Vu la requête, enregistrée par télécopie le 23 novembre 2011 et régularisée par courrier le 24 novembre suivant, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par MeC... ; M. et Mme A...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805067, 0805992 du 23 septembre 2011 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, assorties des intérêts de retard, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que le jugement paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 15 avril 2014,
- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;
- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
- et les observations de M.A..., requérant ;
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société par actions simplifiée (SAS) RKW Guial, il a été constaté que M. A...avait perçu, à la suite de la révocation de son mandat de directeur général, une indemnité de 351 120 euros de la part de ladite société, payée par trois chèques en date des 29 juin, 30 septembre et 14 octobre 2004, d'un montant de 140 448 euros pour les deux premiers et de 70 224 euros pour le dernier ; que l'administration fiscale ayant constaté, à l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier de M.A..., que ces sommes n'avaient pas été assujetties à l'impôt sur le revenu, les a réintégrées, au titre de l'année 2004, dans ses traitements et salaires imposables jusqu'au 4 septembre 2004, date de son mariage, puis dans ceux du foyer fiscal qu'il formait avec son épouse, à compter du 4 septembre 2004 ; que deux propositions de rectification ont ainsi été adressées, l'une, à M. A..., l'autre, à M. et MmeA..., les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu de l'année 2004, assorties des intérêts de retard, ayant été mises en recouvrement le 30 novembre 2007 au nom de M. A...pour un montant de 75 173 euros et au nom de M. et Mme A...à hauteur de 83 507 euros ; que saisi du litige par les intéressés, le tribunal administratif de Nice a d'une part, aux termes des articles 1 et 2 d'un jugement en date du 23 septembre 2011, déchargé M. et Mme A...des impositions en litige dans la limite d'une réduction de leur base d'imposition de 70 224 euros, et d'autre part, aux termes de l'article 3 du même jugement, a rejeté le surplus de leurs demandes ; que M. et Mme A...doivent être regardés comme relevant appel du jugement en date du 23 septembre 2011 en tant qu'il leur est défavorable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si le juge de l'impôt, saisi de plusieurs demandes émanant d'un même contribuable, a la faculté de statuer par une seule décision même lorsque les conclusions portent sur des impositions différentes, il ne saurait en aller de même lorsque les demandes sont présentées par des contribuables distincts ; que les cotisations d'impôt sur le revenu réclamées à un contribuable au titre de la période au cours de laquelle il est célibataire et celles qui lui sont réclamées au titre de la période au cours de laquelle il est marié et appartient donc à un foyer fiscal différent constituent des impositions distinctes qui, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et quels que soient les liens de droit et de fait entre les deux impositions, ne peuvent faire l'objet d'une décision commune de la juridiction administrative ;
3. Considérant qu'en l'espèce, les premiers juges étaient saisis de deux demandes distinctes concernant l'impôt sur le revenu, l'une, enregistrée sous le n° 0805992 au seul nom de M.A..., pour les revenus perçus antérieurement à son mariage le 4 septembre 2004, l'autre, enregistrée sous le n° 0805067 au nom de M. et Mme A...pour les revenus perçus par leur foyer fiscal pour la période postérieure à leur mariage ; qu'il suit de ce qui été dit précédemment que le tribunal administratif de Nice devait statuer par deux jugements séparés à l'égard de chacune de ces demandes ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal a statué par un même jugement sur l'ensemble des impositions litigieuses ; que ce faisant, il a entaché d'irrégularité le jugement attaqué, dont l'article 3 doit, par suite, être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice en tant qu'elle concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les pénalités y afférentes restant en litige auxquelles M. A...a été assujetti au titre de la période allant du 1er janvier au 4 septembre 2004 ; qu'il sera statué par une décision distincte du présent arrêt sur le litige relatif aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et aux pénalités y afférentes mises à la charge de M. et Mme A...au nom du foyer fiscal au titre de la période allant du 4 septembre au 31 décembre 2004, les mémoires et pièces correspondant à ce litige ayant, à cet effet, été disjoints de la présente instance et enregistrés par le greffe de la Cour sous le n° 11MA04381 ;
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts (CGI) dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81, constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail, des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même code ainsi que de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi./ La fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite exonérée en application du premier alinéa ne peut être inférieure ni à 50 % de leur montant ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de la moitié ou, pour les indemnités de mise à la retraite, du quart de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune fixé à l'article 885 U./ 2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis au deuxième alinéa du 1 est imposable. " ; que selon l'article 80 ter du même code : " a) Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu. / b) Ces dispositions sont applicables : / 1° Dans les sociétés anonymes : au président du conseil d'administration ; au directeur général ; à l'administrateur provisoirement délégué ; aux membres du directoire ; à tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales ; / (...) "; qu'enfin, en vertu des dispositions de l'article 1655 quinquies du CGI, les sociétés par actions simplifiées sont assimilées aux sociétés anonymes, pour l'application dudit code et de ses annexes ;
6. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts qu'à l'exception des indemnités qui y sont limitativement énumérées, toute somme perçue par le salarié à l'occasion de la rupture de son contrat de travail revêt un caractère imposable ; que les sommes perçues à l'occasion du départ volontaire d'un salarié réalisé dans le cadre d'un protocole d'accord transactionnel ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités de licenciement et, ainsi, d'être exonérées d'impôt sous les limites prévues par les dispositions précitées, que s'il est établi que le départ volontaire dont il est fait état dans ledit accord, en raison des conditions dans lesquelles il a été passé, revêt, en réalité, le caractère d'un licenciement ; que, de la même façon, les indemnités versées à la suite de la cessation des fonctions des mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter du code général des impôts, intervenue dans le cadre d'une transaction, peuvent bénéficier de l'exonération d'impôt s'il est établi qu'il s'agit, en réalité, d'une cessation forcée de fonctions ;
7. Considérant, d'une part, qu'il ressort des propositions de rectification qui ont été adressées à M. A...le 16 mai 2007 que l'administration a considéré que les indemnités perçues par l'intéressé constituaient une rémunération imposable en vertu des dispositions du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, s'agissant d'une rémunération versée à l'occasion de la cessation de ses fonctions de directeur général, qui ne peut être assimilée à une cessation forcée desdites fonctions ; qu'en premier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., les fonctions de directeur général d'une société par actions simplifiée, laquelle est assimilée à une société anonyme en vertu des dispositions de l'article 1655 quinquies du code général des impôts, sont des fonctions comprises dans le champ d'application de l'article 80 ter du code général des impôts ; qu'en second lieu, le requérant fait valoir que sa fonction de directeur général était purement honorifique et qu'il était, en réalité, rémunéré pour exercer des fonctions commerciales de directeur de management ; que toutefois, il résulte de l'instruction qu'aux termes d'un procès-verbal de l'associé unique de la société par actions simplifiées RKW Guial en date du 31 octobre 2001, M. A...a été nommé, par une décision du même jour de l'assemblée générale, pour une durée de trois ans, en qualité de directeur général de cette société, " chargé de la gestion des affaires courantes ", conformément à l'article 14-1 des statuts de cette société ; que M. A...a également signé un contrat de travail le 2 octobre 2001 avec deux membres du conseil de direction, qui mentionne très précisément qu'il est recruté pour exercer les fonctions de directeur général au sein de la société pour une même durée de trois ans et qu'il percevra, en contrepartie, une rémunération annuelle de 130 000 euros ; que, dans ces conditions, les seuls témoignages et l'organigramme de la société dont se prévaut M.A..., qui n'ont qu'une valeur probante limitée, ne suffisent pas à établir qu'il n'exerçait pas les fonctions de directeur général au sens de l'article 80 ter du code général des impôts, et ce, alors même qu'il a pu exercer une activité commerciale, laquelle n'est pas incompatible avec lesdites fonctions ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes d'un protocole d'accord transactionnel conclu le 29 juin 2004 en référence à l'article 2044 du code civil, entre la SAS RKW Guial et M. A..., ce dernier a accepté la cessation de son mandat de directeur général, la société ayant préalablement exposé que l'intéressé avait fait part à certains membres du conseil de direction de son intention de quitter l'entreprise dans le cadre d'un départ négocié ainsi que de sa prise de participation dans une société tunisienne concurrente, et qu'il revendiquait une indemnité de départ de 485 000 euros ; qu'en contrepartie de la renonciation à toute action de sa part, la société a accepté de verser à M. A...des dommages et intérêts d'un montant de 351 120 euros, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour lui de " ...la cessation de son mandat et d'une manière générale, de sa collaboration... " ; que si M. A...fait valoir qu'il a porté plainte contre les responsables du groupe RKW auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon le 17 décembre 2008, puis auprès des instances judiciaires belges le 24 janvier 2011, pour dénoncer des malversations auxquelles il avait refusé de participer, l'existence d'un tel différend, apparu plus de quatre ans après la cessation de ses fonctions, ne suffit pas à établir qu'il aurait, comme il le soutient, cédé à la contrainte de son employeur en signant l'accord du 29 juin 2004 ; que, dans ces conditions, son départ de la société RKW Guial ne peut être regardé comme revêtant le caractère d'une révocation de son mandat de directeur général ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les indemnités perçues à l'occasion de ce départ ne pouvaient être exonérées d'impôt, en application des dispositions précitées du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assorties des intérêts de retard restant à sa charge auxquelles il a été assujetti au tire de l'année 2004 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A...tendant à l'application des dispositions précitées du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 23 septembre 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nice tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assorties des intérêts de retard restant à sa charge auxquelles il a été assujetti au tire de l'année 2004 et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Il sera statué par une décision distincte du présent arrêt sur le litige relatif aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et aux pénalités y afférentes auxquelles M. et Mme A...ont été assujettis au titre de l'année 2004.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
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N° 11MA04331