Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2012, présentée pour Mme B...C..., épouse D...demeurant..., par MeA... ;
Mme D...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902953 en date du 24 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en décharge de l'obligation de payer la somme de 119 003,30 euros procédant d'un avis à tiers détenteur du 9 juin 2009 émis pour paiement de cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de M. et Mme D...au titre des années 1986, 1987, 1988, 1990 et 1997, outre les frais y afférents ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros ;
4°) de condamner l'Etat à lui rembourser toutes les sommes perçues du fait de l'avis à tiers détenteur du 9 juin 2009 avec intérêts de droit depuis chaque encaissement et capitalisation des intérêts ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
....................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 4 de la loi du 6 Fructidor an II ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2014 :
- le rapport de Mme Paix, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., pour MmeD... ;
1. Considérant que Mme D...demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 24 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en décharge de l'obligation de payer la somme de 119 003,30 euros procédant d'un avis à tiers détenteur du 9 juin 2009 émis pour paiement de cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de M. et Mme D...au titre des années 1986, 1987, 1988, 1990 et 1997, outre les frais y afférents ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que Mme D...a soutenu devant les premiers juges que l'administration fiscale aurait méconnu les dispositions de la loi du 6 fructidor an II en mentionnant son nom marital et non son nom de jeune fille sur l'avis à tiers détenteur contesté ; qu'un tel moyen ne saurait être utilement soulevé par un redevable à l'appui de la contestation, devant le juge administratif, de son obligation de payer dès lors qu'il porte sur la régularité en la forme de l'acte de poursuite ; que, par suite, le tribunal administratif, en ne répondant pas à ce moyen inopérant, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ;
Sur l'obligation de payer :
En ce qui concerne l'obligation solidaire des époux :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1685 du code général des impôts, en vigueur durant les années au titre desquelles les impositions dont le recouvrement est recherché ont été établies : " (...) 2. Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu (...) " ;
4. Considérant que les impositions sur le revenu dont le recouvrement est recherché ont été établies au nom de M. et Mme D...au titre des années 1986, 1987, 1988, 1990 et 1997 ; que le comptable du Trésor a pu, par suite, rechercher à bon droit Mme D...en paiement de ces impositions même si elles procèdent principalement de revenus de son époux ; que, si la requérante entend soutenir que les impositions dont le recouvrement est recherché, dans la mesure où elles procédaient des revenus de la SCP Para-D..., société dans laquelle elle n'avait aucun intérêt, ne pouvaient être établies au nom du foyer fiscal qu'elle formait avec M.D..., elle n'établit ni même ne soutient qu'elle remplissait les conditions pour faire l'objet d'une imposition séparée ;
En ce qui concerne la prescription de l'action en recouvrement :
S'agissant des cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de M. et Mme D...au titre des années 1986, 1987 et 1988 :
5. Considérant que l'administration fait valoir que la prescription de l'action en recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de M. et Mme D...au titre des années 1986, 1987 et 1988, mises en recouvrement le 31 mai 1991, a été interrompue par un commandement de payer du 10 février 1992, une saisie conservatoire du 19 mai 1994, une saisie conservatoire du 6 mai 1998, un avis à tiers détenteur du 20 décembre 2000, un commandement de payer du 14 octobre 2004, un avis à tiers détenteur du 28 novembre 2005 et un avis à tiers détenteur du 11 octobre 2006 ;
