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23/05/2014 | FRANCE | N°12MA01730

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 23 mai 2014, 12MA01730


Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2012, présentée pour Mme D...E..., demeurant au..., par la SCP BBLMA et associés agissant par MeC... ;

Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002546 du 1er mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation, qui lui a été notifiée par commandement émis le 3 décembre 2009 par le trésorier de Castelnau-le-Lez, de payer la somme de 21 585, 18 euros correspondant au reliquat de cotisation d'impôt sur le revenu qui lui est réclamé au titre

de l'année 1995 ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la s...

Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2012, présentée pour Mme D...E..., demeurant au..., par la SCP BBLMA et associés agissant par MeC... ;

Mme E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002546 du 1er mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation, qui lui a été notifiée par commandement émis le 3 décembre 2009 par le trésorier de Castelnau-le-Lez, de payer la somme de 21 585, 18 euros correspondant au reliquat de cotisation d'impôt sur le revenu qui lui est réclamé au titre de l'année 1995 ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme litigieuse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2014 :

- le rapport de M. Haïli, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, l'administration a notifié à " M. et Mme A...B... " un redressement d'impôt sur le revenu au titre des années 1994 et 1995 dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, suivant la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, emportant notamment une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1995 d'un montant de 88 444,41 euros en principal et de 9 950 euros en pénalités d'assiette ; que cette imposition a été mise en recouvrement, par voie de rôle supplémentaire en date du 30 juin 1999, au nom de " M. ou MmeB... " ; que le 3 décembre 2009, le trésorier de Castelnau-le-Lez a notifié à MmeE..., mariée sous le régime de la séparation de biens jusqu'à son divorce prononcé le 14 mai 1997 alors qu'elle avait quitté le domicile conjugal le 29 avril 1995 et que l'ordonnance de non conciliation du 22 novembre 1995 avait autorisé les époux à résider séparément, un commandement de payer la somme de 21 585,18 euros correspondant au reliquat restant dû de la cotisation d'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 1995 au nom du foyer fiscal qu'ont formé M. et Mme B...; que Mme E...relève régulièrement appel du jugement du 1er mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de ce commandement en date du 3 décembre 2009 ;

Sur les moyens tirés de l'absence de solidarité au paiement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1995 et de l'imposition distincte :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition concernée : "1. (...) Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (...) ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention " Monsieur ou Madame ". (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; b. Lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; c. Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts (...) " ; que, par ailleurs, aux termes du 2 de l'article 1685 du même code : "Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu" ; que ces dispositions ont été abrogées par la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 qui, par le I de son article 9, a inséré dans le code général des impôts un article 1691 bis aux termes duquel : " I. - Les époux (...) sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ; 2° De la taxe d'habitation lorsqu'ils vivent sous le même toit. / II. - 1. Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I (...) lorsqu'à la date de la demande : / a) Le jugement de divorce ou de séparation de biens a été prononcé ; / (...) / c) Les intéressés ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; d) L'un ou l'autres des époux (...) a abandonné le domicile conjugal (...) 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. " ; qu'aux termes du II du même article 9 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 : " Le II de l'article 1691 bis du code général des impôts est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2008 " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'ils sont soumis à imposition commune, les époux sont solidairement responsables du paiement de l'impôt sur le revenu et qu'à défaut de paiement spontané, l'administration peut poursuivre chacun des conjoints pour la totalité de l'impôt sans être tenue de répartir entre eux la dette fiscale du foyer ; que le droit légal à décharge de solidarité de paiement entre époux qu'elles instituent est subordonné à une demande préalable présentée à l'administration fiscale à compter du 1er janvier 2008 ;

5. Considérant que l'imposition des revenus de l'année 1995 en cause a été établie au nom du foyer fiscal composé de la requérante et de M.B..., son ex-époux, par un avis d'imposition, lequel constitue un titre exécutoire en vertu de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales ; qu'en premier lieu, Mme E... ne peut utilement faire valoir qu'elle était mariée sous le régime de la séparation de biens pour contester les poursuites exercées à son encontre en vue d'obtenir paiement du complément d'impôt sur le revenu assigné à ce foyer fiscal à la suite de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont son foyer a fait l'objet au titre de l'impôt sur les revenus de l'année 1995 ; qu'en deuxième lieu, si Mme E...fait valoir qu'elle avait quitté le domicile conjugal dès le 29 avril 1995 et que la solidarité ne peut jouer que pour la période de vie commune, soit du 1er janvier au 30 avril 1995, la solidarité instituée pour l'impôt sur le revenu par les dispositions du 2 de l'article 1685 puis de l'article 1691 bis du code général des impôts n'est pas subordonnée à la condition que les époux vivent sous le même toit ; qu'en troisième lieu, comme devant les premiers juges, la requérante invoque la circonstance que les deux époux bénéficiaient de revenus distincts et étaient séparés de fait depuis le 29 avril 1995 pour soutenir que cette circonstance ferait obstacle à l'application des dispositions du 2 de l'article 1685 et de l'article 1691 bis du code général des impôts instituant la solidarité de paiement entre les époux en ce qui concerne l'impôt sur le revenu ; que toutefois, en vertu de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, les contestations relatives au recouvrement des impôts ne peuvent porter sur un motif remettant en cause l'assiette et le calcul de l'impôt ; que le moyen tiré de la violation du 4 de l'article 6 du code général des impôts remet en cause l'assiette de l'impôt dont le paiement du reliquat est réclamé à Mme E... ; qu'ainsi, celle-ci ne peut se prévaloir de ces dispositions à l'appui d'une contestation portant sur le recouvrement de l'impôt, régie par l'article L. 281 du code des procédures fiscales ; que pour ce même motif, Mme E...ne peut utilement se prévaloir de la doctrine administrative exprimée dans l'instruction 5 B-13-09, n°10 à 12 publiée le 20 avril 2009 ;

