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19/06/2014 | FRANCE | N°12MA03846

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 19 juin 2014, 12MA03846


Vu la requête, enregistrée le 14 septembre 2012, présentée pour Mme D...E..., demeurant..., par MeB... ; Mme E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104053 du 16 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que le tribunal désigne un expert afin de procéder à l'évaluation de ses préjudices et à la condamnation solidaire de l'Office national des forêts (ONF) et de la commune d'Allos à réparer les préjudices résultant de l'accident dont elle a été victime le 25 avril 2008 ;

2°) de faire droit

à ses conclusions de première instance et de dire que l'indemnité portera intérêts...

Vu la requête, enregistrée le 14 septembre 2012, présentée pour Mme D...E..., demeurant..., par MeB... ; Mme E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104053 du 16 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que le tribunal désigne un expert afin de procéder à l'évaluation de ses préjudices et à la condamnation solidaire de l'Office national des forêts (ONF) et de la commune d'Allos à réparer les préjudices résultant de l'accident dont elle a été victime le 25 avril 2008 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance et de dire que l'indemnité portera intérêts à compter du 18 mars 2011, date de réception de la première demande, ceux-ci étant capitalisés annuellement pour produire eux-mêmes intérêts conformément aux articles 1153 et 1154 du code civil ;

3°) de mettre à la charge solidairement de l'ONF et de la commune d'Allos le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 février 2013, présenté pour la commune d'Allos, par MeF..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de MmeE... ;

...........................

Vu le mémoire, enregistré le 28 août 2013, présenté pour le Parc national du Mercantour, par MeC..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............................

Vu l'ordonnance en date du 27 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 17 février 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 février 2014, présenté pour MmeE..., qui maintient ses conclusions précédentes, subsidiairement chiffre ses prétentions indemnitaires à la somme de 20 000 euros, par les mêmes moyens ;

................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me B...pour MmeE..., de Me A...substituant Me C... pour le Parc national du Mercantour et de Me F...pour la commune d'Allos ;

1. Considérant que MmeE..., victime d'un accident survenu le 25 avril 2008 lors d'une randonnée pédestre dans la forêt du Haut Verdon à proximité du chemin de grande randonnée 56 B sur le territoire de la commune d'Allos, relève appel du jugement du 16 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la désignation d'un expert afin de procéder à l'évaluation de ses préjudices et à la condamnation solidaire de l'Office national des forêts (ONF) et de la commune d'Allos à réparer les préjudices résultant de cet accident ;

Sur les conclusions dirigées contre l'Office national des forêts :

2. Considérant que Mme E...faisait partie d'un groupe de quatre randonneurs comprenant ses parents et un ami ; que, voulant faire une pause pour déjeuner, le groupe s'est écarté du chemin pour gravir une pente sur laquelle se trouvaient des grumes, résidus d'une opération d'abattage de trois arbres qui avait eu lieu 10 mois auparavant, financée par la commune d'Allos et supervisée par l'ONF ; que lorsque les deux randonneurs se sont assis sur un tronc de 10 mètres de long et de 45 centimètres de diamètre, celui-ci s'est mis en mouvement et a roulé sur les deux randonneuses qui, ayant quitté le chemin, se trouvaient en contrebas ; que Mme E...estime que son accident est imputable aux conditions dans lesquelles les arbres abattus ont été laissés sur place après la coupe ;

3. Considérant que lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique et ne peuvent donc être exercées que par un service public administratif ;

4. Considérant qu'en décidant d'abattre trois arbres dans le cadre de l'entretien d'une forêt domaniale et en faisant financer cette opération par la commune d'Allos qui y trouvait un intérêt touristique, l'ONF n'a mis en oeuvre aucune prérogative de puissance publique ; qu'il s'ensuit qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître des conclusions de Mme E...tendant à ce que la responsabilité de l'ONF soit engagée à raison des conséquences de l'opération d'abattage comme à raison de la méconnaissance du règlement national d'exploitation forestière, qui, d'ailleurs, n'avait pas été adopté à la date à laquelle ces arbres ont été abattus ; que les conclusions dirigées par Mme E...doivent, dès lors, être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur les conclusions dirigées contre la commune d'Allos :

5. Considérant, en premier lieu, que Mme E...soutient que les travaux d'abattage auxquels elle impute son accident, ayant été effectués pour le compte de la commune d'Allos et engagés en vue d'améliorer l'accueil du public sur une partie du territoire communal en aménageant une fenêtre forestière sur la cascade du Chaudoulin, présentent le caractère de travaux publics ; qu'elle revendique, à cet égard, le régime d'indemnisation applicable aux victimes de dommages de travaux publics ;

6. Considérant, toutefois, qu'eu égard au caractère mobilier de la grume à l'origine de l'accident, aucun ouvrage public, a fortiori communal, n'est en cause ;

