Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2013 sur télécopie confirmée le 5 suivant, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes, qui demande à la Cour d'annuler le jugement du 31 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 21 juin 2013 portant refus de délivrer à M. A...B...un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, concernant le séjour et le travail des ressortissants tunisiens en France ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 12 septembre 2014, le rapport de Mme Busidan, premier conseiller ;
1. Considérant que, par jugement du 31 octobre 2013, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 21 juin 2013 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé à M. A...B..., ressortissant tunisien, la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, au motif que M. B...établissant sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, la commission du titre de séjour aurait dû être consultée pour avis préalablement à la décision prise ; que le préfet des Alpes-Maritimes relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes d'un arrêté du 1er février 2012 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes avait, antérieurement à l'arrêté présentement en litige, déjà refusé un titre de séjour à M.B..., que l'intéressé est entré en France sous couvert d'un visa C de trente jours le 18 juillet 2002, à l'âge de seize ans ; que, comme l'ont relevé les premiers juges, les pièces du dossier établissent la résidence habituelle en France de l'intéressé depuis plus de dix ans ; qu'en effet, après s'être maintenu irrégulièrement sur le sol français jusqu'en 2007, M. B...a conclu cette année-là un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française ; qu'après annulation pour ce motif le 24 octobre 2007 par le magistrat délégué du tribunal administratif de Nice d'un arrêté de reconduite à la frontière, M. B... a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour ne lui permettant pas de travailler pendant près d'un an, puis s'est vu délivrer le 14 octobre 2008 un titre de séjour mention "vie privée et familiale" renouvelé jusqu'au 13 octobre 2010, puis à partir de cette date et jusqu'au 21 février 2012, des récépissés de demandes de carte de séjour l'autorisant à travailler ; que l'intéressé, marié depuis novembre 2009 avec une ressortissante tunisienne en situation irrégulière, a conclu la même année un bail de trois ans pour un logement situé à Nice ; que, par ailleurs, les documents versés au dossier, tels qu'avis d'imposition, bulletins de salaire, contrats et certificats de travail, attestent de ce que, depuis la fin de l'année 2008, M. B...a travaillé de nombreux mois en tant que salarié, avant de se faire immatriculer à compter du 1er novembre 2011 comme artisan peintre par la chambre des métiers et de l'artisanat des Alpes-Maritimes ;
4. Considérant que, dans ces conditions, eu égard notamment au jeune âge de M. B...lors de son arrivée en France, à la durée de son séjour à la date de l'arrêté en litige, dont plus de quatre ans en situation régulière, à sa volonté d'intégration établie tant par la conclusion d'un contrat d'accueil et d'intégration en 2009 et par la participation aux formations accompagnant ce contrat, que par la capacité de l'intéressé à assumer les charges d'un logement et à trouver un emploi, le préfet des Alpes-Maritimes, en prenant l'arrêté en litige, a non seulement méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui imposent de consulter la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur toute demande émanant d'un étranger justifiant par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de dix ans, mais a également méconnu l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant au droit de M. B... au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée au regard des motifs de sa décision ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté en litige ;
Sur les conclusions de M. B...à fin d'injonction :
6. Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui, parmi les motifs d'annulation de l'arrêté en litige, retient celui tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, implique, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de droit ou de fait y ferait obstacle, la délivrance à M. B...d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ; que, par suite, et comme le demande l'intimé, il y a lieu de prescrire au préfet des Alpes-Maritimes la délivrance d'une telle carte de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions concernant la charge des dépens :
7. Considérant que la présente instance ne comporte pas de dépens ; que, par suite, les conclusions de M.B..., qui bénéficie par ailleurs de l'aide juridictionnelle totale, tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat, ne peuvent être accueillies ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
8. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de cette aide ; que son avocat n'a pas, après sa désignation à ce titre, demandé que soit mise à la charge de l'Etat, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme qu'elle aurait réclamée à son client s'il n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions que M. B...présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet des Alpes-Maritimes est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M.B..., dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale".
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet des Alpes-Maritimes et à M. A...B....
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N° 13MA04699