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12/05/2014 | FRANCE | N°12MA01404

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 12 mai 2014, 12MA01404


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n°12MA01404, le 10 avril 2012, présentée pour la Sarl Distillerie Bel, dont le siège social est Route de Florensac à Saint-Thibery (34630), par la SCP Apap ;

La Sarl Distillerie Bel demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1003380 et n°1004633 du 17 février 2012 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2010 par laquelle l'établissement FranceAgriMer lui a demandé de rembourser la somme de 72 069,25 euros TTC et du titre de re

cette de ce même montant, émis à son encontre le 29 septembre 2010 par l'éta...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n°12MA01404, le 10 avril 2012, présentée pour la Sarl Distillerie Bel, dont le siège social est Route de Florensac à Saint-Thibery (34630), par la SCP Apap ;

La Sarl Distillerie Bel demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1003380 et n°1004633 du 17 février 2012 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2010 par laquelle l'établissement FranceAgriMer lui a demandé de rembourser la somme de 72 069,25 euros TTC et du titre de recette de ce même montant, émis à son encontre le 29 septembre 2010 par l'établissement précité ;

2°) d'annuler la décision et le titre de recette susmentionnés ;

3°) d'ordonner à l'établissement FranceAgriMer la restitution de toutes les sommes retenues au titre des aides au stockage litigieuses ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

Vu le règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

Vu le règlement (CE) n° 1623/2000 de la Commission du 25 juillet 2000 fixant les modalités d'application du règlement (CE) nº 1493/1999 portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les mécanismes de marché ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2014 :

- le rapport de Mme Marchessaux, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Marzoug, rapporteur public ;

1. Considérant que la Sarl Distillerie Bel relève appel du jugement n°1003380 et 1004633 du 17 février 2012 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision en date du 21 juin 2010 par laquelle l'établissement FranceAgriMer lui a demandé de rembourser la somme de 72 069,25 euros TTC et à la décharge du titre de perception de ce même montant, émis à son encontre le 29 septembre 2010 par cet établissement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la Sarl Distillerie Bel soutient que le tribunal administratif de Montpellier n'a pas constaté alors que cela lui était demandé que l'établissement Viniflhor ne justifiait pas l'avoir, dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, informé de la date de réception du contrat de son acceptation ou de son refus et de la date de prise d'effet, par application des dispositions de l'article 2.4 de la circulaire n°1-2006 sur le stockage privé d'alcool pour la campagne 2006-2007 ; que, toutefois, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à ce moyen inopérant ; qu'ainsi, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité ;

Sur le bien fondé du jugement :

3. Considérant que si la Sarl Distillerie Bel soutient que le tribunal a écarté à tort son argumentation sur la régularité formelle des décisions, ce moyen qui est dénué de précision suffisante permettant d'en apprécier le fondé ne saurait qu'être écarté ;

4. Considérant, qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue " ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. (...) / Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. Pour les programmes pluriannuels, le délai de prescription s'étend en tout cas jusqu'à la clôture définitive du programme. / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif (...) / 3. Les Etats membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2 " ; qu'enfin, aux termes de l'article 4 de ce règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus (...) " ;

5. Considérant que lorsqu'est en cause, comme en l'espèce, la légalité d'une décision de récupération d'une aide indûment versée en application d'un texte communautaire, il y a lieu de vérifier en premier lieu si une disposition communautaire définit les modalités de récupération de cette aide, les règles de droit interne ne trouvant à s'appliquer que dans l'hypothèse où aucune disposition communautaire tendant à de telles fins n'aurait été prévue ;