7. Considérant que si les travaux entrepris poursuivaient nécessairement un objectif d'entretien, par l'ONF de la forêt appartenant au domaine privé de l'Etat il résulte de l'ensemble des pièces versées au dossier y compris du rapport interne établi le 31 juillet 2008 par l'ONF que ces travaux ont été proposés à la commune d'Allos et acceptés par elle en vue d'ouvrir trois fenêtres paysagères dans la forêt domaniale du Haut-Verdon depuis le sentier, que les arbres à éliminer ont été choisis pour créer ces points de vue et qu'ainsi l'opération s'est inscrite dans le cadre de la mise en valeur du patrimoine touristique de la commune ; que tant que le devis des travaux en date du 16 mai 2007, l'avis de réception de ceux-ci en date du 3 novembre 2007 que le procès-verbal de réception de ces travaux en date du 8 novembre 2007 précisent que la prestation a été réalisée pour le compte de la commune d'Allos laquelle les a financés ; que, par suite, Mme E...est fondée à soutenir que ces travaux ont été effectués pour le compte de la commune d'Allos dans un but d'intérêt général et présentent, en conséquence, le caractère de travaux publics ;

8. Considérant cependant que la percée paysagère en cause, a été réalisée dix mois avant le passage des randonneurs ; qu'eu égard au temps écoulé entre cet abattage, qui consistait seulement en la coupe de bois et la " mise au tas des rémanents ", et l'accident, aucun lien de causalité directe ne saurait en tout état de cause être identifié entre les travaux achevés, et l'accident survenu dix mois plus tard ; que le fait d'avoir laissé au sol des rémanents, auquel Mme E...impute l'accident, s'inscrit a fortiori purement dans une décision de gestion forestière de l'ONF et non pas dans la démarche touristique de la commune, qui ne peut pas non plus se voir reprocher de n'avoir pas respecté les modalités de stockage des rémanents prévues par le règlement national d'exploitation forestière, au demeurant inapplicable compte tenu de la date des opérations d'abattage ; qu'ainsi les conclusions présentées par Mme E...sur le fondement du régime des dommages de travaux publics doivent être rejetées, tout comme celles fondées sur la méconnaissance du règlement national d'exploitation forestière ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que Mme E...impute également l'accident dont elle a été victime à une carence du maire dans l'exercice des pouvoirs qu'il tient du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; qu'en vertu de ce texte, la police municipale a pour objet, notamment, de prévenir par des précautions convenables les accidents et les fléaux calamiteux tels que les accidents naturels ;

10. Considérant que la responsabilité d'une autorité détenant des pouvoirs de police, en particulier sur le fondement des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, ne peut être engagée pour faute que dans le cas où à raison de la gravité du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique, elle n'a pas ordonné les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave et a ainsi méconnu ses obligations légales ; qu'à cet égard, il appartient notamment au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement, par leur prudence, se prémunir ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, sur le parc de stationnement à l'entrée du sentier emprunté par les randonneurs, un panneau prévenait les promeneurs non seulement des risques d'avalanches, mais aussi de ce qu'ils s'engageaient sur un itinéraire de haute montagne non sécurisé ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les promeneurs, qui s'engagent dans la forêt domaniale du Haut-Verdon, ne peuvent ignorer les risques auxquels ils s'exposent, qui résultent de la configuration du terrain et sont habituels dans une zone présentant des caractéristiques montagneuses ; que les photographies versées aux débats permettent également de constater que la configuration des lieux, présentant une certaine déclivité et restés à l'état naturel, permettait aux promeneurs qui sortaient du sentier pour s'engager sur la pente sur laquelle se trouvaient des troncs d'arbres dont ils n'étaient pas en mesure d'apprécier la stabilité, d'évaluer les risques auxquels ils s'exposaient ce faisant ;

12. Considérant qu'eu égard à ces éléments, il n'incombait pas au maire de la commune d'Allos de prendre, en application de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales de mesures particulières pour attirer l'attention des promeneurs sur le risque qu'ils prenaient en sortant du sentier et en gravissant une pente sur laquelle se trouvaient la grume à l'origine de l'accident ; qu'en s'abstenant de prendre de telles mesures, le maire de la commune d'Allos n'a pas commis de faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'ONF et de la commune d'Allos et à la désignation d'un expert ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que le Parc national du Mercantour a été appelé à produire des observations mais n'aurait pas eu qualité pour former tierce opposition s'il n'avait pas été mis en cause ; qu'aucune conclusion n'a été dirigée contre lui ; qu'il ne peut, par suite, être regardé comme une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ses conclusions présentées au titre de ses dispositions ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme E..., partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune d'Allos ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Allos et du Parc national du Mercantour tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E..., à la CPAM de l'Hérault, à l'ONF, à la commune d'Allos et au Parc national du Mercantour.

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