Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2012, présentée pour la commune de Cannes, représentée par son maire, par MeA... ;
La commune de Cannes demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001491 du 6 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a , à la demande de la société International Sporting-Yachting Club de la mer (ISYCM), déchargé celle-ci de l'obligation de lui payer la somme de 2 709,40 euros dont le paiement est recherché par le commandement de payer émis le 31 mars 2010 par le comptable public de la trésorerie de " Cannes Municipale " ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société ISYCM devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la société ISYCM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2014 :
- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, rapporteur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune de Cannes ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 27 novembre 2014, présentée pour la commune de Cannes, par MeA... ;
1. Considérant que le comptable public de la trésorerie de " Cannes Municipale " a émis le 31 mars 2010 à l'encontre de la société International Sporting-Yachting Club de la mer (ISYCM), ancien concessionnaire du port " Pierre Canto " un commandement de payer la somme de 2 709,40 euros relative au stationnement de son bateau pompe " Le Monacan " sur le domaine public, dans ce port, du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003 ; que la commune de Cannes relève appel du jugement du 6 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a, à la demande de la société ISYCM, déchargé celle-ci de l'obligation de lui payer ladite somme dont le paiement est recherché par ce commandement de payer ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'une commune est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période ; qu'à cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal ;
3. Considérant que, si la société ISYCM a soutenu devant le Tribunal que le bateau pompe " Le Monacan ", qui était un navire de servitude utilisé dans le cadre de son ancienne concession, n'avait jamais occupé de poste d'amarrage soumis à redevance au sein du port " Pierre Canto ", il résulte toutefois de l'instruction, en particulier d'une attestation en ce sens établie par le maître de port principal du second port de Cannes le 1er octobre 2012 produite pour la première fois en appel, que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, ledit bateau était, au titre de la période litigieuse, stationné à quai dans l'épi pétrolier de ce port, sans que son propriétaire, qui ne conteste au demeurant pas la réalité du stationnement du bateau sur le plan d'eau, ait disposé d'une autorisation d'occupation du domaine public à ce titre ; que la commune était ainsi fondée à réclamer à la société ISYCM, au titre de cette occupation irrégulière, une indemnité ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la société requérante était fondée à former opposition au commandement de payer litigieux et à être déchargée de l'obligation de payer la somme de 2 709,40 euros dont le paiement est recherché par ledit commandement de payer aux motifs, d'une part, que la société ISYCM soutenait sans être utilement démentie par la commune de Cannes que le bateau n'était pas amarré à quai et, d'autre part, que le tribunal ne disposait d'aucun élément pour déterminer si la redevance réclamée était proportionnée aux avantages que l'occupation du domaine public lui procurait ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société ISYCM devant le tribunal administratif de Nice ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2321-4 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa rédaction issue de l'article 21 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 susvisée : " Les produits et redevances du domaine public ou privé d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 se prescrivent par cinq ans, quel que soit leur mode de fixation. Cette prescription commence à courir à compter de la date à laquelle les produits et redevances sont devenus exigibles. " ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 susvisée : " (...) Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (...) " ; que l'article L. 2321-4 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa version en vigueur du 1er juillet 2006 au 19 juin 2008 disposait que : " Les produits et redevances du domaine public ou privé d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 sont soumis, quel que soit leur mode de fixation, à la prescription quinquennale édictée par l'article 2277 du code civil. Cette prescription commence à courir à compter de la date à laquelle les produits et redevances sont devenus exigibles " ; qu'aux termes de l'article 2227 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 19 juin 2008 : " L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer " ; qu'aux termes de l'article 2262 du même code dans cette même rédaction : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi " ; qu'enfin, selon l'article 2277 de ce code dans cette même rédaction : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : (...) Des loyers, des fermages et des charges locatives (...) et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts " ;
6. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 2277 du code civil que la prescription quinquennale qu'il édicte, laquelle doit être interprétée strictement, ne vise que les créances payables et exigibles périodiquement ; qu'à défaut de dispositions ou de clauses contractuelles définissant les modalités d'émission et de recouvrement des indemnités dues au titre de l'occupation du domaine public par la société ISYCM à la commune de Cannes, la créance détenue par cette dernière ne peut être regardée comme étant soumise au régime de la prescription quinquennale spéciale édictée par l'article 2277 du code civil ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 2321-4 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 s'appliquent aux prescriptions des indemnités représentatives de la redevance d'occupation du domaine public à compter du 19 juin 2008, date de l'entrée en vigueur de ladite loi ; qu'ainsi, la société ISYCM n'est pas fondée à soutenir que la créance communale, qui porte sur l'année 2004, était prescrite à la date d'émission du commandement de payer litigieux le 31 mars 2010 ;
7. Considérant, en second lieu, que la société ISYCM a soutenu devant les premiers juges qu'aucune délibération du conseil municipal n'avait fixé de redevance pour l'occupation en dehors des postes d'amarrage ; que, toutefois, ainsi que cela a été précédemment exposé au point n° 3, il résulte de l'instruction que son bateau était amarré à quai ; qu'en lui réclamant une indemnité calculée par référence au tarif des redevances de stationnement des navires dans le port Pierre Canto prévu par les délibérations successives de son conseil municipal en date des 29 juin 2002, 29 juillet 2002, 17 février 2003 et 18 décembre 2003, la commune de Cannes a recherché le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière par référence à un tarif existant et dont il n'est pas établi ni même allégué qu'il ne tiendrait pas compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Cannes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a déchargé la société ISYCM de l'obligation de lui payer la somme de 2 709,40 euros dont le paiement est recherché par le commandement de payer émis le 31 mars 2010 et à demander l'annulation dudit jugement et le rejet de la demande présentée par la société ISYCM devant le tribunal ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ISYCM une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Cannes et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1001491 du tribunal administratif de Nice du 6 août 2012 est annulé.
Article 2 : La demande de la société ISYCM présentée devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : La société ISYCM versera à la commune de Cannes une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes et à la société International Sporting-Yachting Club de la mer.
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N° 12MA04044
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