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23/06/2014 | FRANCE | N°12MA00790

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 23 juin 2014, 12MA00790


Vu la requête, enregistrée le 24 février 2012 au greffe de la cour administrative d'appel, sous le numéro 12MA00790 présentée par le préfet de l'Hérault ;

Le préfet de l'Hérault demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1200375 du 30 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté en date du 2 décembre 2011 en tant qu'il oblige M. B...à quitter le territoire à destination de son pays d'origine et l'arrêté du 27 janvier 2012 ordonnant son placement en rétention administrative ;

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Vu les ...

Vu la requête, enregistrée le 24 février 2012 au greffe de la cour administrative d'appel, sous le numéro 12MA00790 présentée par le préfet de l'Hérault ;

Le préfet de l'Hérault demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1200375 du 30 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté en date du 2 décembre 2011 en tant qu'il oblige M. B...à quitter le territoire à destination de son pays d'origine et l'arrêté du 27 janvier 2012 ordonnant son placement en rétention administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :

- le rapport de M. Salvage, premier-conseiller,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

1. Considérant que, par jugement du 30 janvier 2012, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 2 décembre 2011 en tant qu'il oblige M.B..., de nationalité somalienne, à quitter le territoire à destination de son pays d'origine et l'arrêté du 27 janvier 2012 ordonnant son placement en rétention administrative ; que le préfet de l'Hérault demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé les deux décisions sus mentionnées de l'arrêté du 2 décembre 2011 ;

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office " ;

3. Considérant que, par une décision du 21 novembre 2011, le directeur général de l'OFPRA a rejeté la demande d'asile déposée par M. B...au motif que l'intéressé, qui ne produisait aucun document d'identité ou de voyage, avait rendu volontairement impossible l'identification de ses empreintes digitales et qu'ainsi, il ne permettait pas à l'Office de se prononcer sur le bien-fondé de sa demande ; que, ce faisant, le directeur général de l'OFPRA ne s'est pas borné à refuser d'enregistrer la demande dont il était saisi par l'intéressé mais lui a refusé, sur le fondement des dispositions mentionnées à l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le bénéfice de l'asile ; que c'est ainsi à tort que le magistrat délégué a, par le jugement contesté, estimé que l'OFPRA a refusé d'examiner la demande d'asile et qu'ainsi l'arrêté du 27 janvier 2012, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixe le pays de destination, qui reposait sur le motif tiré de ce que ladite demande d'asile avait été instruite dans le cadre de la procédure prioritaire, était entaché d'inexactitude matérielle ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen qu'il soulève, que le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 2 décembre 2011 en tant qu'il fait obligation à M. B...de quitter le territoire français et fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement au motif tiré d'une méconnaissance de l'article L 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de l'arrêté du 2 décembre 2011 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La Cour nationale du droit d'asile statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, prises en application des articles L. 711-1, L. 712-1 à L. 712-3 et L. 723-1 à L. 723-3 (...) " ; que le 1° de l'article R. 733-6 de ce code précise que cette juridiction statue, notamment, sur les recours formés contre les décisions de l'office accordant ou refusant le bénéfice de l'asile ;

7. Considérant que M. B...soutient que l'OFPRA aurait dû réexaminer sa demande en application d'une ordonnance n° 354907 du juge des référés du Conseil d'Etat du 11 janvier 2012 " La Cimade et autres " ; que comme il l'a été dit l'OFPRA doit être regardé comme ayant rejeté la demande de l'intéressé ; qu'en application des dispositions sus rappelées de l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et comme il a d'ailleurs été jugé dans l'ordonnance précitée, la juridiction compétente pour connaître d'une contestation quant au contenu d'une décision de l'OFPRA est la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et non le juge administratif de droit commun ; qu'un tel moyen est dès lors irrecevable ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant excipe de l'illégalité de la décision portant refus d'admission provisoire au séjour en date du 16 septembre 2011 ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 8° de l'article L. 314-11 du même code, que l'examen d'une demande de séjour au titre de l'asile peut conduire successivement à l'intervention d'une décision du préfet sur l'admission provisoire au séjour en France pour permettre l'examen de la demande d'asile, puis d'une décision de l'OFPRA, et, le cas échéant, d'une décision de la CNDA, enfin, d'une décision du préfet statuant sur le séjour en France, le cas échéant à un autre titre que l'asile et éventuellement assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que les décisions par lesquelles le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et l'oblige à quitter le territoire français ne sont pas prises pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour que la décision prise sur l'admission au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen invoquant, par voie d'exception, l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour opposé à un demandeur d'asile, aux motifs que la notification de la décision a été faite dans une langue que l'intéressé ne comprend pas, que la même décision n'a pas été traduite à l'écrit, qu'elle ne pouvait se fonder sur une présomption de fraude, qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien oral et qu'une seule prise d'empreinte à l'encre et EURODAC a été effectuée le même jour, ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre les décisions par lesquelles le préfet, après la notification du rejet par l'OFPRA de la demande d'asile traitée dans le cadre de la procédure prioritaire, refuse le séjour et oblige l'étranger à quitter le territoire français ;

