Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2012, présentée pour la SAS Les Roches et ses Bateaux, dont le siège social est 1 avenue des Trois Dauphins au Lavandou (83980) par Me B...; La SAS Les Roches et ses Bateaux demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001246 et 1001532 en date du 23 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'autres impositions et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignés en sa qualité d'associée et de redevable solidaire de la société en participation C...Gallon par sept avis de mise en recouvrement en date du 15 juin 2009 portant sur la somme de 117 073 euros de taxe sur la valeur ajoutée, du 2 septembre 2009 portant sur la somme de 4 398 euros de taxe sur la valeur ajoutée, du 2 septembre 2009 également portant sur la somme de 418 euros de taxe sur la valeur ajoutée, du 9 octobre 2009 portant sur la somme de 75 euros de taxe sur la valeur ajoutée, du 9 octobre 2009 également portant sur la somme de 1 622 euros de taxe sur la valeur ajoutée, du 23 octobre 2009 portant sur la somme de 219 294 euros de taxe sur la valeur ajoutée, 8 899 euros de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et 4 598 euros de taxe d'apprentissage et du 9 novembre 2009 portant sur la somme de 1 528 euros de taxe sur la valeur ajoutée ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle a constitué une société en participation avec l' EURL Mathias C...le 13 avril 2006, elle-même disposant de 10 parts alors que l' EURL Mathias C...en avait 990 ; cette société n'a pas de personnalité morale, n'est pas inscrite au registre du commerce, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Toulon, mais a simplement un numéro Siret ;
- le tribunal administratif de Toulon a inexactement interprété les statuts de la société, qui reproduisent l'article 1872-1, alinéa 2, du code civil incomplètement ; un associé ne peut être engagé par l'autre que dans la mesure où ce dernier agit en qualité d'associé ; tel n'est pas le cas en l'espèce ou M. C...a enregistré les statuts de la SAS Les Roches et ses Bateaux à titre personnel en qualité de gérant de la société et non pas pour le compte de son associé ;
- la position du tribunal administratif de Toulon revient à valider une rupture d'égalité des citoyens entre les charges publiques, contraire aux dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il importe peu, à cet égard, que la société puisse être ostensible et révélée aux tiers, dès lors que l'article 6 des statuts précise que M. C...sera seul connu des tiers et répondra personnellement de ses engagements ; cette forme juridique a d'ailleurs permis à celui-ci de déduire sur ses revenus personnels les pertes de la société ;
- l'assujettissement de la société en participation à la taxe sur la valeur ajoutée est sans incidence sur l'issue du litige, le seul problème étant de savoir si la dette pouvait lui être demandée au-delà de sa participation de 1% ;
- les avis de mise en recouvrement (à l'exception de celui du 22 juin 2009) ne lui ont pas été régulièrement notifiés ; l'article 256-1 du livre des procédures fiscales est sans incidence sur la solution à apporter à ce moyen qui est relatif au destinataire de l'avis de mise en recouvrement ; elle n'a jamais accusé réception de ces avis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui demande à la Cour de rejeter la requête de la SAS Les Roches et ses Bateaux ;
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en tant qu'elle concerne la somme de 1 877 euros, correspondant à une majoration appliquée à la taxe sur la valeur ajoutée de juin 2009, qui n'avait pas été visée dans les réclamations et devant le tribunal administratif de Toulon ; il en est de même des impositions résultant de la vérification de comptabilité, pour un montant de 232 791 euros, qui ont fait l'objet d'une décision spécifique de rejet du 16 avril 2012, non contestée devant le tribunal administratif ;
- seules sont donc recevables les contestations relatives aux avis de mise en recouvrement n° 2C 02722996548 du 15 juin 2009, n° 2009 07 07548 du 2 septembre 2009, n° 2009 07 07549 du 2 septembre 2009, n° 2C 02722996364 du 9 octobre 2009, n° 2C 02728112270 du 9 novembre 2009, n° 2C 02722996388 du 9 octobre 2009, pour un montant total de 125 114 euros ;
- la société en participation constituée ici a volontairement opté pour un caractère ostensible, a été immatriculée en tant que personne morale auprès du service des impôts de Hyères et a reçu un numéro SIRENE ; elle exerçait une activité commerciale relevant du régime réel d'imposition ; elle avait la personnalité morale du fait de ses statuts et de l'enregistrement effectué ; la participation de la SAS Les Roches et ses Bateaux ne peut donc être regardée comme occulte puisqu'elle a apporté le fonds de commerce et le nom de l'hôtel-restaurant ; l'argument relatif à la déductibilité des pertes sur l'impôt sur le revenu de M. C...est sans objet s'agissant de taxe sur la valeur ajoutée ; la SAS Les Roches et ses Bateaux est donc bien tenue conjointement et solidairement avec son associée, même si elle ne détient que 1% du capital de la société ;
- les avis de mise en recouvrement ont tous été retournés à l'administration régulièrement signés et la requérante n'établit nullement que les signataires des avis postaux n'avaient pas qualité pour les recevoir ; la seconde condition d'imposition, relative aux liens suffisants d'ordre professionnel, est remplie du fait de l'existence de la société en participation ;