6. Considérant que, pour contester l'effet interruptif de prescription de certains de ces actes de poursuite, Mme D...soutient, en premier lieu, que le commandement de payer du 10 février 1992 et la saisie conservatoire du 19 mai 1994 n'ont pas été précédés d'une lettre de rappel ; qu'un tel moyen, et le moyen subséquent tiré de ce que l'administration n'aurait pu appliquer les dispositions de l'article L. 260 du livre des procédures fiscales, ne sauraient être utilement soulevés à l'appui de la contestation, devant le juge administratif, de l'obligation de payer ; que la requérante ne saurait non plus se fonder sur l'autorité de la chose jugée que comporterait un jugement du tribunal administratif de Nice en date du 13 juin 2002 dès lors que ce jugement a été annulé, en ce qui concerne les conséquences à tirer de l'absence d'une lettre de rappel, par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 14 mai 2009 ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que le commandement de payer du 10 février 1992 a pu interrompre la prescription nonobstant le dépôt, postérieur, de la réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement présentée par M. D...le 14 février 1992 ; qu'en tout état de cause, la saisie conservatoire du 19 mai 1994, remise à M. D...le même jour, qui, comme il a été dit au point précédent comportait un effet interruptif, est intervenue avant l'expiration du délai de quatre ans courant à compter du 31 mai 1991 ;
8. Considérant, en troisième lieu, que le moyen de Mme D...tiré de ce que des avis à tiers détenteur ne pouvaient être régulièrement émis en 1994 alors que M. D...avait déposé une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement est inopérant dès lors que ces avis à tiers détenteur ne figurent pas au nombre des actes de poursuite cités par l'administration comme comportant un effet interruptif de prescription ; qu'il en va de même du moyen tiré de ce qu'un avis à tiers détenteur du 15 janvier 1995 aurait été irrégulier ;
9. Considérant qu'il résulte en outre de l'instruction que les actes de poursuite cités par l'administration comme comportant un effet interruptif de prescription ont bien été pris pour le recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de M. et Mme D...au titre des années 1986, 1987 et 1988, mises en recouvrement le 31 mai 1991 respectivement sous les numéros de rôle 53114, 53116 et 53111 ; qu'il résulte de l'instruction et plus particulièrement de l'examen des pièces produites par l'administration ou par la requérante elle-même que les actes de poursuite comportaient la mention des voies et délais de recours ; qu'il n'est pas contesté que l'un au moins des membres du foyer fiscal en a reçu notification ; que, par suite, l'action en recouvrement du comptable du Trésor n'était pas prescrite en ce qui concerne ces impositions ;
S'agissant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie au nom de M. et Mme D...au titre de l'année 1990 :
10. Considérant que l'administration fait valoir que la prescription de l'action en recouvrement de la cotisation d'impôt sur le revenu établie au nom de M. et Mme D...au titre de l'année 1990, mise en recouvrement le 30 juin 1992, a été interrompue par un commandement de payer du 30 avril 1993, un avis à tiers détenteur du 30 mai 1994, deux commandements de payer du 12 juin 1997, une saisie conservatoire du 6 mai 1998, un avis à tiers détenteur du 20 décembre 2000, un commandement de payer du 14 octobre 2004, un avis à tiers détenteur du 28 novembre 2005 et un avis à tiers détenteur du 11 octobre 2006 ;
11. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le commandement de payer du 30 avril 1996 serait illégal n'est pas assorti de précision suffisantes pour permettre au juge de se prononcer ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que, pour contester l'effet interruptif de prescription de certains de ces actes de poursuite, Mme D...soutient, en premier lieu, que, pour la période allant du 30 décembre 1991 au 1er janvier 2001, le recours de l'administration fiscale à la procédure de l'avis à tiers détenteur était contraire aux articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où l'article L. 263 du livre des procédures fiscales conférait à un tel avis l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et où le contribuable ne disposait plus d'un recours ;
13. Considérant, toutefois, que la prescription de l'action en recouvrement peut être interrompue par la notification d'un avis à tiers détenteur quel que soit l'effet d'attribution immédiate conféré à un tel avis par les dispositions de l'article L. 263 du livre des procédures fiscales ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, tout redevable disposait, pendant la période considérée, d'un recours effectif en faisant opposition aux poursuites devant le juge compétent ;