6. Considérant que si la requérante entend être déchargée de l'obligation de paiement sur le fondement du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, une telle demande présentée directement devant le juge de l'impôt ne pourrait qu'être rejetée ; qu'il appartient seulement à Mme E..., si elle s'y croit recevable et fondée, de solliciter de l'administration fiscale, à titre gracieux, sur le fondement du II de l'article 1691 bis, la décharge de l'obligation solidaire de payer l'imposition litigieuse ;

Sur les moyens tirés de l'absence de notification à la requérante des actes de la procédure d'assiette :

7. Considérant que Mme E...soutient que les bases d'imposition n'ont été fixées qu'entre l'administration et son ex-conjoint sans qu'à aucun moment elle n'ait eu connaissance de la procédure ; qu'elle fait valoir par suite que le fait pour elle de ne pas avoir été informée de la procédure d'assiette est constitutif d'une privation du droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une discrimination entre époux divorcés au sens de l'article 14 de la même convention ; qu'en outre, l'administration fiscale aurait ainsi méconnu sa propre doctrine du 27 janvier 1997 13 L-1-97 relative aux modalités d'information de l'ex-époux non visé par les contrôles opérés ;

8. Considérant que les moyens ainsi exposés par la requérante, portant sur un litige d'assiette, sont inopérants en application des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, à l'appui du présent litige de recouvrement qui tend à la décharge de l'obligation de payer l'imposition litigieuse résultant du commandement de payer émis à l'encontre de l'intéressée le 3 décembre 2009 ; qu'ainsi, Mme E...ne peut utilement soutenir que ce commandement serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière et discriminatoire ; que de même, elle ne saurait utilement se prévaloir, dans le présent litige, des stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles ne visent que des procès portant sur des droits ou obligations de caractère civil et des accusations pénales ;

Sur le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription " ; qu'aux termes de l'article 1206 du code civil : " Les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous. " ;

10. Considérant que l'imposition dont le recouvrement est poursuivi par le commandement de payer contesté a été établie au nom de " M. ou MmeB... " au titre de l'année 1995 ; qu'elle a été mise en recouvrement le 30 juin 1999 ; que si Mme E...soutient que sa dette fiscale se trouverait éteinte par l'effet de la prescription encourue, en vertu des dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, par le comptable qui n'entreprend aucune poursuite pendant quatre années consécutives, il résulte de l'instruction que cette prescription a été interrompue par le commandement de payer notifié le 17 octobre 2001 à M.B..., son ex-époux ; que le 17 novembre 2004, une saisie conservatoire a été pratiquée sur les créances détenues par l'établissement de crédit de M. B...et que le 27 avril 2010, le trésorier de Castelnau-le-Lez a octroyé à M. B...un échéancier de paiement qui a donné lieu à trois versements de 350 euros les 5 mai , 31 mai et 23 juin 2010 ; qu'ainsi il est constant que la cotisation litigieuse, dont le commandement de payer notifié en 2009 à Mme E...vise à assurer le recouvrement du " restant dû ", a fait précédemment, dans le délai prévu par les dispositions de l'article 274 du livre des procédures fiscales, l'objet d'actes de poursuite interruptifs de la prescription à l'encontre de M. B...; que, la requérante étant, comme il a été dit, solidairement tenue au paiement de ces cotisations, elle ne peut utilement se prévaloir de ce qu'aucun acte de poursuite de nature à interrompre la prescription ne lui a été personnellement notifié avant le commandement de payer litigieux ; qu'à la date de délivrance de ce commandement de payer, la dette fiscale de Mme E...n'était donc pas prescrite ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E... et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques, directeur régional des finances publiques du Languedoc Roussillon et du département de l'Hérault.

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N° 12MA01730


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01730
Date de la décision : 23/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : SCP BBLM et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-05-23;12ma01730 ?
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