- la demande de condamnation de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sera, eu égard à ce qui précède, rejetée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2014 :
- le rapport de Mme Paix, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 20 mai 2014, présentée pour la SAS Les Roches et ses Bateaux, par MeB... ;
1. Considérant que la SAS Les Roches et ses Bateaux interjette régulièrement appel du jugement en date du 23 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'autres impositions et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignés en sa qualité d'associée et de redevable solidaire de la société en participation C...Gallon par sept avis de mise en recouvrement en date du 15 juin 2009 portant sur la somme de 117 073 euros de taxe sur la valeur ajoutée, du 2 septembre 2009 portant sur la somme de 4 398 euros de taxe sur la valeur ajoutée, du 2 septembre 2009 également portant sur la somme de 418 euros de taxe sur la valeur ajoutée, du 9 octobre 2009 portant sur la somme de 75 euros de taxe sur la valeur ajoutée, du 9 octobre 2009 également portant sur la somme de 1 622 euros de taxe sur la valeur ajoutée, du 23 octobre 2009 portant sur la somme de 219 294 euros de taxe sur la valeur ajoutée, 8 899 euros de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et 4 598 euros de taxe d'apprentissage et du 9 novembre 2009 portant sur la somme de 1 528 euros de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dans la présente instance, elle ne conteste pas l'assujettissement de la société en participation à la taxe sur la valeur ajoutée mais sa qualité de redevable solidaire ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie et des finances :
2. Considérant que la SAS Les Roches et ses Bateaux a contesté, par lettre du 24 juin 2009, l'avis de mise en recouvrement n° 2C 027 229 9654 8 émis le 15 juin 2009 pour un montant de 117 073 euros au titre de la période du 1er avril 2006 au 28 février 2009 ; qu'elle a contesté par lettre du 9 décembre 2009, l'ensemble des avis de mise en recouvrement visés dans la lettre que lui avait adressée le contrôleur des impôts, avis qu'elle prétendait ne pas avoir reçus ; qu'il s'agissait des avis n° 2009 07 07548 du 2 septembre 2009 pour un montant de 4 398 euros, n° 2009 07 07549 du 2 septembre 2009 pour un montant de 418 euros, n° 2C 027 229 96364 émis le 9 octobre 2009 pour un montant de 1 622 euros, n° 2C 027 28112270 émis le 9 novembre 2009 pour un montant de 1 528 euros et n° 2C 027 229 96388 émis le 9 octobre 2009 pour un montant de 75 euros ; que le ministre ne conteste pas la recevabilité des conclusions de la société requérante en ce qui concerne les sommes susrappelées ;
3. Considérant, en revanche, que le ministre soutient que la société requérante n'est pas recevable à contester les sommes visées par l'avis de mise en recouvrement n° 2C 027 28112164 émis le 23 octobre 2009 pour un montant de 219 294 euros de taxe sur la valeur ajoutée, 8 899 euros de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et 4 598 euros de taxe d'apprentissage au motif que la réclamation présentée à l'encontre de ces impositions a fait l'objet d'une décision spécifique de rejet en date du 16 avril 2012, non contestée devant le tribunal administratif ; qu'il résulte toutefois des propres écrits de l'administration que la réclamation présentée le 10 décembre 2009 par la société a fait l'objet de deux décisions de rejet, l'une, prise le 25 mai 2010, par la direction départementale des finances publiques du Var et l'autre, prise le 16 avril 2012, par la direction de contrôle fiscal sud-est, postérieurement au jugement attaqué ; que la société requérante a contesté dans les délais la décision de rejet qui avait été opposée le 25 mai 2010 à sa réclamation ; que se trouve sans incidence sur la recevabilité de cette partie de ses conclusions la circonstance qu'une seconde décision de rejet ait été prise en ce qui concerne les mêmes impositions ; que cette fin de non-recevoir ne peut être accueillie ; qu'en revanche, le ministre soutient à bon droit que la société n'est pas recevable à contester la somme de 1 877 euros indiquée dans la requête d'appel, qui n'a pas fait l'objet d'une réclamation contentieuse ;
Sur la solidarité de paiement et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1871 du code civil : " Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors " société en participation ". Elle n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à la publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens. Les associés conviennent librement de l'objet, du fonctionnement et des conditions de la société en participation, sous réserve de ne pas déroger aux dispositions des articles 1832, 1382-1, 1833, 1836 (2ème alinéa), 1841, 1844 (1er alinéa) et 1844-1 (2ème alinéa) " et qu'aux termes de l'article 1872-1 du même code : " Chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers. Toutefois, si les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres, avec solidarité, si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. Il en est de même de l'associé qui, par son immixtion, a laissé croire au cocontractant qu'il entendait s'engager à son égard, ou dont il est prouvé que l'engagement a tourné à son profit (...) " ; que, dans une société en participation, chaque associé est seul engagé à l'égard des tiers ; qu'il en va toutefois différemment si les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, ou si un associé a, par son immixtion, laissé croire à ces tiers qu'il entendait s'engager à leur égard ; que l'obligation solidaire prévue à l'article 1872-1 du code civil ne peut être mise en oeuvre qu'à l'égard des participants qui ont agi en qualité d'associés au vu et au su des tiers ;
