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23/06/2014 | FRANCE | N°12MA04671

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 23 juin 2014, 12MA04671


Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le numéro 12MA04671, présentée pour la SARL B...exploitation forestière de Lure, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est La Combe à Mallefougasse Auges (04230), la SARL mélèze bois rond scierie, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est La Combe à Mallefougasse Auges (04230), M. A...et Mme D... B..., demeurant..., par Me F...;

La SARL B...exploitation forestière de Lure et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler l

e jugement n° 1008311 du 24 septembre 2012 du tribunal administratif de Marseill...

Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le numéro 12MA04671, présentée pour la SARL B...exploitation forestière de Lure, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est La Combe à Mallefougasse Auges (04230), la SARL mélèze bois rond scierie, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est La Combe à Mallefougasse Auges (04230), M. A...et Mme D... B..., demeurant..., par Me F...;

La SARL B...exploitation forestière de Lure et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1008311 du 24 septembre 2012 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Mallefougasse à verser la somme de 22 788 euros à la SARL B...exploitation forestière de Lure, de 23 085 euros à la SARL mélèze bois rond scierie, et de 15 000 euros à M. et Mme B...à titre de dommages et intérêts ;

2°) de condamner la commune de Mallefougasse à verser ces mêmes sommes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mallefougasse une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :

- le rapport de M. Salvage, premier-conseiller,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me E...pour la SARL B...exploitation forestière de Lure et de Me C...pour la commune de Mallefougasse ;

1. Considérant que par le jugement contesté du 24 septembre 2012 le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande, en premier lieu, de la SARL B...exploitation forestière de Lure tendant à la condamnation de la commune de Mallefougasse à lui verser la somme de 22 788 euros, en deuxième lieu de la SARL mélèze bois rond scierie tendant à ce que la même commune lui verse la somme de 23 085 euros et en troisième lieu de M. et Mme B...tendant à ce qu'elle lui verse la somme de 15 000 euros au titre des préjudices respectifs qu'ils prétendent avoir subis du fait du classement de la parcelle B n° 397 en zone A du plan local d'urbanisme (PLU) adopté le 4 mars 2006 ;

Sur les conclusions à fins indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu " ;

3. Considérant que les dispositions sus rappelées de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, qui, instituent un régime d'indemnisation exclusif de tout autre mode de réparation,

ne posent pas un principe général et absolu, mais l'assortissent expressément de deux exceptions touchant aux droits acquis par les propriétaires et à la modification de l'état antérieur des lieux ; qu'elles ne font en outre pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;

4. Considérant que les appelants soutiennent qu'en classant la parcelle B n°397 en zone A sans tenir compte de l'activité forestière de la société B...exploitation forestière de Lure et de l'activité de scierie de la société mélèze bois rond, la commune a causé à chacun un dommage grave et spécial excédant les aléas que doivent normalement supporter un exploitant forestier et une société ayant une activité complémentaire ; qu'ils n'allèguent ainsi pas rentrer dans l'une des deux hypothèses sus mentionnées prévues par l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ; que, par ailleurs, en se bornant à prétendre que leurs activités existantes n'auraient pas été prises en compte, ils n'établissent pas que la charge qu'ils supportent serait hors de proportion avec le but d'intérêt général poursuivi ; que la responsabilité sans faute de la commine ne saurait ainsi être retenue ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

5. Considérant que si le législateur a institué un régime d'indemnisation exclusif de tout autre mode de réparation comme il l'a été dit, les dispositions suscitées de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ne font pas obstacle à ce que la responsabilité pour faute d'une commune soit retenue notamment si le classement de certaines parcelles par le PLU n'a pas été légalement institué ;

S'agissant de la prétendue faute commise à l'encontre des deux sociétés appelantes :

6. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que, s'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif dans le cas où elle serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste, fondée sur des faits matériellement inexacts ou procéderait d'un détournement de pouvoir ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme exposent le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et précisent les besoins répertoriés en matière de développement économique, d'agriculture, d'aménagement de l'espace, d'environnement, d'équilibre social de l'habitat, de transports, d'équipements et de services. (...). Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions ... " ; que selon les dispositions de l'article R. 123-7 de ce code dans sa rédaction alors en vigueur : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. / Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole sont seules autorisées en zone A. Est également autorisé, en application du 2° de l'article R. 123-12, le changement de destination des bâtiments agricoles identifiés dans les documents graphiques du règlement " et qu'aux termes de l'article R. 123-8 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels. / En zone N peuvent être délimités des périmètres à l'intérieur desquels s'effectuent les transferts des possibilités de construire prévus à l'article L. 123-4. Les terrains présentant un intérêt pour le développement des exploitations agricoles et forestières sont exclus de la partie de ces périmètres qui bénéficie des transferts de coefficient d'occupation des sols. / En dehors des périmètres définis à l'alinéa précédent, des constructions peuvent être autorisées dans des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées, à la condition qu'elles ne portent atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages " ;

8. Considérant que les appelants soutiennent que, eu égard à leurs activités, la parcelle B n° 397 aurait dû être classée en zone N du PLU et non en zone A ; qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle en cause était classée en zone NC par le plan d'occupation des sols avant d'être classée en zone A par le PLU ; que le rapport de présentation du PLU précise que la zone A correspond au terroir agricole de Mallefougasse et qu'elle concerne les meilleures terres agricoles de la commune ; que si les appelants soutiennent que les terres en cause, qui comme il a été dit étaient déjà classées en zone NC, ne présentent pas un potentiel agronomique, biologique ou économique, elles ne produisent aucun début de preuve en ce sens ; que si la parcelle B n° 397 est bordée par un bois, elle n'est elle-même pas boisée ; que la seule circonstance que cette parcelle supporterait des constructions qui sont nécessaires à une activité d'exploitation forestière et une scierie n'est pas de nature à influer sur le classement des parcelles en cause alors que, quelle que soit la qualification de l'activité des appelantes, agricoles ou non, les allégations de la commune selon lesquelles les constructions existantes n'auraient pas été autorisées au regard de la règlementation d'urbanisme ne sont pas utilement contredites, un récépissé de déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ne suffisant pas à cet égard ; qu'ainsi, le classement de la parcelle en litige n'est entaché ni d'erreur de droit, ni d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation ; que la commune n'a dès lors commis aucune illégalité fautive en procédant au dit classement ;

S'agissant de la prétendue faute commise à l'encontre de M. et MmeB... :

9. Considérant que l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général " et que l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité " ;

10. Considérant que, comme l'a jugé le tribunal administratif, si M. et Mme B...soutiennent que le classement en zone A de leur parcelle de terrain constitue une atteinte excessive au droit au respect de leurs biens, compte tenu de l'entrave à la pleine jouissance du droit de sa propriété et de la restriction de l'usage de ces derniers tel qu'ils ne peuvent demander les autorisations d'urbanisme nécessaires au développement des activités des deux sociétés appelantes, ce classement n'a pas pour objet ni pour effet de les priver de la propriété de leur bien mais de réglementer le droit de l'occupation du sol qui relève de l'usage d'un tel bien ; qu'en outre, les stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, laissent au législateur une marge d'appréciation étendue, en particulier pour mener une politique d'urbanisme, tant pour choisir les modalités de mise en oeuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi ; que, par suite, les moyens tirés de la violation des dispositions précitées de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être accueillis ; qu'il s'ensuit que la commune de Mallefougasse n'a pas davantage commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. et Mme B...;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mallefougasse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL B...exploitation forestière de Lure, de la SARL mélèze bois rond scierie et des époux B...le versement à la commune de Mallefougasse d'une somme de 650 euros chacun au titre des frais de même nature qu'elle a exposés, soit au total 1 950 euros ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la SARL B...exploitation forestière de Lure, la SARL mélèze bois rond scierie et les époux B...est rejetée.

Article 2 : La SARL B...exploitation forestière de Lure, la SARL mélèze bois rond scierie et les époux B...verseront, chacun, à la commune de Mallefougasse la somme de 650 (six cent cinquante) euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL B...exploitation forestière de Lure, à la SARL mélèze bois rond scierie, aux époux B...et à la commune de Mallefougasse.

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N° 12MA04671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA04671
Date de la décision : 23/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Frédéric SALVAGE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : STMR AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-06-23;12ma04671 ?
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