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25/11/2014 | FRANCE | N°12MA00329

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 25 novembre 2014, 12MA00329


Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2012, présentée pour la SARL Campeal, dont le siège social est situé place du Pré à Gattières (06510), par Me C...;

La SARL Campeal demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805306 du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2002, et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à l'impôt

sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels elle a été assujetti...

Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2012, présentée pour la SARL Campeal, dont le siège social est situé place du Pré à Gattières (06510), par Me C...;

La SARL Campeal demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805306 du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2002, et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en cause ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2014,

- le rapport de M. Martin, rapporteur ;

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

- et les observations de M.B..., gérant de la SARL Campeal ;

1. Considérant que la SARL Campeal, qui exerce une activité de boulangerie-pâtisserie à Gattières (Alpes-Maritimes) et a pour gérant M. A...B..., a fait l'objet entre le 7 avril et le 5 juillet 2005 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2002 et 2003, qui s'est conclue par le rejet de la comptabilité de ladite société et la reconstitution de son chiffre d'affaires pour les deux exercices en cause ; que par proposition de rectification du 31 août 2005, des rehaussements en matière d'impôts sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été assignés selon la procédure contradictoire ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie à l'initiative de la société Campeal, a émis le 16 octobre 2006 un avis selon lequel devait être confirmé le rejet de la comptabilité de la société Campeal, devait être infirmée la reconstitution des recettes de l'exercice 2003 et devait être réduite à concurrence de la somme de 22 219 euros la rectification sur le chiffre d'affaires de l'année 2002, les recettes reconstituées étant ramenées ainsi à la somme de 507 782 euros ; que l'administration s'étant rangée à cet avis, les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 3 décembre 2007 pour un montant total en droits et pénalités de 30 595 euros ; que la Sarl Campeal relève appel du jugement du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge des impositions ainsi mises à sa charge ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que si la société requérante demande l'annulation du jugement attaqué et la décharge " des impositions contestées ", il résulte de ses écritures que son argumentation porte uniquement sur la méthode de reconstitution retenue par le service en ce qui concerne l'année 2002 ; que, par suite, elle doit être regardée comme limitant ses conclusions en décharge, en ce qui concerne les droits qui lui sont réclamés, à ladite année ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition est établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. " ;

4. Considérant, alors que la société Campeal ne conteste pas les graves irrégularités ayant entaché sa comptabilité présentée au vérificateur au titre de l'exercice 2002, qu'il incombe à cette société de démontrer l'exagération des bases des impositions arrêtées conformément à l'avis rendu le 16 octobre 2006 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'à cette fin, elle est en droit de critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie, en vue de démontrer en quoi elle aboutit à des évaluations exagérées ;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution et le bien-fondé des redressements opérés :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les recettes réalisées en 2002 et 2003 par la SARL Campeal, le vérificateur a relevé dans la proposition de rectification du 31 août 2005 que les conditions d'exploitation avaient changé entre les années 2002 et 2003 d'une part et l'année 2005 d'autre part, au cours de laquelle il a effectué la vérification de comptabilité ; qu'il a ainsi noté, s'agissant de la fabrication pour ventes aux particuliers que le fournil, le laboratoire et le magasin de vente étaient restés identiques en 2002 et 2003 alors qu'un nouveau magasin plus vaste, comprenant un salon de thé, avait été mis en place en 2005 et que la production de pain avait été transférée dans une partie du nouveau magasin, la fabrication de la pâtisserie et de la viennoiserie étant maintenue au fournil de la commune ; que, cependant, alors qu'il disposait des tickets Z édités pendant l'exercice clos le 31 décembre 2003 sur la base desquels il a d'ailleurs pratiqué une ventilation entre les différents produits vendus (boulangerie, viennoiserie, pâtisserie, salé, boissons et autres produits), il a cru pouvoir pondérer le coefficient multiplicateur relatif à la boulangerie, qui appliqué aux achats pour la fabrication de la boulangerie permet d'obtenir le montant des recettes reconstituées, en fonction d'informations contenues dans un relevé de production hebdomadaire du mois de juin 2005 ; que ce coefficient, établi à 5,29, a été appliqué pour reconstituer les recettes de boulangerie relatives aux deux exercices 2002 et 2003 ; que saisie à la demande de la société contribuable, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, d'une part a retenu que la société Campeal contestait la pertinence du relevé effectué en 2005 pour déterminer les recettes de 2003 et lui opposait son propre relevé résultant du dépouillement des tickets Z de l'année 2003 établi selon la même méthode que celle retenue par l'administration, et d'autre part a constaté que ces deux relevés s'avéraient très différents ; que cette circonstance a conduit la commission à faire droit à l'observation de la société Campeal et à infirmer la reconstitution des recettes de l'exercice 2003, position qu'a avalisée l'administration par la suite ;

