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10/02/2015 | FRANCE | N°14MA01179

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 10 février 2015, 14MA01179


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 17 mars 2014 et régularisée par courrier le 19 mars suivant, présentée par le préfet de la Haute-Corse ;

Le préfet de la Haute-Corse demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1401241 en date du 21 février 2014 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. A...B..., d'une part, l'arrêté du 17 février 2014 ordonnant la remise aux autorités espagnoles de l'intéressé et, d'autre part, l'arrêté du même jour ordonnant le placement en rétention administ

rative de M. B... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 17 mars 2014 et régularisée par courrier le 19 mars suivant, présentée par le préfet de la Haute-Corse ;

Le préfet de la Haute-Corse demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1401241 en date du 21 février 2014 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. A...B..., d'une part, l'arrêté du 17 février 2014 ordonnant la remise aux autorités espagnoles de l'intéressé et, d'autre part, l'arrêté du même jour ordonnant le placement en rétention administrative de M. B... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-espagnol du 26 novembre 2002 relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière ;

Vu le règlement (CE) n°562/2006 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 15 mars 2006 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2015, le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;

1. Considérant que M. B..., de nationalité marocaine, a été interpellé sur la commune de Biguglia (Haute-Corse) alors qu'il marchait sur le bord de la RN 193 ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté en date du 17 février 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a décidé sa remise aux autorités espagnoles et d'un arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours ; que, par jugement en date du 21 février 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé ces arrêtés ; que le préfet de la Haute-Corse relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix " ; qu'aux termes de l'article 21 de la convention conclue à Schengen le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres parties contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e), et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la partie contractante concernée (...) " ; que selon l'article 23 de la même convention : " 1. L'étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de court séjour applicables sur le territoire de l'une des parties contractantes doit en principe quitter sans délai les territoires des parties contractantes (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n°562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes qui s'est substitué, conformément à l'article 39, 1 de ce règlement, à l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : a) posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière, déterminés par le comité exécutif (...) ; c) présenter le cas échéant les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un État tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) ; e) ne pas être considéré comme pouvant compromettre l'ordre public, la sécurité nationale ou les relations internationales de l'une des parties contractantes " ;

3. Considérant que pour annuler la décision de remise aux autorités espagnoles, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a considéré que M. B... remplissait les conditions pour séjourner temporairement en France et notamment celles prévues par les dispositions précitées des a) et c) du 1 de l'article 5 du règlement (CE) n°562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ; qu'il n'est toutefois pas contesté que M. B...n'a pu justifier de la date de son entrée sur le territoire français ; qu'ainsi, il n'a pas établi devant le premier juge séjourner en France depuis une durée inférieure à trois mois à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Corse du 17 février 2014 décidant la remise de M. B... aux autorités espagnoles et, corrélativement, l'arrêté du même jour ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille ;

Sur l'arrêté portant remise aux autorités espagnoles :

5. Considérant, en premier lieu, que M. B... soutient que l'arrêté portant remise aux autorités espagnoles est insuffisamment motivé en fait et en droit ; que, d'une part, l'arrêté contesté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ses articles 3 et 8, l'accord du 26 novembre 2002 entre la France et l'Espagne, relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, ainsi que l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé en droit ; que, d'autre part, cet arrêté précise que M. B..., de nationalité marocaine, ne peut justifier d'un domicile fixe en Haute-Corse et qu'il n'établit aucunement être entré en France il y a une semaine comme il le prétend, qu'il se trouve en situation irrégulière et, enfin, qu'il ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour séjourner sur le territoire national ; qu'ainsi, l'arrêté est également suffisamment motivé en fait ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation et de la méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si M. B... dispose d'un passeport et d'un titre l'autorisant à séjourner en Espagne, il n'a pu ni justifier de la date de son entrée sur le territoire français, ni établir qu'il séjournait en France depuis une durée inférieure à trois mois à la date de l'arrêté contesté ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance qu'il a pu fournir postérieurement à l'arrêté litigieux des attestations selon lesquelles il était hébergé à l'époque des faits à Bastia chez sa soeur et son beau-frère, il se trouvait dans un cas de figure où le préfet de la Haute-Corse pouvait décider de sa remise aux autorités espagnoles ;

