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23/02/2015 | FRANCE | N°13MA05036

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 23 février 2015, 13MA05036


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°13MA05036, présentée pour l'association " Al Baraka ", dont le siège social est sis 44, boulevard Paul Montel, par Me A...C...;

Elle demande à la cour:

1°) d'annuler le jugement n°1102550 du 24 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 9 juin 2011 par laquelle le maire de Nice a décidé au nom de la ville d'exercer le droit de préemption sur les lots n°s 17 et 19 dépendant

d'un immeuble collectif sis au 23, rue d'Angleterre et 12, rue de Suisse cadas...

Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°13MA05036, présentée pour l'association " Al Baraka ", dont le siège social est sis 44, boulevard Paul Montel, par Me A...C...;

Elle demande à la cour:

1°) d'annuler le jugement n°1102550 du 24 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 9 juin 2011 par laquelle le maire de Nice a décidé au nom de la ville d'exercer le droit de préemption sur les lots n°s 17 et 19 dépendant d'un immeuble collectif sis au 23, rue d'Angleterre et 12, rue de Suisse cadastré section LA n°149 d'une superficie au sol de 620 mètres carrés en vue de la réalisation d'équipements collectifs ;

2°) d'annuler la décision précitée ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Nice la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2014 de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de Mme Muriel Josset, présidente-assesseure, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. d'Hervé, président de la 1ère chambre ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2015 :

- le rapport de Mme Gougot, première-conseillère;

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,

- et les observations de Me E...pour la ville de Nice ;

1. Considérant que dans le cadre d'un projet de vente conclu entre M. F...D...et l'association " Al Baraka " sur les lots numéros 17 et 19 d'un immeuble cadastré section LA 149, situé à Nice à l'angle de la rue d'Angleterre et de la rue de Suisse, au prix de 150 000 euros le maire de Nice a, par décision du 9 juin 2011, décidé d'exercer le droit de préemption de la ville sur ces biens ; que l'association " Al Baraka ", acquéreur évincé, demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 octobre 2013 rejetant ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, d'une part, que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués, ont répondu au moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir au point 16 ; que le moyen tiré de l'existence d'une omission à statuer doit, par suite, être écarté ;

3. Considérant, d'autre part, qu'à supposer qu'en se prévalant de la note en délibéré qu'elle avait produite en première instance, l'association " Al Baraka " ait entendu invoquer un moyen tiré de ce que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en ne réouvrant pas l'instruction, un tel moyen ne peut qu'être écarté, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'association " Al Baraka " avait déjà produit le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mars 2013 dont elle se prévalait dans sa note en délibéré à l'appui d'un mémoire enregistré au tribunal le 5 avril 2013, qui est visé et analysé par le jugement attaqué, la clôture étant intervenue le 15 mai 2013 ; que par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que dans cette note en délibéré l'association " Al Baraka " ait exposé une circonstance de fait dont elle n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée: "Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. [...]/Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. [...] /Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat [...]la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine." ; que l'article L. 211-4 du même code dispose: "[Le droit de préemption urbain] n'est pas applicable :/a) A l'aliénation d'un ou plusieurs lots constitués soit par un seul local à usage d'habitation, à usage professionnel ou à usage professionnel et d'habitation, soit par un tel local et ses locaux accessoires, soit par un ou plusieurs locaux accessoires d'un tel local, compris dans un bâtiment effectivement soumis, à la date du projet d'aliénation, au régime de la copropriété, soit à la suite du partage total ou partiel d'une société d'attribution, soit depuis dix années au moins dans les cas où la mise en copropriété ne résulte pas d'un tel partage, la date de publication du règlement de copropriété au bureau des hypothèques constituant le point de départ de ce délai ; b) A la cession de parts ou d'actions de sociétés visées aux titres II et III de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971 et donnant vocation à l'attribution d'un local d'habitation, d'un local professionnel ou d'un local mixte et des locaux qui lui sont accessoires ;/c) A l'aliénation d'un immeuble bâti, pendant une période de dix ans à compter de son achèvement ; /d) A la cession de la majorité des parts d'une société civile immobilière, lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession serait soumise au droit de préemption. Le présent alinéa ne s'applique pas aux sociétés civiles immobilières constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus. /Toutefois, par délibération motivée, la commune peut décider d'appliquer ce droit de préemption aux aliénations et cessions mentionnées au présent article sur la totalité ou certaines parties du territoire soumis à ce droit. " ; que selon l'article L. 300-1 du même code alors en vigueur: "Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de [...] réaliser des équipements collectifs [...] de permettre le renouvellement urbain [...]./ L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. " ;

