Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2013, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 13MA05055, présentée pour la commune d'Eguilles, représentée par son maire en exercice, dont le siège est Hôtel de Ville place Gabriel Payeur à Eguilles (13510), par MeB... ;
La commune d'Eguilles demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1203062 du 24 octobre 2013 en tant que le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 21 décembre 2011 par laquelle le conseil municipal a exercé le droit de préemption sur la parcelle bâtie cadastrée section BD n° 292, ensemble la décision implicite rejetant le recours formé par les sociétés Hervé Promotion et Sofisal et l'a condamnée à verser à ces sociétés la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par les sociétés Hervé Promotion et Sofisal devant le tribunal administratif de Marseille ;
3°) de condamner les sociétés Hervé Promotion et Sofisal à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2014 :
- le rapport de Mme Lopa-Dufrénot, première-conseillère,
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour les sociétés Hervé Promotion et Sofisal ;
1. Considérant que, par jugement du 12 décembre 2011, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a déclaré les sociétés Hervé Promotion et Sofisal, adjudicataires de la parcelle cadastrée section BD n° 292, située sur le territoire de la commune d'Eguilles ; que, par délibération du 21 décembre 2011, le conseil municipal d'Eguilles a habilité et autorisé le maire à notifier le droit de préemption au greffe du tribunal de grande instance ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 21 décembre 2011, ensemble la décision implicite rejetant le recours formé par les sociétés Hervé Promotion et Sofisal le 14 février 2012 ;
2. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales dispose que le maire peut, " par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal (...) " ; que, d'autre part, aux termes de l'article R. 214-7 du même code : " En cas de cession, par voie d'adjudication, (...) d'un terrain portant ou destiné à porter des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, le commissaire-priseur judiciaire, le greffier de la juridiction ou le notaire chargé de procéder à la vente, selon la nature de l'adjudication, procède à la déclaration préalable prévue à l'article L. 214-1. Cette déclaration est établie dans les formes prescrites à l'article R. 214-4 et indique la date et les modalités de la vente. Elle est adressée au maire trente jours au moins avant la date fixée pour la vente par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Le titulaire du droit de préemption dispose d'un délai de trente jours à compter de l'adjudication pour notifier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au greffier ou au notaire sa décision de se substituer à l'adjudicataire. Copie de cette décision est annexée au jugement ou à l'acte de l'adjudication et publiée au bureau des hypothèques en même temps que celui-ci. " ;
3. Considérant que pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif a estimé que la délibération du 21 décembre 2011 est entachée d'incompétence, de détournement de pouvoir et méconnaît les dispositions combinées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ; que la commune d'Eguilles qui, au demeurant, ne conteste pas l'ensemble des motifs ainsi retenus, soutient que, par la délibération du 12 décembre 2011 en cause, le conseil municipal n'a pas exercé le droit de préemption sur la parcelle en litige dès lors que cette délibération n'a pour objet que d'habiliter le maire, en application de l'article R. 214-7 du code de l'urbanisme, à l'effet de notifier son intention de préempter le bien ; que, toutefois, il résulte des motifs mêmes de la délibération précitée qu'après avoir exposé l'occupation dense de la parcelle précitée par des enseignes commerciales, le développement de l'activité industrielle et commerciale en dehors de toute intervention de la puissance publique, la nécessité d'aménagements répondant à l'intérêt général, notamment la reprise du réseau d'assainissement, la construction d'un nouveau cantonnement de gendarmerie et la création de bâtiments communaux, le conseil municipal affirme l'" intérêt à user de son droit de préemption et poursuivre la politique d'intérêt général précitée, en cohérence avec l'aménagement d'ensemble du quartier des Jalassières et les orientations du schéma de cohérence territoriale, par préférence à toute autre acquisition foncière privée, initiée par un promoteur ..." ; que ce faisant, le conseil municipal a entendu exercer le droit de préemption sur la parcelle en cause ; que, au demeurant, conformément aux dispositions de l'article R. 214-7 du code de l'urbanisme, le maire a, le 5 janvier 2012, notifié au greffe du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence la délibération du 21 décembre 2011 par laquelle " le conseil municipal (...) a décidé d'exercer le droit de préemption sur le bien " ; qu'il est constant que, par une précédente délibération du 1er avril 2008, le conseil municipal a, en vertu de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, délégué au maire le pouvoir d'exercer au nom de la commune, le droit de préemption urbain ; que, dès lors, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, en l'absence de toute délibération ultérieure retirant ou abrogeant cette délégation, le conseil municipal s'est dessaisi de sa compétence au profit du maire ; que, par suite, en exerçant le droit de préemption sur la parcelle en litige, le conseil municipal a entaché la délibération contestée d'incompétence ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan (...) " ;
5. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé que la parcelle cadastrée section BD n° 292 n'était pas incluse dans le périmètre du droit de préemption ; que la commune d'Eguilles soutient que cette " parcelle provient de la division d'une ancienne parcelle, laquelle a, par délibération du 18 décembre 1992, fait l'objet d'un droit de préemption sur son périmètre " ; que, toutefois, par la délibération du 18 décembre 1992, le conseil municipal de la commune d'Eguilles a instauré un droit de préemption urbain sur le périmètre comprenant " les parcelles BD 42 à 44, 109 à 111, 368 à 371 et 146, toutes (étant) comprises dans la zone NAE1 du plan d'occupation des sols révisé, réservées aux activités économiques " ; que la commune n'établit pas davantage en appel qu'en première instance que le terrain préempté serait issu de la division de parcelles incluses dans le périmètre du droit de préemption institué, notamment celle cadastrée BD n° 42 qu'elle visait en première instance ; qu'ainsi, en exerçant le droit de préemption urbain sur la parcelle en litige, la commune d'Eguilles a entaché la délibération contestée d'erreur de droit ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;
7. Considérant que la commune d'Eguilles soutient qu'elle entend poursuivre la construction du nouveau cantonnement de gendarmerie constituant une opération d'aménagement répondant aux objets définis par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, laquelle est mentionnée dans la délibération en cause ; que, toutefois, comme l'a relevé le tribunal administratif, et ainsi qu'il a été dit, par cette délibération, le conseil municipal fait état de " l'intérêt général de nouveaux aménagements à caractère industriel et commercial, cohérents avec ceux déjà réalisés et respectueux de l'environnement, notamment l'impérieuse nécessité de reprendre le réseau d'assainissement collectif " afin de mettre fin au litige avec les propriétaires du terrain en cause, " le projet général de construction d'un nouveau cantonnement de gendarmerie " et enfin " l'impérieuse nécessité, vu la facilité d'accès et stationne(ment), de créer (des) garage, atelier et stockage de matériels et matériaux communaux dispersés en plusieurs points de la commune " ; que la commune d'Eguilles se prévaut de la réalité du projet de construction du nouveau cantonnement de gendarmerie ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par décision du 16 juillet 2003, le commandant de groupement de gendarmerie des Bouches-du-Rhône a été autorisé à entreprendre les démarches nécessaires en vue de cette réalisation ; que si jusqu'en 2007, la commune a recherché un site adéquat, notamment dans le cadre de pourparlers avec le département des Bouches-du-Rhône, elle ne fait état d'aucun élément de nature à établir le maintien de ce projet ; qu'ainsi, alors même que les caractéristiques précises du projet allégué n'auraient pas été définies, la commune d'Eguilles n'établit pas, à la date de la délibération en litige, la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; que la circonstance que la commune a porté à la connaissance du groupement de gendarmerie des Bouches-du-Rhône, le 5 janvier 2012, l'exercice du droit de préemption sur la parcelle en litige en réponse à la décision du groupement du 19 décembre 2011 d'abandonner le projet de construction d'une nouvelle caserne, est sans incidence sur la légalité de la délibération ; que, de même, elle ne conteste pas, ainsi que l'a estimé le tribunal, que les autres considérations énoncées par la délibération ne permettent pas, eu égard à la généralité de leurs termes et de leur contenu, de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement sur la parcelle en cause d'une superficie de 60 761 m² accueillant des bâtiments à usage industriel et commercial ; que, dès lors, en l'absence de projet d'action ou d'opération d'aménagement réel répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, le conseil municipal a méconnu l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Eguilles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 21 décembre 2011 par laquelle le conseil municipal a exercé son droit de préemption sur la parcelle bâtie cadastrée section BD n° 292, ensemble la décision implicite rejetant le recours formé par les sociétés Hervé Promotion et Sofisal ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Hervé Promotion et Sofisal qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent quelque somme que ce soit à la commune d'Eguilles au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune d'Eguilles une somme 2 000 euros au titre des frais exposés par les sociétés Hervé Promotion et Sofisal et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Eguilles est rejetée.
Article 2 : La commune d'Eguilles versera aux sociétés Hervé Promotion et Sofisal la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Eguilles, à la société Hervé Promotion et à la société Sofisal.
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