex, dont le siège est situé 36 avenue du Prado à Marseille (13006) et la SNC Provençale de Gestion, dont le siège est situé 283 avenue du Prado à Marseille (13008) ;

Les sociétés Pradex et Provençale de Gestion demandent à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 13 février 2014 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial, statuant en matière cinématographique, a rejeté leur recours venant à l'encontre de la décision du 11 septembre 2013 de la commission départementale d'aménagement commercial des Bouches-du-Rhône, statuant en matière cinématographique, et a accordé à la SAS Europacorp La Joliette l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un établissement de spectacles cinématographiques de 14 salles et 3 024 places, à Marseille ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS Europacorp La Joliette le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la décision attaquée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code du cinéma et de l'image animée ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;

Vu l'arrêté du 5 décembre 2008 pris pour l'application du III de l'article R. 752-7 du code de commerce et relatif à la demande portant sur les projets d'aménagement cinématographique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2015,

- le rapport de M. Martin, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

1. Considérant que par une décision du 13 février 2014, la commission nationale d'aménagement commercial, statuant en matière cinématographique, a rejeté le recours exercé par les sociétés Pradex et Provençale de Gestion à l'encontre de la décision du 11 septembre 2013 de la commission départementale d'aménagement commercial des Bouches-du-Rhône, statuant en matière cinématographique, autorisant la création d'un établissement de spectacles cinématographiques de 14 salles et 3 024 places, à Marseille (2ème arrondissement) et, en conséquence, a accordé à la société Europacorp La Joliette l'autorisation préalable requise pour la création dudit établissement ; que les sociétés Pradex et Provençale de Gestion demandent l'annulation de la décision ainsi prise par la commission nationale d'aménagement commercial ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

2. Considérant que le moyen tiré de ce que l'établissement public d'aménagement Euroméditérranée aurait dû procéder à une mise en concurrence préalable destinée à choisir l'exploitant de multiplexe devant s'insérer dans le projet urbanistique ne peut être utilement invoqué à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, laquelle a été prise par une autorité administrative distincte ; qu'en tout état de cause, aucune disposition propre à la délivrance des autorisations d'équipement commercial, en particulier lorsqu'est en cause un équipement cinématographique, ne prévoit une mise en concurrence préalable au dépôt de la demande d'autorisation soumise à la commission départementale d'aménagement commercial ;

3. Considérant que s'il est soutenu que la commission nationale d'aménagement commercial était irrégulièrement composée lors de sa séance du 13 février 2014, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 751-6 du code de commerce, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été désigné par le ministre chargé de l'urbanisme et de l'environnement et nommé membre de la commission nationale d'aménagement commercial par décret du 17 juin 2013 tandis que M. A... a été nommé membre de cette commission par décret du 11 septembre 2013 en tant que personnalité compétente en matière cinématographique ; que, par ailleurs, si les appelantes font valoir que M. B..., directeur général de l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée, est un ancien membre de la commission nationale d'aménagement commercial et a été entendu par celle-ci au cours de la séance susmentionnée, ces seules circonstances ne sont pas de nature à démontrer, alors qu'il est constant que M. B...n'était plus membre de ladite commission lorsqu'elle s'est prononcée sur le projet en litige, que la décision attaquée serait entachée d'un manquement au principe d'impartialité ;

4. Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les décisions de la commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter les mentions attestant de ce que la convocation de ses membres a été accompagnée de l'envoi de l'ordre du jour et des documents nécessaires à ses délibérations ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la convocation des membres de la commission aurait été irrégulière ; que, par suite, s'il est soutenu que la décision attaquée aurait été adoptée en méconnaissance de l'article R. 752-49 du code de commerce, faute qu'elle fasse par elle-même la preuve de ce que la commission avait été convoquée régulièrement, ce moyen doit être écarté ;

5. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 752-51 du code de commerce : " Le commissaire du Gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu'il présente à la commission nationale " ; que les ministres intéressés, au sens de l'article R. 752-51 du code de commerce, sont ceux qui ont autorité sur les services chargés d'instruire les demandes ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 752-16 du même code : " Pour les projets d'aménagement cinématographique, l'instruction des demandes est effectuée par la direction régionale des affaires culturelles " ; que les ministres chargés de l'environnement et de l'urbanisme n'ayant pas autorité sur les services chargés d'instruire les demandes, il n'ont pas à être consultés lorsque la commission nationale statue en matière cinématographique ; qu'en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'avis des ministres chargés de l'urbanisme et de l'environnement n'aurait pas été signé par une personne habilitée n'est accompagné d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier la portée ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

En ce qui concerne la composition du dossier de la demande d'autorisation :

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande d'autorisation prévue à l'article L. 752-1 et à l'article 30-2 du code de l'industrie cinématographique est présentée (...) par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble " ; qu'il ressort de l'autorisation en date du 18 juillet 2013 donnée à la société pétitionnaire par l'établissement public d'aménagement Euroméditérranée, propriétaire de la parcelle d'implantation du projet, de déposer un dossier relatif au projet en cause, confirmée tant par le protocole foncier daté du 26 juin 2013 que par le directeur général de l'établissement public lors de l'audience de la CNAC tenue le 13 février 2014, que ledit établissement doit être regardé comme ayant autorisé la société Europacorp La Joliette à déposer un dossier de demande d'autorisation ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Pradex et Provençale de Gestion, la société pétitionnaire justifiait d'un titre lui permettant de présenter sa demande ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Europacorp La Joliette a délimité une zone d'influence cinématographique correspondant à un temps d'accès en voiture de trente minutes ; que les sociétés requérantes n'apportent aucun élément probant de nature à établir que la délimitation de la zone par le pétitionnaire aurait été erronée et que cette délimitation aurait été de nature à fausser l'appréciation portée par la commission nationale d'aménagement commercial ;