5. Considérant que la société en participation dénommée SEP C...Gallon a été constituée le 13 avril 2006, pour une durée de dix ans à compter du 1er avril 2006 et jusqu'au 31 mars 2016, entre la SAS Les Roches et ses Bateaux (10 parts) et l'EURL C...Mathias (990 parts) pour l'exploitation d'un fonds de commerce de restaurant, bar, petits déjeuners, activités de loisirs sur le territoire de la commune du Lavandou ; que l'article 3 des statuts de la société nouvellement constituée prévoyait que " Chacun des associés est tenu, à l'égard des tiers, des obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres associés, avec solidarité " ; que l'article 6 prévoyait que " a/ La société est gérée et administrée pendant toute la durée de la société en participation par la société C...Mathias, associée soussignée, représentée par son gérant en exercice, M. D...C..., qui sera seul connu des tiers à l'égard desquels il agira et contractera, en répondant personnellement de ses engagements, la société Les Roches et ses Bateaux s'interdisant d'intervenir et d'agir d'une quelconque manière dans la gestion de la société . b/ L'associé gérant dispose de tous pouvoirs aux fins d'agir en toutes circonstances pour le compte de la société en vue de la réalisation de l'objet social et dans la limite de cet objet social ainsi que dans les limites des pouvoirs dévolus aux associés statuant par décisions collectives. Le gérant s'interdit de contracter tous prêts et emprunts (...) " ;
6. Considérant qu'il ne résulte nullement de l'instruction que la SAS Les Roches et ses Bateaux aurait accompli des actes personnels permettant de considérer qu'elle a agi en sa qualité d'associée de la société en participation au vu et au su des tiers, et notamment de l'Etat, ou qu'elle se serait immiscée dans la gestion de la société en participation ou laissé croire à l'Etat qu'elle entendait s'engager à son égard ; qu'elle n'a accompli aucune démarche manifestant l'accomplissement de tels actes et fait au contraire valoir qu'elle a été victime de l'EURL MathiasC..., qui a agi en son nom personnel ; que, dans ces conditions, et nonobstant le caractère ostensible de la société en participation, la société requérante est fondée à soutenir qu'elle ne pouvait, par application des dispositions de l'article 1872-1 du code civil, être tenue solidairement des dettes de la SEP C...Gallon ;
7. Considérant, par ailleurs, que la simple déclaration de constitution de personne morale effectuée par son gérant ne suffit pas à conférer à la SEP C...Gallon la personnalité morale ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci aurait fait l'objet d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; qu'en toute hypothèse, la naissance d'une personne morale nouvelle aurait modifié l'identité du redevable des impositions ; que, dans ces conditions, le ministre de l'économie et des finances ne peut utilement se prévaloir de ce que la SEP C...Gallon aurait acquis la personnalité morale ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SAS Les Roches et ses Bateaux est fondée à demander, dès lors qu'aucune conclusion subsidiaire n'est formée par le ministre visant au maintien des impositions à proportion de la participation de 1 % de la société requérante dans la SEP C...Gallon, la décharge de la totalité des impositions et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamées, à l'exception de la somme de 1 877 euros ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Il est accordé à la SAS Les Roches et ses Bateaux la décharge des rappels résultant des avis de mise en recouvrement n° 2C 027 229 9654 8 émis le 15 juin 2009 pour un montant de 117 073 euros au titre de la période du 1er avril 2006 au 28 février 2009, n° 2009 07 07548 du 2 septembre 2009 pour un montant de 4 398 euros, n° 2009 07 07549 du 2 septembre 2009 pour un montant de 418 euros, n° 2C 027 229 96364 émis le 9 octobre 2009 pour un montant de 1622 euros, n° 2C 027 28112270 émis le 9 novembre 2009 pour un montant de 1 528 euros, n° 2C 027 229 96388 émis le 9 octobre 2009 pour un montant de 75 euros, n° 2C 027 28112164 émis le 23 octobre 2009 pour un montant de 219 294 euros de taxe sur la valeur ajoutée, 8 899 euros de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et 4 598 euros de taxe d'apprentissage.
Article 2 : L'Etat versera à la SAS Les Roches et ses Bateaux la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Les Roches et ses Bateaux est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Les Roches et ses Bateaux et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2014, où siégeaient :
- M. Bédier président de chambre,
- Mme Paix, président-assesseur,
- M.A...'hôte, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 juin 2014.
Le rapporteur,
E. PAIXLe président,
J.L BEDIER
Le greffier,
B. BELVIRE La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 12MA01207 2
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