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19/02/2015 | FRANCE | N°13MA04013

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 19 février 2015, 13MA04013


Vu la requête, enregistrée le 16 octobre 2013 par télécopie et régularisée le 7 janvier 2014, présentée pour M. B...A..., demeurant à..., par Me Ruffel ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301876 du 16 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 septembre 2011 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de l'admettre provisoirement au séjour et l'arrêté du 30 janvier 2013 par lequel le même préfet a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à

quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Erythr...

Vu la requête, enregistrée le 16 octobre 2013 par télécopie et régularisée le 7 janvier 2014, présentée pour M. B...A..., demeurant à..., par Me Ruffel ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301876 du 16 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 septembre 2011 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de l'admettre provisoirement au séjour et l'arrêté du 30 janvier 2013 par lequel le même préfet a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Erythrée ;

2°) d'annuler la décision du 23 septembre 2011 et l'arrêté du 30 janvier 2013 du préfet de l'Hérault ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer devant la Cour de justice de l'Union européenne la question de l'inconventionnalité de l'article L.742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 39 de la directive 2005/85/CE ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation ou un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 196 euros TTC à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce dernier renonçant à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil européen du 11 décembre 2000 relatif au système EURODAC ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2015, le rapport de M. Sauveplane, premier conseiller ;

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 5 février 2015 ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant érythréen, né en 1975, est entré en France en septembre 2011 selon ses déclarations pour solliciter le bénéfice du statut de réfugié ; que, par une décision du 23 septembre 2011, le préfet de l'Hérault a refusé de l'admettre provisoirement au séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une décision du 20 décembre 2012, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile déposée par M. A... ; que par un arrêté du 30 janvier 2013, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, à destination de l'Erythrée ; que M. A...relève appel du jugement du 16 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision du 23 septembre 2011 refusant l'admission provisoire de M. A...au séjour au titre de l'asile :

2. Considérant que M. A...soutient que le recours contre la décision du 23 septembre 2011 était recevable au motif que cette décision est une décision provisoire qu'il est recevable à contester en même temps que la décision du 30 janvier 2013 portant refus d'admission au séjour, s'agissant d'une opération complexe et d'une décision irrégulièrement notifiée, faute de traduction dans une langue comprise par lui ;

3. Considérant toutefois que la décision du 23 septembre 2011 a été notifiée à M. A...en mains propres le jour même au guichet de la préfecture du département de l'Hérault, en présence d'un interprète en langue arabe, et comportait l'indication des voies et délais de recours ; que la décision par laquelle le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et l'oblige à quitter le territoire français n'est pas prise pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour ; que la décision prise sur l'admission provisoire au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; que si M. A... soutient qu'il ne parle pas l'arabe, cette circonstance est sans influence sur la date de notification de la décision dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative de notifier une décision refusant à un demandeur d'asile l'admission provisoire au séjour dans une autre langue que le français ; qu'en tout état de cause, l'arabe est au nombre des langues officielles de l'Erythrée ; que la décision litigieuse a donc été portée à la connaissance de M. A...dans une langue dont il était raisonnable de penser qu'il la comprenait ; qu'ainsi, le tribunal administratif de Montpellier était fondé à rejeter les conclusions dirigées contre la décision du 23 septembre 2011, comme tardives et donc irrecevables ;

Sur la légalité de l'arrêté du 30 janvier 2013 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à destination du pays d'origine de M. A...:

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens énoncés à l'appui des conclusions dirigées contre cet arrêté,

