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17/06/2014 | FRANCE | N°12MA01706

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 17 juin 2014, 12MA01706


Vu le recours, enregistré le 27 avril 2012, du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, et le mémoire complémentaire, enregistré le 18 mai 2012 ;

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903830 du 28 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a, à la demande de M. et MmeB..., annulé l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 10 septembre 2009 ayant décidé le transfert d'office dans l

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Vu le recours, enregistré le 27 avril 2012, du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, et le mémoire complémentaire, enregistré le 18 mai 2012 ;

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903830 du 28 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a, à la demande de M. et MmeB..., annulé l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 10 septembre 2009 ayant décidé le transfert d'office dans le domaine public d'une partie de la route du col de l'Âne et son classement dans la catégorie des voies communales de la commune de Bouyon et a condamné l'Etat à verser à ceux-ci une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et notamment son article 17 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la décision n° 2010-43 QPC du 6 octobre 2010 par laquelle le Conseil Constitutionnel a déclaré l'article L.318-3 du code de l'urbanisme conforme à la Constitution;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, rapporteur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la commune de Bouyon ;

1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 28 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a, à la demande de M. et MmeB..., annulé l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 10 septembre 2009 ayant décidé le transfert d'office dans le domaine public d'une partie de la route du col de l'Âne et son classement dans la catégorie des voies communales de la commune de Bouyon et a mis à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros à verser à M. et MmeB... ;

Sur l'intervention de la commune de Bouyon :

2. Considérant que la commune de Bouyon, sur le territoire de laquelle est située la voie litigieuse, justifie d'un intérêt suffisant à former une intervention dans le présent litige ; que son intervention est ainsi recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'à l'appui de son intervention, la commune de Bouyon soutient que le jugement attaqué en irrégulier, dès lors que les premiers juges ne se sont pas, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, prononcés sur l'ensemble des moyens de la requête qu'ils estimaient susceptibles de fonder l'annulation de l'arrêté litigieux ; que ce moyen, qui n'est pas invoqué par le ministre de l'intérieur à l'appui de son recours et qui repose sur une cause juridique distincte de celle des moyens soulevés par le ministre, a le caractère d'une demande qui, présentée par la voie d'une intervention, ne saurait être accueillie ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-5 du code de la voirie routière : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut être transférée dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées dans les conditions fixées à l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme " ; qu'aux termes de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut, après enquête publique, être transférée d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. La décision de l'autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés. Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, à la demande de la commune. L'acte portant classement d'office comporte également approbation d'un plan d'alignement dans lequel l'assiette des voies publiques est limitée aux emprises effectivement livrées à la circulation publique. (...) " ;

5. Considérant qu'en application des dispositions précitées, le conseil municipal de la commune de Bouyon a décidé, par une délibération du 23 mai 2009, de mettre en oeuvre la procédure de transfert d'office dans le domaine public communal d'une partie de la route du col de l'Âne ; que l'enquête publique s'est déroulée du 23 juin au 7 juillet 2009 ; que le commissaire enquêteur a remis son rapport le 13 juillet 2009 ; que, par une délibération du 25 juillet 2009, le conseil municipal de Bouyon a demandé au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au transfert de la route en cause ; que celui-ci a fait droit à cette demande par l'arrêté contesté du 10 septembre 2009 ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la portion de la route du col de l'Âne litigieuse dessert six maisons d'habitation ; que, dès lors, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la portion de voie en cause est située dans un ensemble d'habitations au sens des dispositions précitées de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme ; que le ministre est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 10 septembre 2009 au motif que la voie transférée dans le domaine public n'était pas située dans un ensemble d'habitations au sens de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Nice et devant la Cour ;

8. Considérant qu'une voie privée ne peut être réputée affectée à l'usage du public que si son ouverture à la circulation publique résulte du consentement, au moins tacite mais non équivoque, des propriétaires ;

9. Considérant que M. et Mme B...sont propriétaires de l'assiette de la partie de la voie privée litigieuse au droit de leur parcelle cadastrée OF n° 92 devenue 899 au lieudit " Laparat " ; qu'il est constant que la voie en cause, qui a été réalisée dans les années 1970 par la commune afin de permettre l'accès à la décharge dite " du col de l'Âne " avec l'accord verbal des propriétaires des parcelles traversées, a été affectée à la circulation publique et, notamment, a été empruntée pour l'accès à la station d'épuration de la commune ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de constat d'huissier établi le 10 juillet 2009 et des photographies qui y sont annexées, que M. et Mme B...ont apposé sur leur mur de clôture et sur des arbres plantés en lisière de la partie de la voie privée litigieuse leur appartenant plusieurs panneaux rouges, ronds et rectangles d'interdiction de circulation portant les mentions " propriété privée " et " défense d'entrer " ; que la mention " propriété privée " ainsi qu'un sigle d'interdiction d'entrer ont également été tracés à la peinture sur la voie elle- même ; que M. et Mme B...ont par ailleurs obstrué le passage sur la voie litigieuse par le dépôt d'un tas de terre qui était présent à cette même date du 10 juillet 2009 ; que M. et Mme B...ont ainsi clairement manifesté, antérieurement à la date du transfert, leur volonté de ne plus ouvrir à la circulation publique la partie de la voie privée en cause leur appartenant ; que, dans ces circonstances, l'ouverture de la partie de la route dite " du col de l'Âne " litigieuse à la circulation publique ne pouvait être regardée, à la date de l'arrêté contesté, comme recueillant le consentement non équivoque, même tacite, de l'ensemble des propriétaires ; que, par suite, M. et Mme B...sont fondés à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes a illégalement ordonné le transfert d'office et le classement de cette voie dans le domaine public de la commune de Bouyon ;

10. Considérant, en outre, qu'aux termes de l'article R. 318-10 du code de l'urbanisme : " L'enquête prévue à l'article L. 318-3 en vue du transfert dans le domaine public communal de voies privées ouvertes à la circulation publique dans un ensemble d'habitation est ouverte à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. Le maire ouvre cette enquête, après délibération du conseil municipal, le cas échéant à la demande des propriétaires intéressés. Le dossier soumis à l'enquête comprend obligatoirement : 1. La nomenclature des voies et des équipements annexes dont le transfert à la commune est envisagé ; 2. Une note indiquant les caractéristiques techniques de l'état d'entretien de chaque voie ; 3. Un plan de situation ; 4. Un état parcellaire. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que le soutiennent également M. et MmeB..., le dossier soumis à l'enquête ne comportait pas, contrairement à ce que prévoient les dispositions précitées de l'article R. 318-10 du code de l'urbanisme, de note indiquant les caractéristiques techniques de l'état d'entretien de la voie en cause ; que ce motif justifie également l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2009 ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 10 septembre 2009 et à demander l'annulation dudit jugement ;

Sur les conclusions aux fins de publication de l'arrêt de la Cour :

12. Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'ordonner que les décisions qu'elle rend fassent l'objet d'une publication ; que les conclusions de M. et Mme B... présentées à cette fin ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

14. Considérant que, d'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B... et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, en tout état de cause, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeB..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Bouyon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme B...une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme B...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Bouyon tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. et Mme A... et Marie B...et à la commune de Bouyon.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

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