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06/06/2014 | FRANCE | N°12MA00174

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 06 juin 2014, 12MA00174


Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2012, présentée pour la SARL Telecom 55, dont le siège est 6 rue de la République à Marseille (13001), par la SCP A...-Sudour-Antonakas-Maillard-de Haut de Sigy, agissant par Me A...; la SARL Telecom 55 demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003445 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31

janvier 2006, et de la retenue à... ;

2°) de prononcer la décharge des s...

Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2012, présentée pour la SARL Telecom 55, dont le siège est 6 rue de la République à Marseille (13001), par la SCP A...-Sudour-Antonakas-Maillard-de Haut de Sigy, agissant par Me A...; la SARL Telecom 55 demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003445 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 janvier 2006, et de la retenue à... ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'imposition mis à sa charge en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source et des pénalités correspondantes, qui lui ont été réclamées au titre de l'année 2006;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977, modifiée notamment par la directive n° 91/680/CEE du 16 décembre 1991 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2014,

- le rapport de Mme Markarian, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Telecom 55, qui exerce une activité de négoce de matériel de téléphonie, logiciels et de lecteurs MP3, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2004, date de création de l'entreprise, au 31 juillet 2007 ; qu'à l'issue des opérations de contrôle, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des facturations fictives de matériels émises par des sociétés appartenant à un circuit de fraude de type " carrousel " et a adressé à la SARL Telecom 55, le 31 juillet 2008, une proposition de rectification comportant des rappels de droits en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 juillet 2007 d'un montant total de 962 279 euros, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts, et une retenue à la source et des pénalités correspondantes, qui lui ont été réclamées au titre de l'année 2006domicilié..., d'un montant de 9 375 euros assortie de la majoration de 10 % pour défaut de déclaration prévue à l'article 1728 du code général des impôts ; que ces impositions supplémentaires, établies selon la procédure de rectification contradictoire, ont été mises en recouvrement le 6 juillet 2009 ; que la SARL Telecom 55 relève appel du jugement du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions ainsi mises en recouvrement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige et antérieure à la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) / c) (...) qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit (...) " ;

3. Considérant qu'à l'appui de son moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait méconnu les garanties légales attachées à ces dispositions, la SARL Telecom 55 affirme que l'administration fiscale, en écartant certaines factures des sociétés Beluga et " Techno +", comme dissimulant la réalité des relations qu'elle entretenait avec ses fournisseurs puisqu'elle n'aurait pas selon le service vérificateur reçu les biens achetés, et en invoquant l'intérêt exclusivement fiscal de cette dissimulation, a implicitement mais nécessairement invoqué un abus de droit ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le service n'a, en l'espèce, ni explicitement ni implicitement remis en cause une convention ou un contrat écrit mais qu'il a seulement démontré l'existence d'un circuit frauduleux, conduisant à remettre en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par les fournisseurs de la requérante ; que, par suite, la SARL Telecom 55 ne peut ainsi utilement invoquer les dispositions de l'article L 64 du livre des procédures fiscales ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la SARL Telecom 55 a obtenu communication de l'ensemble des documents utilisés pour l'établissement des impositions en litige ; que, par ailleurs, ces dispositions n'exigent pas que les renseignements et documents obtenus de tiers soient soumis au débat oral et contradictoire au cours de la procédure de vérification de comptabilité ; que les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et de ce qu'une lettre de voiture obtenue par exercice du droit de communication auprès du transporteur TRM n'a pas été soumise au débat oral et contradictoire en cours de contrôle doivent par suite être écartés ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

5. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que, si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

6. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL Télécom 55, qui a été créée en janvier 2004, le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures émises par les fournisseurs Beluga et " Techno + " au motif que ces factures étaient de complaisance et que les transactions en cause s'inscrivaient dans un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée de type " carrousel " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir enregistré un total d'achats de 40 458 euros hors taxes au cours du premier semestre 2005 dans le cadre de son activité de négoce de téléphones mobiles, pour partie en tant que détaillant et pour partie en tant que revendeur à d'autres professionnels ou à des magasins de vente au détail, la SARL Telecom 55 a effectué, sur une période courte, au cours du second semestre de cette même année 2005, auprès du même fournisseur, la société Beluga, dont le siège était à Marseille, un total d'achats d'un montant sans comparaison de 2 086 100 euros hors taxes, de même que des achats d'un montant de 1 696 600 euros hors taxes sur les deux premiers mois de l'année 2006, pour revendre ensuite les marchandises à la SA Télé-Stein, située dans le département du Bas-Rhin, hors de sa zone géographique initiale ; qu'en mars 2006, la société Telecom 55 a poursuivi ses achats avec la société " Techno + " pour un montant également très important de 1 242 000 euros hors taxes en deux factures ; que le service vérificateur a relevé que les sociétés Beluga et " Techno + ", cette dernière étant créée en juillet 2004, ne disposaient que d'une adresse de domiciliation commerciale, ne possédaient ni personnel, ni locaux commerciaux ou d'exploitation, ce que ne conteste pas la société requérante, alors que de tels moyens s'avèrent nécessaires au regard du volume des opérations commerciales concernées, la société requérante ne pouvant se borner à soutenir en réponse à ces constatations que la livraison de marchandises n'implique pas nécessairement le transit par le siège social des entreprises ; que la SARL Telecom 55 a réglé les achats de marchandises à la société Beluga et à la société " Techno + " sur des comptes bancaires en Espagne, alors que ces sociétés avaient leur siège social en France ; que pour démontrer son absence d'implication dans la fraude à laquelle participaient ses deux fournisseurs, la société requérante fait valoir que tant l'attestation du comptable de la société Beluga établie en mars 2005, antérieurement aux opérations litigieuses, que l'attestation délivrée le 16 mars 2006 par le service des impôts des entreprises attestant que la société " Techno + " était en règle au regard de ses obligations fiscales au 31 décembre 2005 ne permettaient pas de douter de ces deux sociétés, la consultation postérieure en 2010 ou 2012 du greffe du tribunal de commerce ne faisant toujours pas mention, selon la requérante, de difficultés concernant la société Beluga ; que ces attestations ont toutefois été établies avant même le commencement des opérations en cause alors que le service a précisément établi que la société Beluga n'avait déposé des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée que pour la période de janvier à avril 2005 mentionnant un chiffre d'affaires très inférieur au montant des factures émises et n'a souscrit de déclarations que pour les mois de février et mars 2006 sans mentionner de chiffre d'affaires ; que la société " Techno + " n'a de même pas déposé selon le service de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour 2006 ni de déclaration de résultats ; qu'il résulte de ce qui précède que le volume des opérations concernées réalisées avec les mêmes sociétés, les prix hors taxes pratiqués inférieurs à ceux du marché et les modalités de règlement, la concomitance des bons de commande et des offres de prix entre les différentes sociétés, les circuits de livraison des marchandises qui recèlent de nombreuses incohérences, alors même que la société requérante invoque la réalité des livraisons, ne pouvaient échapper aux dirigeants de la société requérante qui ne pouvait ainsi ignorer qu'elle agissait comme société écran participant à deux circuits de commercialisation en boucle ; que compte tenu de ces éléments, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que la SARL Télécom 55 ne pouvait ignorer que ses fournisseurs Beluga et " Techno + " étaient dépourvues de toute activité réelle alors même qu'elles étaient inscrites au registre du commerce ; que dans ces conditions la SARL Télécom 55 qui a sciemment participé par ses agissements à une opération de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait bénéficier d'aucun droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur les factures litigieuses ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Télécom 55 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante en la présente instance verse à la requérante la somme qu'elle demande sur ce fondement ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Télécom 55 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Télécom 55 et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.

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12MA00174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00174
Date de la décision : 06/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : SCP S.A.M.H. et LEPERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-06-06;12ma00174 ?
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