4. Considérant que M. A...conteste le fait d'avoir été privé du droit à un recours effectif dès lors que l'arrêté du 30 janvier 2013 a été pris avant que la Cour nationale du droit d'asile, qu'il avait saisie par un mémoire daté du 22 janvier 2013, produit en première instance en annexe à un mémoire présenté pour M.A..., enregistré le 30 mai 2013 et communiqué au préfet de l'Hérault, se soit prononcée sur son recours contre la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 décembre 2012 ; qu'il soutient que le préfet a estimé à tort que sa demande d'asile reposait sur une fraude du fait du caractère illisible de ses empreintes digitales ; qu'il fait valoir que le délai de onze jours entre les relevés de ses empreintes digitales était insuffisant pour s'assurer du caractère frauduleux de sa demande ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si / / (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. (...) Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités. " ; qu'à ceux de l'article L. 742-3 de ce code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " ; qu'à ceux de l'article L. 742-6 du même code : "L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 18-1 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'État membre d'origine ... d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées " ; qu'aux termes de l'article 4 : " Collecte, transmission et comparaison des empreintes digitales. 1. Chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'asile âgé de 14 ans au moins et transmet rapidement à l'unité centrale les données visées à l'article 5, paragraphe 1, points a) à f). La procédure de relevé des empreintes digitales est déterminée conformément à la pratique nationale de l'État membre concerné et dans le respect des dispositions de sauvegarde établies dans la convention européenne des droits de l'homme et dans la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant " ;

7. Considérant que l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile doit justifier de son identité, de manière à permettre aux autorités nationales de s'assurer notamment qu'il n'a pas formulé d'autres demandes ; qu'il résulte, en particulier, des dispositions du règlement du 11 décembre 2000 que les demandeurs d'asile âgés de plus de quatorze ans ont l'obligation d'accepter que leurs empreintes digitales soient relevées ; que l'altération volontaire et réitérée des empreintes digitales, ne permettant pas leur identification et interdisant par là même aux autorités nationales de s'assurer notamment que le demandeur d'asile n'a pas formulé d'autres demandes dans un autre Etat membre, peut être regardée, sous le contrôle du juge, comme relevant d'une intention de fraude au sens du 4°) de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du dépôt de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile le 12 septembre 2011, M. A... a été reçu le jour même à la préfecture de l'Hérault afin qu'il soit procédé au relevé, sur la borne Eurodac et à l'encre, de ses empreintes digitales, lesquelles se sont alors révélées inexploitables ; que cette opération a été renouvelée sur la borne le 23 septembre 2011 sans davantage de succès ; que par une décision du 23 septembre 2011, le préfet, se fondant sur les dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé son admission provisoire au séjour au motif que la demande de M. A..., dont les empreintes s'étaient avérées inexploitables, reposait sur une fraude délibérée et a précisé à l'intéressé que sa demande d'asile serait examiné par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du même code et qu'en cas de rejet de sa demande par l'Office, son éventuel recours devant la Cour nationale du droit d'asile serait privé d'effet suspensif ; que, toutefois, le délai de onze jours qui a séparé les relevés d'empreintes ne permettait pas une reconstitution des empreintes digitales de l'intéressé ; que dans ces conditions, le préfet, sur lequel repose la charge de la preuve de l'altération volontaire et réitérée des empreintes digitales du demandeur, ne pouvait déduire de ces relevés effectués à seulement onze jours d'intervalle que le caractère illisible des empreintes de M. A... ne résultait pas de circonstances indépendantes du comportement du requérant mais procédait nécessairement de sa volonté de faire obstacle à l'identification de ses empreintes ; qu'il s'ensuit que M. A... disposait du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile, saisie par lui, statue sur son recours dirigé contre la décision du 20 décembre 2012 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par suite, en prenant à l'encontre du requérant un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français alors que la Cour nationale du droit d'asile ne s'était pas encore prononcée, le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit ; que l'arrêté contesté du 30 janvier 2013 doit, par conséquent, être annulé ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2013 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à destination du pays d'origine de M.A..., sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer et de renvoyer devant la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle relative à l'inconventionnalité de l'article L.742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

10. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet de l'Hérault réexamine la demande de titre de séjour présentée par M. A...; qu'il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen dans un délai limité à deux mois à compter de la notification du présent arrêt si la Cour nationale du droit d'asile s'est prononcée, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ruffel, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ruffel de la somme de 1 196 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 30 janvier 2013 du préfet de l'Hérault et le jugement du 16 juillet 2013 du tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A...dirigées contre cet arrêté, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la demande de M.A..., dans un délai limité à deux mois à compter de la notification du présent arrêt si la Cour nationale du droit d'asile s'est prononcée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Ruffel la somme de 1 196 euros, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault.

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N° 13MA04013 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA04013
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-02-19;13ma04013 ?
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