Vu la requête, enregistrée le 8 février 2012, présentée pour l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Au p'tit Bonheur, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est 124 avenue Jean Jaurès à Marignane (13700), par la SCP B...et associés, agissant par Me A...B... ;
L'EURL Au p'tit Bonheur demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0908629 du 29 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces rappels de taxe et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2014 :
- le rapport de M. Sauveplane,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;
1. Considérant que l'EURL Au p'tit Bonheur, qui exploite un fonds de commerce de restauration rapide et de salon de thé sous le régime de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2004 à 2006, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir écarté la comptabilité comme non probante, a reconstitué le chiffre d'affaires de la société ; que cette reconstitution a mis en évidence une insuffisance du chiffre d'affaires déclaré et le dépassement du seuil limite prévu pour l'application du régime de franchise de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en conséquence, l'administration a rappelé, en suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, les droits correspondants de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été assortis de la majoration de 40 p. cent prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que l'EURL Au p'tit Bonheur relève appel du jugement en date du 29 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur la régularité de la procédure :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ;
3. Considérant que si l'EURL Au p'tit Bonheur soutient que la proposition de rectification du 5 décembre 2007 prêtait à confusion en ce que l'administration ne justifiait pas sa décision d'assujettir la société à l'impôt sur les sociétés et en ce que l'administration n'a pas opéré de distinction, dans les conséquences financières, entre l'impôt sur les sociétés et la contribution sur l'impôt sur les sociétés et a méconnu l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, il résulte toutefois de l'instruction que l'administration a dégrevé les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société ; que, dès lors, ces moyens sont sans incidence sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui restent en litige et doivent donc être écartés comme inopérants ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que, pour motiver son rejet de la comptabilité, l'administration a indiqué dans la proposition de rectification du 5 décembre 2007, que de nombreux achats n'avaient pas été comptabilisés et que les recettes journalières étaient globalisées en fin de journée sans distinction entre les moyens de paiement et sans que ces recettes soient assorties de pièces justificatives ; que la proposition de rectification comportait plusieurs tableaux mentionnant, année par année, les produits qui n'avaient pas fait l'objet d'achat alors qu'ils étaient d'utilisation courante ainsi que la date et le numéro des factures d'achat auprès du fournisseur " Metro " qui n'avaient pas été comptabilisées ; que, de surcroit, certaines factures comptabilisées n'étaient pas conformes aux règles de facturation en raison de l'absence de mention du fournisseur et de la taxe sur la valeur ajoutée payée, et de mentions rédigées en langue étrangère ; qu'ainsi l'administration a suffisamment motivé le rejet de la comptabilité de l'EURL Au p'tit Bonheur et le moyen doit être écarté ;
5. Considérant, en dernier lieu, que l'erreur de plume relative à la date de la réponse aux observations du contribuable, qui est datée du " 28 janvier 2007 " au lieu du " 28 janvier 2008 ", est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu'elle n'a pu induire en erreur le contribuable, lequel indique au demeurant avoir rectifié de lui-même cette erreur de plume dans son mémoire adressé à la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
6. Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve des graves irrégularités qui ont conduit au rejet d'une comptabilité incombe à l'administration lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ;
7. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point n°4, que l'administration fait valoir que de nombreux achats n'avaient pas été comptabilisés et que les recettes journalières étaient globalisées en fin de journée sans distinction entre les moyens de paiement et sans que ces recettes soient assorties de pièces justificatives ; que la proposition de rectification comportait plusieurs tableaux mentionnant, année par année, les produits qui n'avaient pas fait l'objet d'achat alors qu'ils étaient d'utilisation courante ainsi que la date et le numéro des factures d'achat auprès du fournisseur " Metro " qui n'avaient pas été comptabilisées ; que, de surcroit, certaines factures comptabilisées n'étaient pas conformes aux règles de facturation en raison de l'absence de mention du fournisseur et de la taxe sur la valeur ajoutée payée, et de mentions rédigées en langue étrangère ; que la société n'a, par ailleurs, pas présenté d'inventaire de stock ; que si les dispositions de l'article 286, I, 3° du code général des impôts autorisent la globalisation dans la comptabilité journalière des opérations au comptant d'un montant unitaire inférieur à 76 euros, cette faculté ne dispense pas le contribuable de tenir et conserver un justificatif des opérations ayant concouru à former les sommes globalement inscrites en comptabilité ; que, faute pour lui d'avoir présenté les pièces justificatives de ses recettes quotidiennes, le requérant ne pouvait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des indications de la documentation administrative 4-G-2334, selon lesquelles les commerçants qui procèdent à l'inscription globale en fin de journée de leurs recettes peuvent être dispensés d'en justifier le détail par la présentation de fiches de caisse ou d'une main courante correctement tenue ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a rejeté la comptabilité comme non probante et a reconstitué le chiffre d'affaires ; qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne la charge de la preuve :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge... " ;