7. Considérant, en troisième lieu, que M. B... fait valoir qu'il n'a été informé de sa remise aux autorités espagnoles que trois minutes avant son placement en rétention et que le préfet de la Haute-Corse lui a donc nié le droit de présenter des observations avant qu'une mesure exécutoire d'office soit décidée ;

8. Considérant, cependant, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger ne doit être mis en mesure de présenter ses observations que préalablement à l'exécution d'office d'une décision de remise aux autorités d'un autre pays de l'Union européenne ;

9. Considérant que M. B... a été informé le 17 février 2014 à 12 h 22 qu'il allait être remis aux autorités espagnoles et qu'il pouvait formuler des observations sur cette mesure et avertir ou faire avertir son consulat, un conseil ou toute autre personne de son choix ; que cette information lui a été délivrée en présence d'un interprète en langue espagnole, langue dont il n'est nullement soutenu qu'il n'en aurait pas la maîtrise ; que M. B... était ainsi parfaitement en mesure de comprendre qu'il disposait d'un droit à formuler des observations sur la mesure de remise aux autorités espagnoles prise à son encontre ; qu'il a, par ailleurs, disposé d'un délai suffisant pour exercer ce droit, étant souligné qu'une décision de placement en rétention administrative ne doit pas être confondue avec l'exécution proprement dite de la réadmission vers l'Espagne ; que M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est intervenu au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'arrêté ordonnant le placement en rétention administrative :

10. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en cause vise les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le fait que M. B..., divorcé et sans famille connue sur le territoire national, est sans domicile fixe en Haute-Corse et qu'il ne peut justifier de source légale de revenus ; que cet arrêté fait également état de l'impossibilité pour l'intéressé de quitter le territoire français immédiatement et de l'absence de garantie de représentation suffisante ; que, dès lors, il est suffisamment motivé ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 et L. 531-2 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ;

12. Considérant que, par arrêté du 17 février 2014, le préfet de la Haute-Corse a décidé la remise de M. B... aux autorités espagnoles ; qu'il entre, dès lors, dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... disposait d'une résidence stable à Bastia ; que les attestations produites par l'intéressé pour la première fois devant le premier juge ne permettent pas d'établir qu'il disposait antérieurement à la date de l'arrêté, d'une résidence stable et certaine dès lors qu'il n'en avait pas auparavant fait état à l'administration, laquelle n'avait pas connaissance, jusqu'à cette date, de la présence à Bastia de la soeur de M. B... ; que les allégations de l'intéressé selon lesquelles son beau-frère était présent lors de son interpellation sont démenties par le procès-verbal en date du 17 février 2014 qui stipule que M. B... a été contrôlé par une patrouille de police " portée à bord d'un véhicule banalisé alors qu'il circulait pédestrement sur le bord de la chaussée " ; qu'en outre, M. B... a déclaré aux fonctionnaires de police le 17 février 2014 que son passeport " était resté chez un camarade chez qui il réside le temps de son séjour en Corse " ; que cette seule circonstance ne permettait pas, au moment où a été signé l'arrêté contesté, de justifier de l'existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir tout risque de fuite, pour l'application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de la Haute-Corse a pu, sans commettre d'erreur de droit ou entacher son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation, ordonner le placement en rétention administrative de M. B... ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Corse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés en date du 17 février 2014 décidant la remise de M. B... aux autorités espagnoles et ordonnant son placement en rétention administrative ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au profit de M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par le préfet de la Haute-Corse au titre de ces mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1401241 du 21 février 2014 du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille est annulé en son article 2.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation des arrêtés du 17 février 2014 ordonnant sa remise aux autorités espagnoles et son placement en rétention administrative est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... et par le préfet de la Haute-Corse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

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N° 14MA01179

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01179
Date de la décision : 10/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: M. Olivier EMMANUELLI
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : BAZIN-CLAUZADE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-02-10;14ma01179 ?
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