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07/11/2014 | FRANCE | N°09MA00803

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2014, 09MA00803


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n° 09MA00803, le 5 mars 2009, présentée pour Mme D...E..., demeurant ... par Me A...;

Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 0605579 du 9 janvier 2009 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Var à lui verser la somme de 180 000 euros en réparation des atteintes à sa réputation et de son préjudice moral résultant de la production, par ledit département, de certaines pièces de la juridiction pour enfants, dans le cadre de la pr

océdure en annulation de la décision en date du 13 février 2001 portant refus...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n° 09MA00803, le 5 mars 2009, présentée pour Mme D...E..., demeurant ... par Me A...;

Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 0605579 du 9 janvier 2009 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Var à lui verser la somme de 180 000 euros en réparation des atteintes à sa réputation et de son préjudice moral résultant de la production, par ledit département, de certaines pièces de la juridiction pour enfants, dans le cadre de la procédure en annulation de la décision en date du 13 février 2001 portant refus d'agrément d'assistante maternelle ;

2°) de condamner le département du Var à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2014 :

- le rapport de Mme Marchessaux, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

- et les observations de MmeE... ;

1. Considérant que Mme E...relève appel du jugement du 9 janvier 2009 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Var à lui verser la somme de 180 000 euros en réparation des atteintes à sa réputation et de son préjudice moral résultant de la production, par ledit département de certaines pièces de la juridiction pour enfants, dans le cadre de la procédure en annulation de la décision en date du 13 février 2001 portant refus d'agrément d'assistante maternelle ;

Sur la recevabilité des écritures présentées par Mme E...enregistrées les 2 août 2010, 16 et 18 septembre 2014 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. Lorsque la notification de la décision soumise à la cour administrative d'appel ne comporte pas la mention prévue au troisième alinéa de l'article R. 751-5, le requérant est invité par la cour à régulariser sa requête dans les conditions fixées aux articles R. 612-1 et R. 612-2 " ;

3. Considérant qu'en dépit de l'invitation qui lui a été faite par deux lettres en date des 17 juin 2011 et 2 juin 2014, les mémoires susvisées, sollicitant le sursis à statuer en raison d'une procédure en inscription de faux, ont été présentés sans le ministère d'avocat ; que la lettre, en date du 24 juin 2011, de Me C...informant la Cour de ce qu'il reprenait pour son compte les écritures de son prédécesseur, n'est pas de nature à régulariser les écritures présentées par Mme E...le 2 août 2010 ; que, par suite, ces mémoires sont irrecevables et doivent être écartés des débats ;

4. Considérant, en tout état de cause qu'aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. " ;

5. Considérant que les dispositions précitées ne sont pas applicables lorsque la pièce arguée de faux est un acte administratif dont aucune disposition législative expresse ne prévoit que les mentions font foi jusqu'à inscription de faux ; qu'en l'absence d'une telle disposition, il appartient à la juridiction administrative saisie de l'instance principale d'apprécier si les mentions de l'acte administratif argué de faux sont matériellement inexactes ;

6. Considérant, en tout état de cause, qu'il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement de l'inscription de faux déposée par Mme E...au tribunal de grande instance de Toulon, le 28 juillet 2010, que les documents dont la requérante conteste l'authenticité sont constitués par une fiche de signalement anonyme du 4 juillet 1996 signée de l'inspecteur, attaché territorial de la direction des interventions sociales et sanitaires du département du Var, un rapport social établi le 8 juillet 1996, par l'assistance sociale de la circonscription d'action sociale de la Seyne-sur-Mer du conseil général du Var faisant suite au signalement précité, une note rédigée le 2 janvier 2001 par la conseillère technique Enfance de l'unité territoriale sociale de la Seyne concernant la demande d'agrément en qualité d'assistante maternelle à temps complet de Mme E..., les éléments ayant motivé la décision du 13 février 2001 rejetant ladite demande, ainsi que les décisions confirmatives en date des 10 avril 2001 et 22 avril 2002 ; que, cependant, ces documents présentent le caractère d'actes administratifs dont aucune disposition législative expresse ne prévoit que les mentions font foi jusqu'à inscription de faux ; que, par suite, il appartient à la Cour d'apprécier, dans le cadre de la présente instance, l'exactitude des renseignements contenus dans ces actes ; qu'en l'espèce, Mme E...n'apporte aucun élément sérieux à l'appui de ses affirmations selon lesquelles les mentions des décisions et documents administratifs précités seraient entachées de faux ; qu'il s'en suit que la demande présentée par Mme E... tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur sa requête jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur sa demande d'inscription de faux, non seulement est irrecevable mais ne saurait, au fond, être accueillie ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

7. Considérant, que contrairement à ce que soutient MmeE..., les pièces produites devant le tribunal administratif de Nice constituées par une fiche de signalement anonyme du 4 juillet 1996 signée de l'inspecteur, attaché territorial de la direction des interventions sociales et sanitaires du département du Var, un rapport social établi le 8 juillet 1996, par l'assistante sociale de la circonscription d'action sociale de la Seyne-sur-Mer du conseil général du Var faisant suite au signalement précité, une note rédigée le 2 janvier 2001 par la conseillère technique Enfance de l'unité territoriale sociale de la Seyne concernant la demande d'agrément en qualité d'assistante maternelle à temps complet de Mme E...ne constituent nullement des pièces judiciaires ;

