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20/06/2014 | FRANCE | N°12MA01762

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 20 juin 2014, 12MA01762


Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 12MA01762, présentée pour la SCI Cap Thalassa, dont le siège est Hermès Park avenue d'Haïfa à Marseille (13008), par MeD... ;

La SCI Cap Thalassa demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803719 du 7 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Roquebrune-Cap-Martin à lui verser la somme de 516 926 euros à titre de dommages et intérêts ;

2°) de condamner la commune

de Roquebrune-Cap-Martin à lui verser ladite somme ;

3°) de mettre à la charge de ...

Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 12MA01762, présentée pour la SCI Cap Thalassa, dont le siège est Hermès Park avenue d'Haïfa à Marseille (13008), par MeD... ;

La SCI Cap Thalassa demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803719 du 7 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Roquebrune-Cap-Martin à lui verser la somme de 516 926 euros à titre de dommages et intérêts ;

2°) de condamner la commune de Roquebrune-Cap-Martin à lui verser ladite somme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Roquebrune-Cap-Martin une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2014 ;

- le rapport de Mme Simon, première-conseillère,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me B...substituant Me D...pour la SCI Cap Thalassa et de Me C...substituant Me E...pour la commune de Roquebrune-Cap-Martin ;

1. Considérant que, par un arrêté du 10 juillet 1989, le maire de la commune de Roquebrune-Cap-Martin a délivré un permis de construire à la SCI Cap Thalassa en vue de réaliser un immeuble collectif à usage d'habitat et de bureaux ; que ce permis était accompagné de prescriptions relatives notamment à l'élargissement d'une voie publique dont l'exécution a été précisée dans l'annexe III de la convention signée le 22 novembre 1991 entre la commune de Roquebrune-Cap-Martin et la société Progéréal, mandataire de la SCI Cap Thalassa ; qu'au nombre de ces prescriptions figurait, pour cette société, l'obligation d'acquérir une maisonnette appartenant à M. et Mme A...en vue de sa cession à la commune moyennant le versement d'un franc symbolique ; qu'elle a acquis ce bien immobilier au prix de 274 408,23 euros hors taxes (1 800 000 francs) par acte notarié du 21 janvier 1992 ; que, par un arrêt du 3 mai 2007, la cour de céans a, en l'absence de rétrocession du bien immobilier au profit de la commune de Roquebrune-Cap-Martin, rejeté la requête de la société dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Nice du 17 décembre 2003 refusant de faire droit à l'action en répétition de l'indu engagée par la SCI Cap Thalassa sur le fondement de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur et tendant au remboursement de cette participation qu'elle estimait illégale ; que la SCI Cap Thalassa a revendu ce bien immobilier à un tiers par acte notarié du 15 octobre 2007 pour un montant de 250 000 euros ; que la SCI Cap Thalassa interjette appel du jugement en date du 7 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune Roquebrune-Cap-Martin à l'indemniser du préjudice financier qu'elle estime avoir subi résultant d'une part, de la différence entre le prix d'achat et de revente du bien immobilier et, d'autre part, du coût de l'immobilisation de la somme de 325 448,16 euros correspondant au prix d'acquisition de ladite propriété toutes taxes comprises ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Roquebrune-Cap-Martin :

2. Considérant que, par la présente action, la société appelante tend à obtenir la réparation de deux préjudices distincts de celui résultant du coût total de l'acquisition de la maisonnette des épouxA... ; que dès lors, la commune de Roquebrune-Cap-Martin n'est pas fondée à soutenir que l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt sus mentionné de la Cour de céans du 3 mai 2007 fait obstacle à ce qu'elle soit examinée sur le fond ;

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune Roquebrune-Cap-Martin :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.(...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de ladite loi : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. " ; et qu'enfin son article 3 prévoit : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement " ;

4. Considérant que le fait générateur de la créance de la société appelante est la convention sus mentionnée du 22 novembre 1991 dont l'intéressée ne pouvait ignorer la nullité du fait de sa qualité de professionnelle de l'immobilier ; que, toutefois, elle n'a eu connaissance de l'existence de son préjudice, non pas à la date à laquelle elle a acquis le bien des épouxA..., mais à celle à laquelle la commune a renoncé à son projet d'élargissement de la voie publique et, par suite, au bénéfice de clause illégale de la convention, soit au cours de l'année 1997 comme le révèle de procès-verbal de difficulté établi à ce sujet le 28 février 1997 ; qu'ainsi, le délai de prescription ne pouvait commencer à courir avant le 1er janvier 1998 ; que, cependant, la société SCI Cap Thalassa a exercé dés le 11 juillet 1997 un recours devant le tribunal administratif de Nice tendant comme il a été dit précédemment à la condamnation de la commune de Roquebrune-Cap-Martin à lui payer une somme correspondant au remboursement de cette participation illégale au regard des dispositions de l'article L. 332-1 et suivants du code de l'urbanisme ; que, dés lors que le fait générateur était le même que celui ici invoqué, un nouveau délai de quatre ans a couru à compter du 1er janvier 2008, année suivant laquelle le jugement du 17 décembre 2003 est passé en force de chose jugée suite à sa confirmation par la Cour de céans le 3 mai 2007 ; qu'il suit de tout de ce qui précède que la prescription quadriennale n'était pas acquise lorsque par lettre en date du 5 mai 2008 la société a saisi le maire de la commune de Roquebrune-Cap-Martin d'une demande préalable d'indemnisation ;