9. Considérant, en troisième lieu, que dès lors qu'il avait refusé l'admission provisoire au séjour de M. B...en vertu du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault pouvait légalement, sur le fondement de l'article L. 742-6 du même code, refuser de délivrer à ce dernier un titre de séjour et l'obliger à quitter le territoire français sans attendre l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile, ni, le cas échéant, que celle-ci ait statué, sans pour autant méconnaitre le droit d'asile ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que, si l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorise le préfet à prendre une mesure d'éloignement à l'égard de l'étranger dont l'admission provisoire au séjour a été refusée sur le fondement du 2° ou du 4° de l'article L. 741-4 de ce code aussitôt que la demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, d'une part l'intéressé peut contester devant le tribunal administratif les motifs de sa non-admission au séjour et demander, notamment, le sursis à exécution de cette décision, d'autre part, les articles L. 512-1 et suivants du même code permettent à l'étranger de former un recours en annulation devant le tribunal contre la mesure d'éloignement ; qu'en vertu de l'article L. 513-1, celle-ci ne peut être mise à exécution tant que le délai de recours n'a pas expiré ; qu'en outre, l'exercice d'un tel recours a lui-même pour effet de suspendre l' exécution de la mesure jusqu'à la décision du tribunal ; qu'à l'occasion de sa demande d'annulation, l'étranger peut faire valoir les risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il suit de là que la mesure d'éloignement ne peut être exécutée sans que l'étranger n'ait été mis à même de soumettre à un juge impartial et indépendant l'appréciation de son droit à se maintenir en France compte tenu des dangers qu'il encourrait s'il devait être renvoyé dans son pays d'origine ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 39 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 doit être écarté ;

11. Considérant qu'en l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas eu pour effet d'empêcher M. B... de saisir la cour nationale du droit d'asile d'un recours contre la décision de l'OFPRA du 16 septembre 2011 ; que, de même, l'intéressé aurait pu contester devant les juridictions administratives, y compris par la voie d'une demande de sursis à exécution, la décision ayant refusé son admission provisoire au séjour et impliquant l'examen de sa demande d'asile selon la procédure dite prioritaire ; que, s'il s'en est abstenu, il a formé en revanche une demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination prises à son encontre devant le tribunal administratif de Montpellier, par un recours ayant eu pour effet de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement le concernant ; que l'intéressé a donc pu présenter utilement sa défense et avait d'ailleurs obtenu gain de cause devant le premier juge ; que, dans ces circonstances, il n'apparait pas que M. B...ait été privé de son droit à un recours effectif ; que, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle du seul fait qu'elle est intervenue avant la décision de la CNDA ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant, en premier lieu, que comme il a été dit M. B...a bénéficié d'un droit au recours effectif ; qu'il n'établit pas être exposé personnellement à des risques pour sa vie ou sa liberté en cas de retour en Somalie en se bornant à faire état de la situation générale régnant dans ce pays ; que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3 et de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait dès lors être accueilli, pas plus que celui tiré d'une erreur manifeste d'appréciation quant au pays de destination du seul fait que les autorités somaliennes ne reconnaitraient pas leurs ressortissants ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que l'exception d'illégalité de la décision portant refus d'autorisation provisoire au séjour, au motif que l'intéressé n'a pas pu bénéficier des conditions matérielles d'accueil prévues pour les demandeurs d'asile est inopérant ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 2 décembre 2011, en tant qu'il oblige M. B...à quitter le territoire et fixe le pays de destination ;

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1200375 du 30 janvier 2012 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2011 du préfet de l'Hérault en ce qu'il l'oblige à quitter le territoire et fixe le pays de destination est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault

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N° 12MA00790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00790
Date de la décision : 23/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Frédéric SALVAGE
Rapporteur public ?: M. REVERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-06-23;12ma00790 ?
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