Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 janvier 2012 et régularisée par courrier le 31 janvier suivant, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes ;
Le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1103978 du 16 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 22 septembre 2011 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B...E...et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Nice ;
Il soutient :
- que sa décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'atteinte qui aurait été portée à la vie privée et familiale de Mme D...et n'a pas, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, Mme D...ne prouve ni la date de son entrée en France, ni sa régularité, ni même sa présence sur le territoire français avant août 2005 ; qu'elle n'est pas non plus titulaire d'un visa de long séjour et a déjà fait l'objet le 20 septembre 2006 d'un refus de séjour devenu définitif ; que l'intéressée ne prouve pas la rupture du lien affectif entre ses trois enfants et leur père, ni la présence de son fils Osvaldo en France avant l'année 2010 ; que MmeD..., qui est hébergée chez une tante, n'établit pas la présence de sa mère sur le territoire français et conserve des attaches familiales au Cap-Vert ou au Portugal ; qu'elle déclare être séparée de son compagnon ; que la scolarisation de ses deux premiers enfants est très récente ; qu'enfin, la requérante ne démontre pas disposer des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 23 mars 2012 et régularisée par courrier le 27 mars suivant, présenté pour MmeD..., par MeA..., qui conclut :
- au rejet de la requête :
- à ce qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
- à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- qu'elle réside chez sa tante à Vallauris, avec ses trois enfants ; qu'elle s'est séparée du père de ses enfants à la fin de l'année 2009 et qu'elle n'a depuis lors plus aucune nouvelle de celui-ci ; qu'elle n'a plus aucune famille au Cap-Vert, son père résidant au Portugal, sa mère, ses oncles et tantes, son frère, sa grand-mère résidant en France ; que deux de ses enfants sont scolarisés à Vallauris et parfaitement intégrés, ainsi que l'établissent les attestations qu'elle produit ; que par suite, l'arrêté préfectoral attaqué a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- que l'arrêté préfectoral en litige méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que l'intérêt supérieur de ses enfants implique qu'ils puissent rester en France, pays dans lequel ils ont trouvé un équilibre familial et scolaire ;
- que pour les motifs précédemment développés, la décision du préfet des Alpes-Maritimes est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2014, le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;
1. Considérant que, par jugement en date du 16 décembre 2011, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 22 septembre 2011 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de délivrer un titre de séjour à MmeD..., de nationalité capverdienne, et a assorti ladite décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que le préfet des Alpes-Maritimes relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que MmeD..., qui justifie de la délivrance d'un visa de séjour par l'ambassade de France le 3 août 2004, déclare être entrée en France le 23 août 2004, à l'âge de vingt et un ans ; que les pièces produites par la requérante, notamment des documents médicaux, les carnets de santé de ses enfants et des certificats de scolarité, sont de nature à établir sa présence habituelle sur le territoire français depuis 2005 ; que de sa relation avec un ressortissant capverdien sont issus trois enfants, le premier étant né le 29 juin 2001 au Cap-Vert, les deux autres étant nés en France les 7 août 2005 et 6 août 2009 ; que Mme D...a versé aux débats des attestations, dont l'une émane d'un directeur d'école, qui corroborent l'allégation selon laquelle elle est séparée du père de ses enfants, qui est retourné vivre au Portugal en 2009 ; qu'il ressort également des pièces du dossier que l'intéressée réside à Vallauris chez l'une de ses tantes avec ses trois enfants, dont deux étaient scolarisés à la date de l'arrêté attaqué ; que Mme D..., dont le père vit au Portugal, établit que résident également en France sa mère, titulaire d'une carte nationale d'identité portugaise, son frère domicilié... ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard à la durée de séjour de l'intéressée en France et alors même que la présence de son fils aîné en France ne serait établie qu'à compter de l'année 2010, l'arrêté préfectoral en litige a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et, par suite, est intervenu en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 22 septembre 2011 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ;
6. Considérant que Mme D...demande à la Cour qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; que toutefois, il a déjà été fait droit à de telles conclusions en première instance ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'enjoindre à nouveau au préfet de délivrer à la requérante le titre de séjour qu'elle sollicite ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet des Alpes-Maritimes est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme D...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme D...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... E....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2014 où siégeaient :
- M. Cherrier, président de chambre,
- M. Martin, président assesseur,
- Mme Chenal-Peter, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2014.
Le rapporteur,
A-L. CHENAL-PETERLe président,
P. CHERRIER
Le greffier,
M. C...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 12MA00364 2
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