6. Considérant que, si l'article 3 précité du règlement n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes institue un délai de prescription de quatre ans applicable à la récupération des avantages indûment perçus du budget communautaire, sauf dans les secteurs pour lesquels le législateur communautaire a prévu un délai inférieur, et sous réserve des cas où les Etats membres font usage de la faculté qui leur est ouverte par le troisième paragraphe de l'article 3 du même règlement d'appliquer un délai plus long, l'administration ne dispose d'un tel délai pour récupérer une aide versée à tort en application d'un texte communautaire, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 29 janvier 2009 Hauptzollamt Hamburg-Jonas (aff. C-278/07 à C-280/07) et dans son arrêt du 15 janvier 2009 Hauptzollamt Hamburg-Jonas c. Bayerische Hypotheken- und Vereinsbank AG (C-281/07), qu'en cas d'irrégularité commise par l'opérateur économique bénéficiaire de l'aide, c'est-à-dire, selon le second paragraphe de l'article 1er de ce même règlement, en cas de " violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci (...) " ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 29 du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole : " 1. La Communauté peut soutenir la distillation des vins de table et des vins aptes à donner des vins de table afin de soutenir le marché vitivinicole et, de ce fait, de favoriser la continuité des approvisionnements en produits de la distillation de vin des segments du secteur de l'alcool de bouche qui, traditionnellement, utilisent cet alcool. / 2. Le soutien consiste en une aide principale et en une aide accessoire payées aux distillateurs. (...) / 6. L'aide accessoire prend la forme d'un paiement destiné à couvrir le coût raisonnable du stockage du produit obtenu. Elle est destinée à faciliter l'application du régime d'aide principal. " et qu'aux termes de l'article 64 du règlement (CE) n° 1623/2000 de la Commission du 25 juillet 2000 fixant les modalités d'application du règlement (CE) nº 1493/1999 portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les mécanismes de marché : " (...) / 2. L'aide accessoire pour le stockage des produits issus de la distillation, visée à l'article 29, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1493/1999, est fixée à 0,00042 euro par % vol. d'alcool, par hectolitre de produit issu de la distillation et par jour. / La demande de stockage doit être introduite à l'autorité compétente au plus tard un mois avant la date du début de stockage. Elle ne peut être faite que pour le produit déjà distillé. (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Sarl Distillerie Bel a bénéficié d'une aide accessoire au stockage privé d'alcool, sur le fondement de l'article 29 du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 précité ; qu'à cette fin, elle a souscrit trois contrats n°82, n°111 et n°127 pour la campagne 2006/2007 qui ont donné lieu au paiement d'une aide totale de 72 069,25 euros ; que toutefois, il n'est pas contesté par l'appelante que lors d'un contrôle réalisé par le service de contrôle de la régularité des opérations dans le secteur agricole (SCOSA), il a été constaté deux infractions au point 2 de l'article 64 du règlement (CE) n° 1623/2000 de la Commission du 25 juillet 2000 susvisé consistant, d'une part, en ce que les dates de demandes de stockage contrevenaient au délai de trente jours prévu par cet article ; qu'en effet, lesdites demandes ont été, en réalité, adressées à l'établissement Vinifhlor, pour le contrat n°82, le 16 juillet 2007 pour une période de stockage débutant le 24 avril 2007, pour le contrat n°111, le 16 juillet 2007, pour une période de stockage débutant le 21 juin 2007 et, pour le contrat n°127, le 30 juillet 2007, pour une période de stockage débutant le 31 juillet 2007 ; que, d'autre part, la totalité des produits mis en stockage n'était pas distillée au moment de la demande ; que si la Sarl Distillerie Bel fait valoir que c'est sur instruction d'un agent de l'établissement Vinifhlor que les dates figurant sur les contrats ont été rectifiées, elle ne l'établit pas par les pièces produites en première instance pas plus qu'en appel, ce alors que les bordereaux de demandes mentionnaient que le demandeur déclarait avoir pleine connaissance de la réglementation communautaire concernant cette mesure et notamment de l'article 64 du règlement (CE) n° 1623/2000 de la Commission du 25 juillet 2000 et s'engageait à les respecter sous peine de perdre tout droit à l'aide ; que, par suite, comme l'on estimé à juste titre les premiers juges, une telle méconnaissance des dispositions communautaires sus rappelées constitue une " irrégularité " au sens de l'article 1er du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995 précité ;

9. Considérant ce faisant que, contrairement à ce que soutient la Sarl Distillerie Bel, les modalités de récupération de l'aide qu'elle a indûment perçue ne sont pas régies par les règles de droit national relatives aux conditions de retrait des décisions individuelles créatrices de droits, mais par les dispositions du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995, qui est applicable à l'irrégularité commise par l'appelante et permet la poursuite d'une irrégularité au-delà d'un délai de quatre mois; que, dès lors, la Sarl Distellerie Bel n'est pas fondée à soutenir que la décision en date du 21 juin 2010, ainsi que le titre de perception litigieux seraient illégaux au motif que la récupération de cette subvention aurait été demandée plus de quatre mois après son attribution ;

10. Considérant enfin que la circonstance que, par application des dispositions de l'article 2.4 de la circulaire n°1-2006 sur le stockage privé d'alcool pour la campagne 2006-2007, l'établissement Viniflhor devait, dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, l'informer de la date de réception du contrat de son acceptation ou de son refus et de la date de prise d'effet est sans incidence sur la légalité de la décision et du titre exécutoire attaqués ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Sarl Distillerie Bel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par la Sarl Distillerie Bel, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions présentées à cette fin par la requérante doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Sarl Distillerie Bel la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'établissement FranceAgriMer et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Sarl Distillerie Bel est rejetée.

Article 2 : La Sarl Distillerie Bel versera à l'établissement FranceAgriMer la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Distillerie Bel et à l'établissement FranceAgriMer.

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N° 12MA01404

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01404
Date de la décision : 12/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

15-08 Communautés européennes et Union européenne. Litiges relatifs au versement d`aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: Mme MARZOUG
Avocat(s) : SCP APAP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-05-12;12ma01404 ?
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