6. Considérant qu'il résulte des éléments ci-dessus rapportés dont se prévaut la société Campeal et non sérieusement contredits par l'administration, que les conditions d'exploitation de son commerce, en particulier en ce qui concerne la boulangerie, étaient identiques en 2002 et 2003 et ont été sensiblement modifiées entre l'exercice clos le 31 décembre 2003 et l'exercice 2005 ; que, par ailleurs, il résulte nécessairement de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que le coefficient de 5,29 utilisé par le service pour reconstituer les recettes de boulangerie était affecté d'un biais tel, tiré de la mise en oeuvre d'un relevé de production de l'année 2005, qu'il ne pouvait qu'être écarté en ce qui concerne l'exercice 2003 ; que dès lors la méthode consistant à appliquer, par extrapolation, le même coefficient multiplicateur aux achats de produits de boulangerie de l'année 2002, doit également être écartée comme affectée du même biais ; que toutefois, alors que le ministre fait valoir que la reconstitution des activités de viennoiserie, pâtisserie et salé de l'exercice 2002 a été déterminée à partir des données de l'exercice 2003 sous la forme des tickets Z, il y a lieu de relever que cette partie de la méthode de reconstitution mise en oeuvre par le service n'est pas critiquée par la société Campeal ; que dès lors la méthode de reconstitution prise dans son ensemble, si elle doit être regardée comme présentant un caractère excessivement sommaire, ne peut être qualifiée de radicalement viciée dans son principe ;

7. Considérant que, par suite, la société Campeal doit être regardée comme apportant la preuve de l'exagération des impositions litigieuses attachées à la reconstitution des recettes de l'exercice 2002 ; que, à défaut de données suffisamment précises fournies par la société, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en réduisant de moitié le rehaussement arrêté après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à la somme de 70 544 euros, soit un montant de rehaussement ramené à la somme de 35 272 euros ; qu'ainsi la société Campeal est fondée à demander, dans cette mesure, la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, à la contribution à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mises à sa charge au titre de l'exercice 2002 ;

Sur les pénalités :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;

9. Considérant que l'administration, alors même qu'elle a été défaillante en ce qui concerne la méthode de reconstitution des recettes, doit être regardée comme établissant le caractère délibéré du manquement relatif à la tenue de la comptabilité, non probante deux années consécutives ; qu'elle apporte ainsi la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de cette société de se soustraire à l'impôt et, par suite, du bien-fondé des pénalités dues au titre des années 2002 et 2003, lesdites pénalités étant suffisamment motivées au regard des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Campeal et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les rehaussements des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés, à la contribution à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée de la société Campeal au titre de l'exercice 2002 sont réduits de 50 % et ramenés à la somme de 35 272 (trente-cinq mille deux cent soixante-douze) euros.

Article 2 : Il est accordé décharge à la société Campeal de la différence entre les droits d'impôt sur les sociétés, de contribution à l'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'exercice 2002 et les pénalités y afférentes, et les droits et pénalités calculés en exécution de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 25 novembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société Campeal la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Campeal et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-est.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00329
Date de la décision : 25/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : LEBRETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-11-25;12ma00329 ?
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