5. Considérant qu'il ressort de la lecture de la décision de préemption que le maire de Nice a décidé d'exercer le droit de préemption aux motifs que le bien, objet de la déclaration d'intention d'aliéner, se situait dans le périmètre du droit de préemption urbain renforcé du quartier de Nice Centre autorisant une intervention foncière soutenue, que la ville de Nice est compétente en matière d'équipements collectifs et souhaite implanter des locaux associatifs dans le quartier de Nice centre et qu'elle était déjà propriétaire d'un local au rez-de-chaussée de l'immeuble limitrophe situé au 14, rue de Suisse pouvant communiquer avec les lots objet de la déclaration d'intention d'aliéner ; que contrairement à ce que soutient l'association " Al Baraka ", une telle motivation, qui ne se borne pas à se référer à la délibération du conseil communautaire de la communauté urbaine de Nice Côte d'Azur du 23 décembre 2010 instituant un droit de préemption urbain, fait apparaître la nature du projet de la collectivité publique à savoir l'implantation de locaux associatifs dans le centre de Nice ; qu'au surplus, cette décision comporte des précisions sur l'immeuble préempté, limitrophe, comme il vient d'être dit, d'un bien dont la ville de Nice est déjà propriétaire; que par suite, l'association appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision attaquée comportait une motivation suffisante ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de l'urbanisme que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;

7. Considérant qu'ainsi que l'ont à bon droit estimé les premiers juges, la décision attaquée vise à acquérir deux lots, sis au 12, rue de Suisse, mitoyens d'un autre local déjà propriété de la ville, sis au 14, rue de Suisse, en vue d'y implanter des locaux associatifs dans le quartier de Nice-Centre ; qu'il ressort des pièces du dossier que la préemption litigieuse est exercée dans le cadre du droit de préemption urbain institué par délibération du conseil communautaire de la Communauté urbaine de Nice Côte d'Azur du 23 décembre 2010 visant notamment, outre la rénovation du bâti ou la création de logements sociaux, à un " vaste [...] réaménagement des espaces publics " dans le quartier de la gare Thiers, où se situe le bien préempté ; que la ville de Nice fait état, sans être contestée, des autres acquisitions auxquelles elle a déjà procédé dans le même secteur par la voie de la préemption et des conventions d'occupation signées avec différentes associations ; que, par suite, la ville de Nice justifie, à la date de la décision, de la réalité d'un projet d' " équipement collectif " entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

8. Considérant que l'association requérante ne peut utilement soutenir que le recours au droit de préemption n'est pas possible en application des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme pour la création de locaux destinés à une association cultuelle dès lors que la décision attaquée ne mentionne pas en tant que tel à cet objet mais se borne à se référer à l'implantation de locaux associatifs ;

9. Considérant que l'association " Al Baraka " soutient que la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir et que la décision n'a été prise que pour l'évincer et pour empêcher l'exercice du culte musulman par ses fidèles ; que toutefois, comme il a été exposé au point 7 la décision de préemption a été prise pour un projet répondant aux dispositions légales et répond à un intérêt général suffisant, eu égard notamment aux caractéristiques du bien, qui jouxte un autre bien dont la ville de Nice est propriétaire ; que la circonstance que l'acquéreur évincé exerce une activité sous forme associative conforme à l'objectif poursuivi par la décision de préemption est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'enfin, la circonstance que la décision de conclure avec une autre association cultuelle une convention d'occupation précaire avec une décote de 50 % sur la valeur locative des locaux mis à disposition de cette association ait été annulée par la 5ème chambre du tribunal administratif de Nice par jugement du 26 mars 2013, au motif qu'une telle décision méconnaissait la loi du 9 décembre 1905 qui consacre le principe de laïcité ne suffit pas à révéler l'existence du détournement de pouvoir allégué ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association " Al Baraka " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du maire de Nice du 9 juin 2011 ;

Sur les conclusions formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la ville de Nice, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'association "Al Baraka " la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association " Al Baraka " la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la ville de Nice et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association " Al Baraka " est rejetée.

Article 2 : L'association " Al Baraka " versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à la ville de Nice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Al Baraka " et à la ville de Nice.

Délibéré après l'audience du 2 février 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Josset, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

MmeB..., première-conseillère,

Mme Gougot, première-conseillère,

Lu en audience publique, le 23 février 2015.

La rapporteure,

I. GOUGOTLa présidente,

M. JOSSET

La greffière,

V. TERRAMAGRA

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 13MA05036

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA05036
Date de la décision : 23/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières.


Composition du Tribunal
Président : Mme JOSSET
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : JAIDANE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-02-23;13ma05036 ?
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