8. Considérant, que, contrairement à ce qui est soutenu par les requérantes, le dossier soumis par la société pétitionnaire comportait des éléments suffisants, notamment s'agissant de la desserte par les " modes de déplacement doux ", des transports en commun, de la desserte routière et des stationnements, pour permettre à la commission nationale de se prononcer de façon éclairée sur la demande dont elle était saisie ;

En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des oeuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée que la qualité des services offerts " ; qu'aux termes de l'article L. 212-9 du même code : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, la commission d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; / c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; / e) La localisation du projet " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique, lorsqu'elles se prononcent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, parmi lesquels ne figure plus la densité d'équipements en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d'attraction du projet ;

11. Considérant que la société Europacorp La Joliette souhaite aménager un complexe cinématographique de 14 salles et 3 024 places devant s'insérer dans le projet d'urbanisation du quartier de La Joliette dans le 2ème arrondissement de Marseille, conduit par l'établissement public d'aménagement Euroméditérranée ; qu'il ressort des pièces du dossier que la zone d'influence cinématographique retenue par la pétitionnaire, déterminée par un trajet en voiture de trente minutes au maximum, a bénéficié, sur la période allant de 1999 à 2010, d'une croissance démographique de 3,9 % en ce qui concerne la sous-zone primaire de quinze minutes et de 6,2 % en ce qui concerne la sous-zone secondaire ; que pareillement, les populations de la commune de Marseille et de l'agglomération Marseille-Aix en Provence ont crû durant la même période ; que par ailleurs, le sous-équipement en matière d'offre cinématographique de l'agglomération marseillaise relevé par la commission nationale d'aménagement commercial n'est pas sérieusement contredit par les requérantes ; qu'il en va de même en ce qui concerne le déficit de fréquentation des salles de cinéma enregistré dans la zone par rapport à des agglomérations françaises similaires ; que le contexte ainsi décrit est caractérisé par une marge importante de capacité de rattrapage en termes d'équipement cinématographique et de fréquentation des salles de cinéma de la zone en cause par rapport à des zones comparables en France ; que dans ces conditions, eu égard aux éléments ci-dessus rapportés, il n'est pas démontré que le projet en litige affecterait sensiblement l'activité des cinémas existants dans la zone d'influence cinématographique ; qu'en outre, il y a lieu de relever que l'offre existante sur le territoire de la commune de Marseille souffre d'un déséquilibre au détriment des quartiers situés au nord du Vieux Port ; qu'ainsi le projet porté par la société Europacorp, qui a pris au surplus divers engagements destinés à garantir la pérennité des établissements proches et la diversité de l'offre cinématographique, aura pour effet de diversifier et augmenter l'offre cinématographique existante tout en rééquilibrant territorialement ladite offre dans le cadre du réaménagement territorial de l'ancien quartier portuaire de La Joliette ; que, par suite, en estimant que le projet autorisé permettra un développement diversifié de l'offre cinématographique dans la zone, la commission nationale n'a pas méconnu les objectifs fixés par le législateur ; que, dès lors, le moyen tiré de l'atteinte à la diversité de l'offre cinématographique et à l'objectif d'aménagement culturel du territoire doit être écarté ;

12. Considérant que si les sociétés requérantes soutiennent que la décision attaquée méconnaît le critère de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, il ressort des pièces du dossier que le projet s'insère architecturalement dans un quartier en reconstruction ; que par ailleurs, la qualité environnementale du projet n'est pas sérieusement critiquée par le moyen inopérant tiré de ce que la société pétitionnaire ne serait pas elle-même maître d'ouvrage ; qu'enfin, il résulte du dossier de la demande d'autorisation que le projet sera accessible par divers moyens de transport en commun, par des moyens automobiles, lesquels bénéficieront d'un parc de stationnement d'une taille suffisante, et par des modes de déplacement à pied ou par bicyclette déjà existants et appelés à se développer ;

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de Marseille Provence Métropole :

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement Euroméditerranée, dans lequel s'inscrit celui de la société Europacorp La Joliette, constitue l'un des principaux objectifs du schéma de cohérence territoriale de Marseille Provence Métropole et que, selon le document d'orientations générales dudit schéma, le projet présente un caractère central et est destiné à jouer un rôle moteur pour le " renouveau métropolitain de Marseille " ; qu'en outre, il y a lieu de relever que le projet d'aménagement Euroméditerranée doit être regardé comme répondant à l'objectif que se donne le document d'aménagement commercial intégré au schéma de cohérence territoriale, consistant à développer des zones thématiques à forte créativité et porteuses de caractère novateur ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le projet de la société Europacorp La Joliette serait incompatible avec les dispositions du schéma de cohérence territoriale de Marseille Provence Métropole ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les sociétés Pradex et Provençale de Gestion ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision de la commission nationale autorisant le projet porté par la société Europacorp La Joliette ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Europacorp La Joliette et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Pradex et Provençale de Gestion la somme de 2 000 euros à verser respectivement à la société Europacorp La Joliette et à l'Etat ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête des sociétés Pradex et Provençale de Gestion est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Pradex et Provençale de Gestion verseront une somme de 2 000 (deux mille) euros respectivement à la société Europacorp La Joliette et à l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pradex, à la société Provençale de Gestion, à la société Europacorp La Joliette et à la commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique.

Copie en sera adressée au médiateur du cinéma et à la ministre de la culture et de la communication.

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