9. Considérant qu'en l'espèce, la comptabilité de l'EURL Au p'tit bonheur comportait de graves irrégularités et que les impositions supplémentaires ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaire ; qu'ainsi la société requérante supporte la charge de la preuve ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'EURL Au p'tit Bonheur, l'administration a, au préalable, constaté que les portions de viande et les achats de barquettes utilisées pour les plats à emporter étaient incohérents pour les années 2004 et 2005 ; qu'en conséquence, l'administration s'est fondée, pour reconstituer le chiffre d'affaires relatif aux plats du jour et aux plats à la carte comportant de la viande, sur les résultats de l'année 2006 où les barquettes représentaient 36, 02 p. cent du nombre total de portions ; qu'à partir des résultats de cette année et en fonction des indications données quant aux quantités utilisées en vue de la confection des plats et des prix pratiqués, le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires relatif aux plats du jour et à la carte comportant de la viande ; que cette première méthode a permis d'aboutir, pour toute la période vérifiée, à un nombre total de plats de jours et de plats à la carte de 23 289 plats servis à la clientèle soit, compte tenu des achats de 9 550 barquettes servant aux ventes à emporter, 13 739 repas servis sur place ; que l'administration a ensuite corroboré ce résultat par le constat que la société avait procédé à l'achat sur l'ensemble de la période vérifiée de 15 000 " sets de table " servant pour les repas servis sur place ; que l'administration a ainsi obtenu un chiffre d'affaires reconstitué de 67 496 euros en 2004, 105 121 euros en 2005 et 111 394 euros en 2006 ;
11. Considérant, en premier lieu, que l'EURL Au p'tit Bonheur doit être regardée comme soutenant que la méthode retenue serait radicalement viciée en ce qu'elle serait basée sur le nombre de barquettes utilisées pour les ventes à emporter pour en déduire le nombre de plats servis et qu'elle ne tiendrait pas compte des conditions réelles d'exploitation en raison de l'utilisation de plusieurs barquettes par portion de plat à emporter et de l'emport des restes par la clientèle ; qu'elle fait valoir, à cet égard, la nécessité de diviser par au moins deux le nombre de plats du jour vendus en raison de l'utilisation systématique de deux ou trois barquettes par plat à emporter et non d'une seule ;
12. Considérant, toutefois, que la société requérante se borne à des allégations sur ce point ; que le constat d'huissier du 22 avril 2009 est postérieure à la mise en recouvrement des impositions et ne peut, dès lors, valablement servir de preuve sur ce point ; que les attestations de clients ou de salariés n'ont pas davantage de force probante eu égard aux termes peu précis dans lesquels elles sont rédigées ; qu'à l'inverse, l'administration fait valoir que la pratique, alléguée par la requérante, de l'emport des restes par le client n'a pas été évoquée au cours du débat oral et contradictoire ; qu'ainsi la méthode ne peut être considérée comme radicalement viciée ; qu'au demeurant, dès lors que la société ne conteste pas le nombre de 23 289 plats servis à la clientèle issu de la reconstitution effectuée par l'administration, la diminution du nombre de plats à emporter vendus serait de nature à entrainer une augmentation du nombre de repas servis sur place et aboutirait, ainsi, à une augmentation du chiffre d'affaires reconstitué ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que si la société requérante se prévaut, par ailleurs, de réfactions dans l'utilisation de poudre de noisettes, de beurre, de chou, de whisky, de sardines, de truite rose et de viande servant à la confection des plats, de liqueurs et sirops, de riz et de jus d'orange, et au prix des bouteilles d'eau, elle n'apporte aucun élément de preuve déterminant susceptible de remettre en cause les estimations de l'administration établies à partir des données recueillies auprès de l'entreprise à l'occasion du débat oral et contradictoire ;
14. Considérant, en dernier lieu que l'EURL Au p'tit Bonheur ne propose pas d'autre méthode permettant une meilleure approximation des recettes de l'activité ; que l'attestation de son expert comptable du 14 décembre 2012, établie plus de cinq ans après les opérations de vérification, précisant qu'il convenait de déduire un stock de 450 kilogrammes de viande existant, ne peut être regardée comme une méthode alternative sérieuse ; qu'au demeurant, il est constant que la société n'a pas présenté de livre d'inventaire au cours de la vérification de comptabilité ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL Au p'tit Bonheur n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré du chiffre d'affaires reconstitué ; qu'elle n'est donc pas fondée à demander la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui en résultent et lui ont été réclamés par avis de mise en recouvrement du 26 août 2008 ;
Sur les pénalités :
16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. "
17. Considérant que l'administration, après avoir mentionné dans la proposition de rectification du 5 décembre 2007 les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts applicable en cas de manquement délibéré, a motivé l'application des pénalités par le caractère grave et répétitif des manquements relevés sur toute la période de contrôle, à savoir l'absence de justificatifs des ventes, l'absence de détail des recettes, la comptabilisation de charges non appuyées de justificatifs conformes aux règles de facturation, la minoration des achats auprès des fournisseurs, la minoration des recettes déclarées de 44, 54 p. cent pour l'année 2004, 49, 76 p. cent pour l'année 2005 et 40, 77 p. cent pour l'année 2006, la minoration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée de 100 p. cent pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 et la comptabilisation de dépenses personnelles du gérant dans les charges de la société ; qu'une telle motivation était suffisante au regard des exigences de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales et le moyen doit être écarté ;
18. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré..." ;
19. Considérant qu'en faisant valoir le caractère grave et répété des irrégularités comptables rappelées au point n°17, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de l'EURL Au p'tit Bonheur de se soustraire à l'impôt et, par suite, du bien-fondé de l'application de la majoration ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Au p'tit Bonheur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Au p'tit Bonheur est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Au p'tit Bonheur et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
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N° 12MA00487