14. Considérant, en troisième lieu, que Mme D...soutient que le recours à la procédure d'avis à tiers détenteur méconnaissait la décision 86-224 DC rendue par le Conseil constitutionnel le 23 janvier 1987 ; qu'à supposer que, par ce moyen, elle entende invoquer l'inconstitutionnalité de l'article L. 263 du livre des procédures fiscales, un tel moyen n'a pas été présenté dans les formes prévues aux articles LO 771-1, LO 771-2 et R. 771-3 à R. 771-12 du code de justice administrative, applicables, contrairement à ce que soutient la requérante, même aux exceptions d'inconstitutionnalité de dispositions législatives qui ne sont plus en vigueur, et notamment pas par le mémoire distinct et motivé prévu à l'article R. 771-3 du code de justice administrative ; que le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté comme irrecevable ;
15. Considérant qu'il résulte en outre de l'instruction que les actes de poursuite cités par l'administration comme comportant un effet interruptif de prescription ont bien été pris pour le recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de M. et Mme D...au titre de l'année 1990 sous le numéro de rôle 53111 ; qu'il résulte de l'instruction et plus particulièrement de l'examen des pièces produites par l'administration que les actes de poursuite comportaient la mention des voies et délais de recours ; qu'il n'est pas contesté que l'un au moins des membres du foyer fiscal en a reçu notification ; que, par suite, l'action en recouvrement du comptable du Trésor n'était pas prescrite en ce qui concerne cette imposition ;
S'agissant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie au nom de M. et Mme D...au titre de l'année 1997 :
16. Considérant que l'administration fait valoir que la prescription de l'action en recouvrement de la cotisation d'impôt sur le revenu établie au nom de M. et Mme D...au titre de l'année 1997, mise en recouvrement le 20 juillet 1998, a été interrompue par un commandement de payer du 17 novembre 1998, un commandement de payer du 10 mai 2000, un avis à tiers détenteur du 20 décembre 2000, une saisie-vente du 29 janvier 2001, un avis à tiers détenteur du 20 décembre 2000, un commandement de payer du 14 octobre 2004 et un avis à tiers détenteur du 27 octobre 2006 ;
17. Considérant, en premier lieu, que, pour contester l'effet interruptif de prescription de certains de ces actes de poursuite, Mme D...soutient que les commandements de payer et la saisie n'ont pas été précédés d'une lettre de rappel ; que, comme il a été dit au point 6, un tel moyen ne saurait être utilement soulevé à l'appui de la contestation, devant le juge administratif, de l'obligation de payer ;
18. Considérant, en second lieu, que la contestation de la légalité des avis à tiers détenteur au motif de leur inconventionnalité ou de leur inconstitutionnalité doit être écartée par les mêmes motifs que ceux retenus aux points 12 à 14 ;
19. Considérant qu'il résulte en outre de l'instruction que les actes de poursuite cités par l'administration comme comportant un effet interruptif de prescription ont bien été pris pour le recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de M. et Mme D...au titre de l'année 1997 sous le numéro de rôle 53116 ; qu'il résulte de l'instruction et plus particulièrement de l'examen des pièces produites par l'administration que les actes de poursuite comportaient la mention des voies et délais de recours ; qu'il n'est pas contesté que l'un au moins des membres du foyer fiscal en a reçu notification ; que, par suite, l'action en recouvrement du comptable du Trésor n'était pas prescrite en ce qui concerne cette imposition ;
20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin de restitution, avec intérêts, de sommes versées ;
Sur la demande de Mme D...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros :
21. Considérant que la longueur de la procédure de recouvrement mise en oeuvre par les services de l'Etat tient essentiellement à la carence de Mme D...et de M. D...à s'acquitter du paiement de leurs dettes fiscales ; que la requérante n'établit l'existence d'aucune faute de l'administration fiscale ; que, par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :
22. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3000 euros " ; que, si le ministre demande à la Cour, usant de ses pouvoirs propres, de condamner Mme D...au paiement d'une amende sur le fondement de cet article, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'infliger à la requérante une telle amende ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme D...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D...la somme que demande l'Etat en application du même article ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre des finances et des comptes publics tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 et de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques des Bouches-du-Rhône.
''
''
''
''
2
N° 12MA01195
sm