Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2012, présentée pour Mme A... D..., demeurant..., par Me C...; Mme D...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1107971, rendu le 21 février 2012 par le tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 novembre 2011, par lequel le préfet le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de la Cour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
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Vu le jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu le décret n° 2011-1950 du 23 décembre 2011 modifiant le code de justice administrative, notamment les dispositions de ses articles 1er à 11 relatives à la dispense de conclusions du rapporteur public et au déroulement de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2014 :
- le rapport de M. Angéniol, rapporteur,
- et les observations de MeB..., substituant MeC..., pour Mme D... ;
1. Considérant que MmeD..., née en 1961, de nationalité algérienne, relève appel du jugement rendu le 21 février 2012 par le tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2011 du préfet des Bouches-du-Rhône, lui refusant un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français;
2. Considérant, qu'aux termes de l'article 6 nouveau de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié par l'avenant du 11 juillet 2001 : "Les dispositions du présent article, ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : ...5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus"... ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...est née en France en 1961, qu'elle y a vécu habituellement et y a été scolarisée jusqu'en 1979, année où elle a rejoint un compatriote algérien qu'elle a épousé ; que si l'appelante a vécu avec son mari en Algérie jusqu'en 1991, il n'est pas contesté qu'elle est divorcée depuis cette date et que son mari l'a privée de ses papiers et l'a empêchée de revoir ses enfants qui sont aujourd'hui majeurs ; que si l'appelante est entrée pour la dernière fois en France en mars 2011 munie d'un visa Schengen, ce n'est qu'après avoir vainement tenté de régulariser sa situation et de faire valoir ses droits et après s'être rendue plusieurs fois en France dans l'espoir de pouvoir obtenir un titre de séjour ; que, par ailleurs, il n'est pas plus utilement contesté que l'ensemble des membres de sa fratrie ainsi que son père et sa mère résident en France ; qu'ainsi, l'appelante qui aurait pu obtenir la nationalité française, étant née en France et y ayant vécu jusqu'à sa majorité, a souhaité, à l'issue de ce qu'elle présente comme une répudiation, rejoindre le pays qui l'avait vue grandir et où résident désormais les seuls membres de sa famille qui n'ont jamais quitté la France ; ses enfants ne résidant par ailleurs plus aujourd'hui en Algérie ; que, par suite, c'est en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 6 nouveau de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, par l'arrêté attaqué du 6 avril 2012, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions susvisées à fin d'annulation, ainsi que celles à fin d'injonction ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé" ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : "Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet" ;
6. Considérant que l'annulation de la décision refusant un titre de séjour à
Mme D...et l'obligeant à quitter le territoire français implique nécessairement que le préfet des Bouches-du Rhône délivre une carte de séjour temporaire à l'appelante portant la mention "vie privée et familiale" ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer ce titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par à Mme D...et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 février 2012 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 16 novembre 2011 sont annulés.
Article 2: Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme D...un titre de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État (ministère de l'intérieur) versera à Mme D...la somme de
1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur.
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N° 12MA012312