Sur la responsabilité de la commune de Roquebrune-Cap-Martin :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme alors applicable : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du code général des impôts ou de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics mentionnées à l'article L. 332-6-1.(...) 3° La réalisation des équipements propres mentionnées à l'article L. 332-15 . Les taxes ou contributions qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions du présent article sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement des taxes ou contributions ou de l'obtention des prestations indûment exigées. Les sommes à rembourser portent intérêt au taux légal " ; qu'aux termes de l'article L. 332-6-1 du même code alors applicable : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : 1° a) La participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols prévue à l'article L. 332-1 ; b) Le versement pour dépassement du plafond légal de densité prévu à l'article L. 112-2 ; c) La taxe départementale des espaces naturels sensibles prévue à l'article L. 142-2 ; d) La taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement prévue à l'article 1599 B du code général des impôts ; e) La taxe spéciale d'équipement prévue à l'article 1599 OB du code général des impôts. 2° a) La participation pour raccordement à l'égout prévue à l'article L. 35-4 du code de la santé publique ; b) La participation destinée à la réalisation de parcs publics de stationnement prévue au troisième alinéa de l'article L. 421-3 ; c) La participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels prévue à l'article L. 332-8 ; d) La participation demandée pour la réalisation des équipements des services publics industriels ou commerciaux concédés, affermés ou exploités en régie dès lors que ces équipements sont rendus nécessaires par la réalisation de l'opération ; e) Les cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages publics qui, dans la limite de 10 p. 100 de la superficie du terrain auquel s'applique la demande, peuvent être exigées des bénéficiaires d'autorisations portant sur la création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces construites ; 3° La participation des riverains prévue par la législation applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, celle-ci pouvant être actualisée pour tenir compte du délai écoulé entre la date de réalisation des travaux concernés et le montant de perception de cette participation. Elle peut également inclure les frais de premier établissement de l'éclairage public " ; que ces dispositions qui ont un caractère d'ordre public fixent de façon limitative les contributions qui peuvent être mises à la charge des constructeurs à l'occasion de la délivrance du permis de construire ; qu'il en résulte qu'aucune autre participation ne peut leur être demandée ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'aux termes de l'annexe III de la convention conclue le 22 novembre 1991 entre la commune de Roquebrune-Cap-Martin et la société Progéréal, mandataire de la SCI Cap Thalassa, cette dernière devait acquérir, avant tout commencement de travaux, comme il a déjà été dit la maisonnette appartenant à M. et Mme A... et la céder pour le franc symbolique à la commune qui en exécuterait la démolition ; qu'une telle participation, qui est dépourvue de fondement légal, ne pouvait être mise à la charge du bénéficiaire de l'autorisation de construire ; que la mise à la charge de la société de cette participation illégale constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Roquebrune-Cap-Martin à l'égard de la SCI Cap Thalassa ;

7. Mais considérant que, comme il a déjà été dit au point 4, en sa qualité de professionnelle de l'immobilier, la SCI Cap Thalassa ne pouvait ignorer la nullité de la convention qu'elle a néanmoins signée le 22 novembre 1991 et a commis ainsi une faute de nature à exonérer la commune de la moitié de sa responsabilité ;

Sur le préjudice et son évaluation :

8. Considérant que la société appelante ne peut prétendre qu'à la seule indemnisation des préjudices directs et certains en résultant de la faute commise par la commune ;

9. Considérant, en premier lieu, que, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la commune de Roquebrune-Cap-Martin n'a exercé aucun rôle dans la détermination du prix d'achat du bien immobilier et du prix de sa revente ; que, par suite, le préjudice correspondant à la différence de valeur entre le prix d'achat de ladite propriété et sa revente n'est pas en lien direct avec la faute commise et cela alors même que le prix d'achat aurait été largement surévalué comme le soutient la société appelante ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SCI Cap Thalassa n'aurait pas pu revendre son bien avant 2007 alors que, comme il a été vu précédemment, elle savait dés 1997 que la commune avait renoncé au bénéfice de la clause illégale de restitution du bien à un franc symbolique ; que, par suite, seul le préjudice pour la période allant du 21 janvier 1992 au 28 février 1997 lié à l'immobilisation du capital, conséquence directe de la faute commis par la commune, doit être indemnisé par une somme égale au montant des intérêts au taux légal, les dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme prévoyant un taux légal majoré de cinq points n'étant pas applicables au présent litige ; que, compte tenu du partage de responsabilité pour moitié entre la société et la commune, il y a lieu de condamner cette dernière à verser à la première une somme correspondant à la moitié des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 1992 jusqu'au 28 février 1997 calculés sur la somme correspondante au prix d'achat du bien de M. et MmeA... ;

11. Considérant que la SCI Cap Thalassa est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dans son entier ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SCI Cap Thalassa, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune de Roquebrune-Cap-Martin quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ladite commune une quelconque somme au titre des dispositions précitées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 0803719 du 7 mars 2012 est annulé.

Article 2 : La commune de Roquebrune-Cap-Martin est condamnée à verser à titre de dommages et intérêts à la SCI Cap Thalassa une somme correspondant à la moitié des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 1992 jusqu'au 28 février 1997 calculés sur la somme correspondante au prix d'achat du bien de M. et MmeA....

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la SCI Cap Thalassa est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Roquebrune-Cap-Martin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à SCI Cap Thalassa et à la commune de Roquebrune-Cap-Martin.

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N° 12MA01762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01762
Date de la décision : 20/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis - Permis assorti de réserves ou de conditions - Objet des réserves ou conditions - Participations financières imposées aux constructeurs.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CABINET STEMMER-BRICE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-06-20;12ma01762 ?
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