8. Considérant que la requérante reproche au département du Var d'avoir recouru à une fiche du service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (SNATEM) en date du 4 juillet 1996 alors que cette fiche n'était pas à jour, ce qui aurait dû conduire le département du Var à plus d'investigations afin de s'assurer de son innocence ; que, cependant, ladite fiche, rédigée au conditionnel, se bornait à relever le contenu d'un appel anonyme faisant notamment état de ce que la jeuneB..., fille aînée de la requérante, s'était réfugiée chez l'appelant qui aurait remarqué des marques d'étranglement sur le coup ainsi que des hématomes sur ses cuisses ; que le département du Var n'a commis aucune faute en déclenchant sur la base de ce signalement une intervention en urgence du service de l'aide sociale à l'enfance qui a donné lieu au rapport social en date du 8 juillet 1996 ; que, par ailleurs, ce rapport mentionne le témoignage de la jeune B...précisant que le 3 juillet 1996, sa mère l'aurait battue et que des marques de griffures étaient toujours visibles sur le cou de la mineure ; que ces propos ont été confirmés par sa soeur ; qu'il n'est pas contesté que lors de cette intervention, Mme E...est entrée dans un état de profonde colère et a précisé à l'assistance sociale chargée de l'enquête que sa " fille a fugué, sont père lui a mis une raclée, c'est légal ", lui a intimé l'ordre de sortir puis est revenue accompagnée de deux voisines ; que si Mme E...se prévaut d'un jugement, en date du 23 juillet 1996, au demeurant postérieur au signalement précité, par lequel le juge des enfants du tribunal de grande instance de Toulon a ordonné la main levée de la mesure d'aide éducative à l'égard de Mlle B...E..., ce jugement fait, néanmoins, état des difficultés relationnelles entre B...et ses parents, lesquelles ont nécessité une mesure d'aide éducative en milieu ouvert décidée par une ordonnance du même juge en date du 6 février 1996 ; qu'il n'est donc pas de nature à remettre en cause la véracité des faits relatés par la fiche et les rapports précités, pas plus que l'attestation de sa voisine produite au dossier selon laquelle la requérante n'aurait manifesté aucune agressivité dès lors que cette personne n'a été présente qu'à la fin de l'intervention des services sociaux ; qu'ainsi, l'administration n'a commis aucune négligence fautive en s'appuyant sur cette fiche et sur le rapport d'intervention qui en a suivi ;

9. Considérant que contrairement à ce que soutient l'appelante, le département du Var ne s'est pas limité à la consultation du fichier SNATEM dès lors qu'à la suite de la demande présentée par Mme E...pour obtenir un agrément en qualité d'assistante maternelle, le président du conseil général du Var a fait procéder à une enquête afin d'évaluer les aptitudes éducatives de l'intéressée ; que lors de cette enquête, la requérante a été entendue par deux professionnels du service des actions médico-sociales du département qui ont relevé, dans un rapport du 2 janvier 2001, l'extrême agressivité de ses propos, une difficulté d'écoute et de remise en question, compromettant tout travail en équipe ; que pour rejeter la demande d'agrément précitée, par la décision 13 février 2011, le département du Var qui s'est fondé sur le rapport précité, a retenu une absence patente de motivation, une extrême nervosité et l'agressivité qui se dégageaient des propos de MmeE... et de la circonstance qu'il ne s'agissait pas d'un épisode isolé puisque lors d'une investigation menée par les services sociaux, en 1996, à la suite d'une information pour maltraitance avérée sur la personne de sa fille, l'intéressée a adopté un comportement virulent rendant impossible l'évaluation à son domicile, ainsi qu'une difficulté à entendre les arguments de ses interlocuteurs et de se remettre en question ; que ces motifs ne sont pas valablement contestés par Mme E...qui se borne à produire des attestations rédigées par des voisines, son époux ou sa fille qui n'ont pas assisté à l'entretien et sont dépourvues de valeur probante ;

10. Considérant, en outre, que la production des documents mentionnés au point 6 précédent devant le tribunal administratif de Nice par le département du Var n'a pas porté atteinte à la présomption d'innocence de Mme E...qui du reste n'a fait l'objet d'aucune procédure pénale concernant des faits de maltraitance à l'égard de sa fille ;

11. Considérant, dans ces conditions, que les premiers juges ont estimé à juste titre que le département du Var, qui ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, n'a commis aucune faute, ni en se référant à " une investigation menée par les services sociaux en 1996 à la suite d'une information pour maltraitance avérée ", ni en produisant devant le Tribunal les pièces justifiant du bien-fondé de sa décision en date du 13 février 2011 ; qu'en l'absence de faute du département du Var de nature à engager sa responsabilité, les conclusions de Mme E...tendant à la condamnation de ce département à lui verser une somme de 180 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ne sauraient être accueillies ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription opposée par le département du Var que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le département du Var, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à Mme E...quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département du Var présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département du Var tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...et au département du Var.

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No 09MA00803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA00803
Date de la décision : 07/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : CABINET NAUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-11-07;09ma00803 ?
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